Pendant que Montréal révise ses règlements pour freiner les casseurs, la France et le Royaume-Uni, après avoir connu de violentes émeutes, ont récemment interdit aux manifestants de se couvrir le visage.

Le 9 novembre dernier, des milliers d'étudiants anglais sont descendus dans les rues de Londres pour protester, eux aussi, contre une hausse des droits de scolarité. Si la marche s'est déroulée dans le calme, l'un des participants qui s'était cagoulé pour l'occasion a été le premier à être arrêté en vertu de la nouvelle interdiction de se couvrir le visage en public.

Le premier ministre britannique, David Cameron, a renforcé les pouvoirs des policiers au lendemain des violentes émeutes qui ont secoué les principales villes anglaises, l'été dernier. Les «Bobbies» peuvent désormais forcer les gens à retirer leur masque, tandis qu'ils devaient auparavant demander à leur supérieur l'autorisation avant de procéder. Poussant plus loin encore, le gouvernement autorise maintenant les officiers supérieurs à décréter des couvre-feux lorsque des villes s'enflamment, une mesure introduite dans l'espoir de faire baisser les tensions. Toute personne interceptée dans les quartiers chauds s'expose ainsi à des accusations criminelles.

Sarkozy contre les cagoules

Le Royaume-Uni n'est pas le premier pays à resserrer ses règles pour contrer les émeutiers. Déjà échaudé par les émeutes dans les banlieues françaises de 2005, le président Nicolas Sarkozy a déclaré la guerre aux «cagoulés» après une violente manifestation en avril 2009 à Strasbourg, où de 300 à 400 manifestants avaient lancé des cocktails Molotov contre des policiers, en marge d'un sommet de l'OTAN.

Un décret «anticagoule» adopté moins de deux mois plus tard interdit désormais de «dissimuler volontairement son visage afin de ne pas être identifié dans des circonstances faisant craindre des atteintes à l'ordre public». Les fautifs s'exposent à des contraventions de 1500 euros (1970 dollars) et de 3000 euros (3930 dollars) pour les récidivistes. Le décret ne s'applique toutefois pas aux manifestations «conformes aux usages locaux» ou lorsque la dissimulation du visage est «justifiée par un motif valable».

Règlement «anti-Bonhomme Carnaval»

Au Québec, la capitale était l'une des rares villes à interdire de se trouver «masqué ou déguisé, de jour ou de nuit, dans une rue», un règlement qui datait de 1865. Celui-ci a toutefois été abandonné après avoir été invalidé en Cour supérieure en 2004.

Un homme qui avait été arrêté en pleine rue en train de réciter du Shakespeare sous un casque de hockey avait contesté sa contravention. Le juge Paulin Cloutier lui avait donné raison, car il estimait que le règlement lui interdisant d'être masqué dans la rue brimait sa liberté d'expression.

La Ville de Québec avait porté la cause en appel, mais avait de nouveau été déboutée. Le juge Richard Grenier avait toutefois tranché qu'un tel règlement pourrait être valable s'il précisait que le port du masque se faisait «dans l'intention de troubler la paix». Sans cette précision, Bonhomme Carnaval, le père Noël et même les policiers antiémeutes auraient dû être mis à l'amende, avait souligné le juge.

Crainte d'abus policiers

La Ville de Québec a néanmoins laissé tomber son règlement en 2009, d'autant plus que le Code criminel sanctionne déjà le port du masque. L'article 351 stipule en effet qu'«est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximum de 10 ans quiconque, dans l'intention de commettre un acte criminel, a la figure couverte d'un masque ou enduite de couleur ou est autrement déguisé». Mais une telle loi est rarement appliquée puisqu'il faut alors prouver l'intention de perpétrer un crime, ce qui est difficile dans une manifestation, constatent des sources judiciaires.

La Ligue des droits et libertés, qui s'est battue en 2009 contre l'adoption d'un règlement antimasque à Montréal, continue de s'opposer vivement à une telle mesure. «Un règlement comme ça serait abusif. Au nom de délits commis par quelques-uns, on brimerait les droits de la majorité», dénonce son président, Dominique Péschard. Celui-ci refuse également de laisser aux policiers le soin de décider quels manifestants peuvent être masqués.