La Grèce, considérée comme le berceau de la démocratie, est aujourd'hui soumise à un nouveau type de régime politique menotté par des technocrates inféodés qui n'hésitent pas à écraser la population de leur pays pour servir les intérêts des marchés financiers.

Tel est, en quelques mots, la thèse centrale de Dettocratie, ou Debtocracy en anglais, un documentaire produit par deux jeunes journalistes qui est devenu une sorte de cri de ralliement pour les Grecs furieux des mesures d'austérité retenues pour juguler la crise.

«Depuis sa sortie, il y a plus de deux millions de visionnements recensés en ligne. Et il a été montré un peu partout dans les rassemblements publics», se félicite l'un des auteurs, Aris Chatzistefanou, qui a perdu son emploi dans une importante radio privée quelques jours avant le lancement du film, en avril dernier.

Le journaliste de 34 ans affirme que son employeur n'appréciait pas du tout les réserves manifestées dans ses reportages envers les mesures d'austérité. Ni sa volonté d'explorer les voies alternatives utilisées par d'autres nations ayant également été confrontées à une importante crise de la dette par le passé.

L'État contre les citoyens

Le documentaire défend l'idée que la Grèce ferait mieux de renoncer en tout ou en partie au paiement de sa dette, se retirer de l'eurozone pour regagner le contrôle de sa politique monétaire et relancer son activité économique.

«Plutôt que de faire ça, les dirigeants du pays se retournent contre la population en lui imposant des coupes considérables», souligne le jeune homme, qui insiste sur les liens étroits existant entre plusieurs dirigeants de l'actuel gouvernement, institué à l'automne, et le milieu financier.

Le défaut de paiement, selon le journaliste, serait en partie justifié par le fait qu'une part substantielle de la dette a été générée par les élus grecs contre l'intérêt de la population. Il évoque notamment les dépassements de coûts survenus pour la tenue des Jeux olympiques ou encore l'importance des dépenses militaires, souvent engagées au profit du secteur militaire de pays comme la France et l'Allemagne qui «reprochent aujourd'hui à la Grèce d'avoir trop dépensé».

Dettocratie évoque aussi le cas de l'Équateur, qui avait refusé sous la houlette du président Rafael Correa de payer une part importante de ses créanciers en évoquant la notion de «dette odieuse». Le documentaire relate que les États-Unis ont notamment misé sur ce concept pour obtenir l'élimination d'une part importante de la dette irakienne au moment de l'invasion du pays en 2003, avant de balayer l'idée sous le tapis par crainte de la voir rebondir dans d'autres situations.

L'année dernière, une commission populaire d'audit a été créée en Grèce pour tenter d'étudier la nature de la dette publique sans pouvoir réellement avancer, faute d'accès aux documents officiels du gouvernement.

L'exercice s'avérerait inutile si le pays fait carrément faillite. M. Chatzistefanou ne serait pas malheureux de ce dénouement, même s'il est conscient qu'il entraînera des difficultés importantes pour la population du pays.

«Les États qui ont utilisé cette voie finissent toujours par rebondir et les marchés oublient», dit-il.

SORTIE DE L'EURO

Le ministre des finances grec, Evangelos Venizelos, a accusé «certains pays de la zone euro» de vouloir en faire sortir la Grèce, rapporte la BBC. «C'est jouer avec le feu», a martelé M. Venizelos, sans nommer les pays concernés.

Chose certaine, en Allemagne, il s'agit d'une opinion qui a droit de cité. Dans une entrevue au mensuel allemand Manager Magazin, le grand patron du géant de l'électronique Bosch a affirmé, en parlant de la Grèce, que «cet État avec ses retraités fantômes et ses riches qui ne paient pas de taxes, cet État sans administration fonctionnelle, n'a pas sa place dans l'Union européenne».

- Avec Mathieu Perreault