Zoulhika Aziri est une femme en colère: contre son fils Mohamed Merah parce qu'il a abattu froidement sept personnes dans le sud-ouest de la France et contre elle-même parce qu'elle n'a pas su l'empêcher de commettre cette «folie meurtrière».

Zoulhika Aziri «n'avait rien vu venir», selon son avocat Me Jean-Yves Gougnaud. «Mercredi, son monde a basculé. Tout s'est effondré».

Ce jour-là, Mme Aziri apprend que son fils de 23 ans est probablement l'assassin qui a froidement exécuté trois enfants et un enseignant juifs ainsi que trois militaires parachutistes entre le 11 et le 19 mars à Toulouse et Montauban.

Mohamed Merah est cerné dans son logement à Toulouse à l'issue d'une gigantesque chasse à l'homme. Vers 3H00 du matin, les policiers du Raid (unité d'élite de la police) lancent un premier assaut. Le jeune homme riposte, blessant plusieurs policiers. Des heures de négociation commencent et les policiers demandent à sa mère de le convaincre de se rendre, ce qu'elle refuse.

«Elle le savait, dès le début, que son fils ne l'écouterait pas, que le contact avait été coupé depuis longtemps, que ça ne servirait à rien», justifie son avocat devant l'hôtel de police de Toulouse où Mme Aziri a été longuement entendue.

Car Mme Aziri a été placée en garde à vue, comme son fils Abdelkader, âgé de 29 ans, au centre de l'enquête sur le tueur, et la compagne de celui-ci. Elle a été relâchée vendredi soir. Les deux autres ont été transférés samedi à la Sous-direction antiterroriste (SDAT) près de Paris où leur garde à vue doit s'achever dimanche matin.

«Ces trois jours de garde à vue ont été difficiles mais elle a coopéré», a assuré son avocat. C'est une femme «en colère», qui «se demande pourquoi son fils lui a fait ça» mais aussi une mère en deuil «car quoi qu'on en dise, elle a perdu son fils», abattu lors d'un dernier assaut jeudi après 32 heures de siège.

«Est-ce que j'aurais pu le prévoir ?», «est-ce que j'aurais pu éviter les choses ?»: ces interrogations taraudent cette mère de famille, rongée par le remords et le sentiment de culpabilité.

À 16 ans, Mohamed Merah quitte l'école, après un parcours chaotique. Il sombre dans la petite délinquance: vols, violences, outrages... En juin 2010, une famille porte plainte après qu'il eut contraint un jeune homme à regarder des vidéos de supplices, et frappé la soeur de l'enfant qui le lui reprochait.

Alain Penin, un psychologue qui a examiné Mohamed Merah en 2009, décrit une mère de famille «complètement dépassée dans ses responsabilités éducatives et (qui) n'a pas pu assurer la sécurité affective de ce garçon, qui a été placé en foyer, en famille d'accueil et en institution».

Son mari l'a quittée alors que Mohamed avait cinq ans, se retirant définitivement en Algérie. Entre dans l'environnement familial un beau-père «avec un profil de radical islamiste». Mohamed se met «à faire le ramadan, à faire la prière, à lire le Coran».

Pour l'expert ainsi que pour l'avocat de Mohamed Merah, Me Christian Etelin, la déception de ne pouvoir intégrer la Légion étrangère a aussi déclenché la radicalisation de Merah qui s'est «enfermé dans un ressentiment» après cet échec.

L'avocat refuse de dire si la mère de famille avait connaissance des voyages du jeune homme en Afghanistan et au Pakistan, tout comme il refuse de s'exprimer sur le fond de l'affaire et le contenu des auditions de sa cliente.

«Elle ne peut être tenue responsable du comportement de son fils. Il ne faut pas jeter la pierre à cette mère», la défend Me Gougnaud. Cette femme de 55 ans «a fait preuve de compassion et de sollicitude vis-à-vis des victimes. En tant que mère, elle se met à la place des proches», explique-t-il.

Mais Zoulhika Azira est aujourd'hui «inquiète», selon Me Gougnaud: «elle a peur de représailles, c'est pour ça qu'elle ne reviendra pas chez elle pour l'instant».