La commission des Lois du Sénat français a rejeté mercredi la proposition de loi pénalisant la négation des génocides, dont celui des Arméniens en 1915, exprimant les fortes réticences d'une partie du Sénat face à ce texte adopté par les députés au grand dam de la Turquie.

La commission a voté une motion d'irrecevabilité, jugeant le texte «contraire à la Constitution» par 23 voix pour, neuf contre et huit abstentions.

Le vote a aussitôt été «salué» par le porte-parole de l'ambassade de Turquie à Paris, Engin Solakoglu.

«Ankara salue la décision de la commission des lois du Sénat qui a clairement montré sa position en disant que cette proposition de loi est anticonstitutionnelle. C'est le sens de la motion d'irrecevabilité. Nous nous attendons à ce que ce bon sens continue de prévaloir au Sénat lundi», a-t-il déclaré à l'AFP.

Le texte devrait toutefois être ratifié lundi en séance, une majorité au Sénat semblant se dessiner en faveur de la proposition de loi.

Le Sénat n'est plus divisé entre droite et gauche sur ce texte, mais entre opposants et partisans, ces derniers étant souvent des élus de départements abritant une forte communauté arménienne.

Les responsables des groupes UMP (majorité présidentielle, droite) et du Parti socialiste, qui représentent à eux seuls les trois quarts des 348 sénateurs, ont assuré que la grande majorité de leurs troupes voteront le texte.

De nombreux sénateurs ont cependant annoncé qu'ils seraient aux abonnés absents lundi. Il est vrai qu'il y a seulement quelques mois -le 4 mai 2011- le Sénat, alors majoritairement à droite, avait rejeté un texte socialiste identique et certains ne veulent pas se déjuger.

Pour ajouter à la confusion, au moment où la commission des Lois rejetait le texte, le groupe socialiste donnait une conférence de presse pour le défendre.

«Nous voulons que la loi soit votée lundi pour que les négationnistes ne puissent plus oeuvrer en France», a déclaré Philippe Kaltenbach, député socialiste des Hauts-de-Seine (région parisienne).

Pour lui, le rejet du texte par la commission des lois «ne présage en rien» du vote lundi.

Le président du Sénat, le socialiste Jean-Pierre Bel, s'était montré réservé le 12 janvier sur la proposition de loi présentée par la droite et déjà adoptée par l'Assemblée nationale sanctionnant la négation de tous les génocides, dont celui des Arméniens de 1915.

«Je suis de moins en moins favorable aux lois mémorielles», avait-il dit, ajoutant être «inquiet de l'évolution des relations de la France avec la Turquie à un moment où on aurait bien besoin de se rapprocher de ce pays».

La proposition de loi a déjà été adoptée le 22 décembre par les députés. Si le Sénat la vote sans y apporter d'amendements, elle sera définitivement adoptée.

Le texte qui a provoqué une crise diplomatique majeure entre Ankara et Paris prévoit de punir d'un an de prison et 45 000 euros (plus de 58 400$) d'amende la négation d'un génocide reconnu par la loi française.

La Turquie réfute le terme de génocide, même si elle reconnaît que des massacres ont été commis et que quelque 500 000 Arméniens ont péri en Anatolie entre 1915 et 1917, les Arméniens évoquant 1,5 million de morts.