Un tireur fou a semé la terreur hier dans une école juive de Toulouse, en France. Il a abattu quatre personnes, dont trois enfants, avant de prendre la fuite sur une moto. La tragédie comporte des similitudes avec deux autres fusillades survenues au cours des derniers jours dans la même région. Le sud de la France vit dans la crainte des attentats. Notre envoyé spécial est sur place.

Tout semblait normal lorsque Corinne Tordjenan a déposé son fils hier matin vers 8 h au collège-lycée confessionnel juif Ozar-Hatorah, dans un paisible quartier de Toulouse. Ce n'est que quelques minutes plus tard, au moment où elle amenait sa fille dans une école primaire voisine, que l'horreur l'a rattrapée.

«L'enfant d'une de mes amies qui fréquente le collège l'a appelée pour lui dire qu'il y avait eu une fusillade. [La petite] criait tellement fort dans le téléphone que j'entendais tout», relate la mère de 46 ans, qui a craint le pire pour son aîné en apprenant qu'un tireur fou avait fait irruption dans l'établissement.

«Mon garçon m'a appelée rapidement avec son portable pour me dire qu'il allait bien et qu'il était caché dans le collège [...]. Il n'a rien eu, mais il a tout vu: les corps qu'on tentait de réanimer, le sang. Là, il est chez moi et il dit qu'il a trop peur pour sortir. Il faut que je l'amène voir un psychiatre demain», a confié Mme Tordjenan, qui pleurait nerveusement en parlant.

Sa propre fille, dit-elle, risque aussi de rester profondément marquée puisque l'une des victimes du tireur, une fillette de 8 ans tuée d'une balle dans la tête, était l'une de ses amies.

«Elle avait mis son nom sur une liste d'invités pour sa fête d'anniversaire dimanche», s'est désolée Mme Tordjenan, qui était venue chercher du réconfort auprès d'autres résidants du quartier à proximité de l'école lorsque La Presse l'a rencontrée.

Gilles Bensoussan, lui, est arrivé hier matin au collègue au moment où que le tueur venait d'ouvrir le feu.

«C'était l'apocalypse. Les gens criaient et couraient dans toutes les directions», a relaté ce père de famille qui est retourné hier soir à l'école avec son fils, Sasha, pour assister à une veillée funèbre en l'honneur des victimes.

Le collège, a relevé M. Bensoussan, était bien protégé par des caméras de surveillance et un gardien de sécurité, mais rien ne pouvait laisser craindre une telle attaque. «Il semble [que le tireur] a ouvert le feu avec une mitraillette avant d'exécuter les enfants avec une autre arme [...]. On vivait normalement et ce fou est arrivé», a-t-il déclaré.

«Le tueur a tiré sur tout ce qu'il y avait en face de lui, enfants et adultes. Et des enfants ont été poursuivis à l'intérieur de l'école», a expliqué durant la journée le procureur de Toulouse, Michel Valet.

Selon plusieurs témoins, l'homme est arrivé à bord d'un scooter et portait un casque qui masquait son visage. Il a froidement abattu un enseignant originaire de Jérusalem et ses deux jeunes enfants qui attendaient devant l'entrée de l'école avant d'entrer dans l'établissement.

Sur la piste du scooter

Un adolescent a été grièvement blessé. Plusieurs marques de balles étaient visibles hier sur la clôture métallique externe, quelques mètres au-dessus des gerbes de fleurs déposées par des habitants.

Dans les heures qui ont suivi le drame, le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, a relevé des similitudes avec deux autres attaques meurtrières survenues récemment dans la région. Quatre militaires, dont trois hommes d'origine maghrébine, ont été atteints en neuf jours, à Toulouse et dans la ville voisine de Montauban, par un tireur casqué qui s'était enfui en mobylette. Trois ont péri et un a été grièvement blessé.

L'analyse balistique a permis de conclure en fin d'après-midi que les balles tirées provenaient de la même arme utilisée lors de ces deux attaques, ce qui a validé l'hypothèse d'un tireur unique. Les enquêteurs auraient aussi déterminé que le même scooter avait été utilisé chaque fois.

Vigilance maximale

Le président français Nicolas Sarkozy a dénoncé la motivation antisémite «évidente» de l'auteur de la fusillade d'hier, qui a été vivement condamné par les organisations juives de France et l'État d'Israël.

Le grand rabbin de France s'est dit «meurtri dans son corps et dans son âme» par le drame, qui fait l'objet de moult spéculations.

Certains médias ont avancé l'idée qu'il pourrait s'agir d'un parachutiste récemment sanctionné pour ses sympathies néonazies, d'autres, d'un militant islamiste. Le tout sans preuve à l'appui. «Il n'y a pas de piste claire», a résumé le ministre Guéant.

À défaut de mettre la main sur le tueur, le gouvernement a multiplié les annonces pour tenter de rassurer la population de la région, placée en état de vigilance antiterroriste maximale. D'importants contingents de gendarmes ont été envoyés sur place pour renforcer la sécurité.

Plusieurs résidants de Toulouse disent craindre malgré tout une nouvelle attaque. «En premier, on pensait que c'était un militaire qui réglait ses comptes. Mais là, on ne sait plus ce qu'il veut. Tout ce qu'on sait, c'est qu'il y a un fou armé en liberté dans la région et qu'il peut décider de tirer n'importe où», résume Mme Tordjenan.