Vladimir Poutine, candidat à la présidentielle de mars et cible d'une contestation sans précédent, a appelé lundi à un renouveau de la démocratie en Russie face à une société civile de plus en plus «active», dans un article qui a laissé sceptique plusieurs analystes.

«Nous avons besoin de renouveler les mécanismes de notre démocratie. Il faut tenir compte d'une activité citoyenne de plus en plus importante», a écrit le premier ministre dans un article fleuve publié par le quotidien Kommersant et intitulé «La démocratie et la qualité de l'État».

«Notre société civile est devenue beaucoup plus mature, active et responsable», a-t-il renchéri.

Grand favori de la présidentielle du 4 mars, M. Poutine, qui a déjà effectué deux mandats au Kremlin de 2000 à 2008, est cependant confronté à un mouvement de contestation d'une ampleur sans précédent depuis son avènement au pouvoir.

Dans cet article, le quatrième publié dans la presse, le premier ministre met cependant en garde contre toute «démocratie fictive».

«Nous n'avons pas besoin d'une situation où la démocratie est réduite à une simple pancarte, lorsqu'un spectacle politique et un casting de candidats sont présentés comme le pouvoir du peuple», a-t-il déclaré, dans une allusion apparente aux manifestations de l'opposition, une coalition disparate d'opposants politiques et de personnalités de la culture ou des médias.

«Nous devons éviter une telle voie sans issue, qui est une tentative de simplifier la politique et de créer une démocratie fictive», a-t-il ajouté.

Vladimir Poutine a estimé que l'un des résultats de la politique qu'il a menée ces dernières années a abouti à l'émergence d'une classe moyenne «plus exigeante» en Russie.

«Les nouvelles exigences envers les autorités, la sortie de la classe moyenne de son monde étroit où elle ne pense qu'à sa propre prospérité, sont le résultat de nos efforts. Nous avons travaillé à cela», a-t-il écrit.

Manifestations contre Poutine

Samedi, jour du début de la campagne présidentielle, l'opposition a réuni pour la troisième fois des dizaines de milliers de personnes à Moscou pour réclamer une «Russie sans Poutine».

Ce même jour, plus de 130 000 partisans du premier ministre, selon la police, se sont aussi réunis dans la capitale, un chiffre cependant surestimé, ont jugé plusieurs médias.

Lundi, le porte-parole de Vladimir Poutine, a néanmoins déclaré que ce rassemblement de masse présageait d'une victoire dès le premier tour du premier ministre.

«Bien sûr (qu'il gagnera) au premier tour, c'est ce qui ressort de la mobilisation convaincante à Poklonnaïa Gora (où ses partisans ont manifesté, NDLR) et des études des sociologues», a estimé Dmitri Peskov au quotidien populaire Komsomolskaïa Pravda.

De nombreux témoignages sur l'internet et d'autres recueillis par l'AFP ont cependant laissé planer un doute sur la spontanéité de ces manifestants, des fonctionnaires ayant raconté avoir été forcés de s'y rendre sous peine de sanctions.

Dans son article, M. Poutine propose par ailleurs de rétablir l'élection directe des gouverneurs de région. Aux termes d'une réforme qu'il avait introduite lui-même en 2004, les gouverneurs sont nommés par le chef de l'Etat. Cette réforme a depuis été violemment dénoncée par l'opposition.

«Ce sont des concessions cosmétiques et tout simplement tactiques», a déclaré à l'AFP Lilia Chevtsova du centre Carnegie à Moscou, ajoutant qu'«en réalité toutes ces idées et propositions» ne changeaient pas «le principe du monopole du pouvoir».

Même avis pour Dmitri Orechkine, politologue et un des membres fondateurs de la «Ligue des électeurs», créée pour mobiliser les Russes en vue de la présidentielle: «C'est juste du populisme pré-électoral pur et simple».

Pas de prisonnier politique en Russie?

Vladimir Poutine, a par ailleurs assuré lundi qu'il n'y avait «Dieu merci» aucun prisonnier politique en Russie.

«Selon moi, chez nous, il n'y a pas de détenus politiques, Dieu merci, bien que certains disent cela, sans citer de noms», a-t-il dit lors d'une rencontre avec des politologues, selon les agences russes.

«Qu'ils montrent ne serait ce qu'une personne qui est en prison pour des raisons politiques», a-t-il encore dit.

«Si encore une personne était enterrée en prison pendant dix ou vingt ans, comme Nelson Mandela, qui se battait pour les libertés de la population noire, mais nous n'avons personne comme ça», a-t-il dit.

Les détracteurs du régime russe considèrent l'ex-patron pétrolier Mikhaïl Khodorkovski et son associé Platon Lebedev, en prison depuis 2003 pour des crimes économiques, comme des détenus politiques. Leurs peines s'achèvent en 2016

Les deux hommes ont été arrêtés après que M. Khodorkovski, alors patron du géant pétrolier Ioukos, est entré en conflit ouvert avec le Kremlin en finançant notamment l'oppostion.