La justice espagnole a acquitté lundi le juge Baltasar Garzon dans son procès sur les disparus du franquisme, dénouement d'un procès polémique qui n'efface pas la récente interdiction d'exercer qui a foudroyé la carrière du magistrat.

Le juge Garzon, célèbre dans le monde entier pour avoir mené de multiples enquêtes sur les atteintes aux droits de l'homme, a cette fois bénéficié de la clémence des juges du Tribunal suprême de Madrid: six d'entre eux, sur un total de sept, se sont prononcés pour son acquittement.

Le 9 février en revanche, Baltasar Garzon avait été condamné par le même tribunal à 11 ans d'interdiction d'exercer dans un autre procès concernant une affaire d'écoutes illégales.

Un verdict qui a probablement mis un terme à la carrière de ce magistrat brillant et controversé, âgé de 56 ans, qui en Espagne s'est attiré des inimitiés en enquêtant dans tous les champs de la vie politique, à droite mais aussi à gauche.

Dans ce second procès, il était poursuivi pour avoir enfreint la loi d'amnistie votée par le Parlement espagnol en 1977, en ouvrant une instruction en 2008 sur le sort de plus de 100 000 personnes portées disparues pendant la Guerre civile (1936-39) et le franquisme (1939-75).

Ce procès, très polémique en Espagne, où les plaies du franquisme restent à vif 37 ans après la fin de la dictature, avait suscité de nombreuses condamnations de la part des défenseurs des droits de l'homme.

«Enquêter sur la torture et les «disparitions» ne peut pas être considéré comme un crime», a réagi lundi Reed Brody, porte-parole de l'organisation Human Rights Watch, saluant un verdict qui «évite un embarras plus grand encore» au Tribunal suprême.

«Mais le mal a déjà été fait avec la précédente condamnation du juge Garzon», ajoute-t-il.

Le désormais ex-juge est déjà sous le coup d'une interdiction d'exercer de onze ans après avoir ordonné des écoutes entre des avocats et des détenus, en violation des droits de la défense, dans une enquête sur un réseau de corruption qui avait éclaboussé en 2009 la droite espagnole.

Il était également mis en cause dans un troisième dossier, pour corruption passive. L'affaire a finalement été classée pour prescription le 13 février.

Le verdict du Tribunal suprême annoncé lundi dans le procès polémique des disparus du franquisme marque ainsi la fin d'un long parcours judiciaire, entamé en mai 2010 avec la suspension provisoire de Baltasar Garzon de ses fonctions de magistrat de l'Audience nationale.

Cette accumulation d'affaires, qui ont visé quasi simultanément le haut magistrat, pousse les partisans de M. Garzon à dénoncer un complot ourdi pour détruire la carrière d'un homme qui a dérangé dans tous les milieux avec ces enquêtes sensibles.

«J'ai la conscience tranquille, car j'ai pris les décisions que je croyais conformes au droit pour enquêter sur les crimes massifs de disparitions de personnes», avait-il déclaré le 8 février, au dernier jour de son procès.

«L'obligation du juge est de protéger les victimes», avait-il lancé dans la grande salle du tribunal.

Son enquête sur les disparus du franquisme, à la demande de famille de victimes, avait valu à Baltasar Garzon la vindicte des milieux conservateurs, qui l'accusaient de rouvrir inutilement de vieilles blessures.

À l'origine des poursuites, deux organisations d'extrême droite qui l'accusent d'avoir enfreint, avec cette enquête, une loi d'amnistie votée deux ans après la mort de Francisco Franco, qui était censée imposer un pacte du silence sur ces années noires.

Mais son procès, qui a débuté le 24 janvier, a paradoxalement permis à douze proches de victimes du franquisme de venir témoigner pour la première fois à la barre d'un tribunal espagnol.