Le Haut-Karabagh, vous connaissez? Cet ancien territoire de l'Azerbaïdjan, indépendant de facto depuis la fin d'une guerre civile sanglante en 1994, était tombé dans l'oubli au cours des dernières années. Mais la récente rupture de négociations entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie sur l'avenir de cette enclave montagneuse fait craindre l'irruption d'un conflit régional qui pourrait aussi impliquer la Russie, l'Iran et la Turquie. Les enjeux en cinq questions.

Q Quel est le statut du Haut-Karabagh?

R Selon le droit international, le Haut-Karabagh est une région de l'Azerbaïdjan. Dans les faits, cette région montagneuse est annexée à l'Arménie, pays voisin, depuis la fin de la guerre civile en 1994. Si, avant la guerre, l'enclave était peuplée de 75% d'Arméniens et de 25% d'Azerbaïdjanais et d'autres minorités, la population du Haut-Karabagh est aujourd'hui exclusivement arménienne. L'armée arménienne occupe aussi sept régions de l'Azerbaïdjan entourant le Haut-Karabagh et le séparant de la frontière arménienne. Près de 600 000 Azerbaïdjanais, aujourd'hui éparpillés à travers l'Azerbaïdjan, ont été expulsés du Nagorno-Karabakh et des territoires occupés.

Q Que dit la communauté internationale?

R Hormis l'Arménie, qui a longtemps souhaité récupérer l'enclave majoritairement arménienne, aucun pays ne reconnaît l'indépendance du Haut-Karabagh. Pour régler le conflit, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe a mis sur pied en 1992 le groupe de Minsk. Composé de la France, des États-Unis et de la Russie, le groupe doit faciliter les négociations entre les deux parties. «Les deux parties s'entendent sur six grands principes, mais c'est sur les détails de chacun des principes que ça achoppe», estime Lawrence Scott Sheets, expert du Caucase à l'International Crisis Group.

Q Quel est le principal point de dissension?

R Un référendum qui doit être tenu sur l'avenir du Haut-Karabagh. L'Arménie aimerait que seuls les résidants du Haut-Karabagh (tous arméniens) puissent voter, alors que l'Azerbaïdjan voudrait que toute la population de l'Azerbaïdjan puisse voter. «Dans les deux cas, on sait ce que serait le résultat», note M. Sheets. Et aucune des deux parties ne veut reculer. En entrevue à La Presse la semaine dernière, l'ambassadeur de l'Azerbaïdjan au Canada, Farid Shafiyev, a expliqué que son pays veut donner un statut autonome au Haut-Karabagh, sans en permettre l'indépendance. Les Arméniens, quant à eux, sont généralement pour la sécession.

Q Y a-t-il un danger réel de conflit?

R Oui. Les négociations sont rompues depuis une rencontre, en janvier, entre les leaders des deux pays qui multiplient depuis les exercices militaires d'envergure. «La première guerre a été un conflit d'armes légères. S'il y a une deuxième guerre, ce sera bien différent. Les deux pays sont maintenant beaucoup plus armés. De plus, plusieurs grands pays de la région risqueraient d'être de la partie», note M. Sheets.

Q Quels pays ont des intérêts dans la région?

R La Russie, qui sert de médiatrice, s'est toujours montrée une plus grande alliée de l'Arménie. L'Iran, qui a des relations historiques complexes avec l'Azerbaïdjan et qui n'en apprécie pas le régime laïque, se range aussi du côté de l'Arménie. Cependant, la Turquie, pays de plus en plus puissant dans la région, est un allié direct de l'Azerbaïdjan, pays turcophone et a toujours des relations à couteaux tirés avec l'Arménie. Un deuxième conflit au Haut-Karabagh pourrait déstabiliser une région déjà fort ébranlée.