Mohamed Merah a été «mis hors d'état de nuire» par les forces de l'ordre françaises la semaine dernière, mais ses actions continuent de susciter un vif émoi dans le pays.

Hier matin, une controverse a éclaté après que la chaîne qatarie Al-Jazira eut indiqué qu'elle n'excluait pas de diffuser une vidéo, reçue la veille par la poste, qui montre les meurtres perpétrés par le jihadiste de 23 ans à Toulouse et à Montauban.

Les proches des victimes sont rapidement intervenus dans les médias pour demander aux responsables de la chaîne de ne pas aller de l'avant.

«C'est mon fils qui est mort, un enfant de 30 ans. Et on veut le montrer comme si c'était un film. S'il vous plaît, je ne veux pas voir ça», a déclaré à l'Agence France-Presse Latifa Ibn Ziaten, mère du premier militaire tué par Merah.

La famille de Jonathan Sandler, ce ressortissant israélien abattu avec ses deux enfants lors de l'attaque du tireur contre un collège juif de Toulouse, a aussi prévenu qu'elle utiliserait «tous les moyens judiciaires possibles» pour empêcher la diffusion de la vidéo.

«Il n'est pas humainement possible de laisser Mohamed Merah narguer de manière post mortem ceux qu'il a assassinés et de laisser le spectacle de son crime prospérer», a prévenu leur avocat.

La classe politique a ensuite rapidement pris le relais. Le président Nicolas Sarkozy a demandé à la chaîne de ne diffuser la vidéo «sous aucun prétexte, par respect pour les victimes et par respect pour la République».

Menace diplomatique

Le candidat socialiste François Hollande a indiqué qu'une décision contraire serait «extrêmement grave» et pourrait compromettre le maintien en France de la chaîne d'information, voire les liens étroits du pays avec le Qatar, où est établie Al-Jazira.

Les dirigeants de la chaîne ont finalement annoncé en milieu d'après-midi que la vidéo ne serait pas diffusée parce que cela contreviendrait au code d'éthique de l'entreprise et n'apporterait aucune information qui n'est «pas déjà dans le domaine public».

Al-Jazira a souligné que la vidéo contenait un montage présentant en séquence les attaques meurtrières de Merah contre des militaires et l'école juive, sur fond de musique et de versets coraniques.

Le procureur de Paris, François Molins, avait confirmé la semaine dernière que le tueur avait tourné des vidéos de ses meurtres à l'aide d'une caméra fixée à sa poitrine.

Il avait précisé qu'elles contenaient des scènes «extrêmement explicites». Dans l'une d'elles, le tireur abat de deux balles dans la tête un parachutiste après lui avoir dit: «Tu tues mes frères, je te tue.»

Le président Sarkozy a commenté l'affaire de la vidéo en marge d'une cérémonie tenue à l'Élysée en l'honneur des policiers et des pompiers qui ont participé à la traque de Merah ainsi qu'au long siège ayant mené à sa mort.

Il a dénoncé les personnes qui ont critiqué le travail des forces de l'ordre dans cette affaire, parlant de «polémiques honteuses». «Certains croient se grandir en abaissant tous ceux qui attachent au mot devoir plus de valeur qu'au mot dérision», a déclaré le chef d'État.