Le premier ministre russe Vladimir Poutine a estimé mercredi qu'un deuxième tour à la présidentielle de mars, dont il est le favori, était «possible», tout en jugeant qu'il s'agirait d'une source de «déstabilisation» pour le pays.

«Un deuxième tour est possible conformément à notre législation (...). Je comprends bien, et vous le comprenez aussi je pense, qu'un second tour signifiera le prolongement d'une forme de combat, et donc d'une certaine déstabilisation de notre situation politique», a-t-il déclaré, selon les agences russes, devant des observateurs électoraux russes.

«Mais il n'y a rien d'effrayant à ça, je suis prêt, et s'il le faut nous travaillerons pour le deuxième tour», a ajouté l'homme fort de la Russie.

Il a par ailleurs relevé qu'un risque existait que ses partisans ne fassent pas le déplacement aux urnes le 4 mars, estimant que sa victoire était acquise.

«Il y a le risque que beaucoup de gens, mes partisans, ne viennent pas en partant du principe «il va gagner, pourquoi y aller»», a ajouté l'ex-agent du KGB, avant d'appeler les observateurs à dénoncer «toutes les violations» lors de la présidentielle.

Pour l'analyste Nikolaï Petrov, M. Poutine cherche, en évoquant la possibilité d'un deuxième tour, à convaincre les Russes que le scrutin du 4 mars ne sera pas marqué par des fraudes, au moment où il est confronté à un important mouvement de contestation.

«Il ne veut pas d'un deuxième tour, et je ne pense pas qu'il y en aura un. Mais il veut que les gens pensent qu'il s'agit d'une vraie élection, que les choses n'ont pas été déterminées à l'avance», estime ce politologue du centre Carnegie de Moscou.

Selon un sondage du centre Levada, proche de l'opposition, seuls 49% des Russes considèrent que la présidentielle sera dans l'ensemble «honnête». À l'inverse, 28% des personnes interrogées estiment que le scrutin sera «malhonnête» ou «plutôt malhonnête», tandis que 23% se disent sans opinion.

M. Poutine est le grand favori de la présidentielle. Les autres candidats sont le milliardaire Mikhaïl Prokhorov et les dirigeants des trois partis adoubés par le Kremlin, le communiste Guennadi Ziouganov, le populiste Vladimir Jirinovski et le chef du parti Russie juste, Sergueï Mironov.

Les sondages accordent actuellement au premier ministre russe environ 50% des suffrages, alors qu'il avait remporté les présidentielles de 2000 (environ 53%) et 2004 (environ 71%) dès le premier tour.

Par ailleurs, M. Poutine a assuré mercredi qu'il ne s'accrocherait pas au pouvoir s'il devait perdre un jour le soutien des Russes.

«Je ne veux pas, et je ne vais pas travailler s'il n'y a pas dDes militants du mouvement d'opposition russe Solidarité ont accroché mercredi une énorme banderole portant l'inscription «Poutine, pars!» sur un immeuble situé juste en face du Kremlin, à trois jours d'un vaste défilé à Moscou contre le régime du premier ministre russe.e soutien (de la population - NDLR), ça n'aurait aucun sens. Dans ce cas-là, il faudra que d'autres essayent de faire mieux», a-t-il dit.

«Poutine, pars!»

La banderole jaune de 140 m2 montre aussi une caricature du premier ministre Vladimir Poutine, barrée d'une croix noire. Elle a été accrochée sur un panneau publicitaire installé sur le toit d'un immeuble faisant face au Kremlin, siège de la présidence russe, sur un quai de la Moskova.

«Notre but principal est de rappeler à tout le monde qu'une manifestation pour des élections honnêtes est prévue cette semaine», a expliqué à l'AFP, Anastassia Rybatchenko, une militante de Solidarité qui faisait partie de l'équipe ayant accroché la banderole.

«Nous voulons aussi dire ainsi qu'il est impossible d'organiser des élections honnêtes sous le régime de Poutine», a-t-elle ajouté.

Selon Anastassia Rybatchenko, la banderole a été accrochée en fin de matinée, avant d'être enlevée moins d'une heure plus tard par les autorités.

Solidarité est l'un des nombreux mouvements d'opposition à appeler les Russes à manifester le 4 février pour un scrutin démocratique en vue de la présidentielle du 4 mars et pour dénoncer le régime de M. Poutine.

Les organisateurs espèrent réunir des dizaines de milliers de manifestants, comme ils l'ont fait à deux reprises en décembre dernier.

La Russie connaît une vague de contestation sans précédent depuis l'avènement à la tête du pays en 2000 de M. Poutine. Elle a été déclenchée par les législatives de décembre dernier, marquées par des fraudes selon l'opposition et des observateurs russes et étrangers.

Des dizaines de milliers de Russes ont manifesté à Moscou à deux reprises en décembre et prévoient de défiler de nouveau samedi dans la capitale.

Premier ministre depuis quatre ans, M. Poutine espère revenir cette année au Kremlin, qu'il avait dû quitter après deux mandats consécutifs (2000-2008), laissant la place à son dauphin Dmitri Medvedev. Ce dernier a annoncé en septembre qu'il s'effaçait pour permettre le retour de son mentor.

Une réforme de la Constitution a par ailleurs prolongé le mandat à la présidence de quatre à six ans, si bien que M. Poutine pourra, en cas d'élection en 2012, se faire réélire une fois de plus en 2018.