Dans une passe de plus en plus délicate sur la scène intérieure, François Hollande tente de s'imposer sur la scène internationale, s'affichant aux avant-postes sur le dossier irakien.

Le chef de l'État sera vendredi en terre irakienne pour apporter son soutien au nouveau gouvernement de rassemblement formé mardi à Bagdad et préciser la stratégie de la France à l'encontre des djihadistes de l'État islamique (EI), qui multiplient les exactions en Irak mais aussi en Syrie.

Deux jours plus tard, il coprésidera à Paris, aux côtés de son nouvel homologue irakien Fouad Massoum, une conférence internationale sur «la paix et la sécurité» en Irak, dont il avait proposé l'organisation le 20 août dans une interview au Monde, afin d'élaborer «une stratégie globale» de lutte contre l'EI.

«La détermination des égorgeurs de Daech (l'État islamique) est forte, la nôtre doit l'être plus encore», a souligné le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, mercredi devant l'Assemblée nationale.

La France, a expliqué vendredi François Hollande après un entretien avec son homologue américain Barack Obama en marge d'un sommet de l'OTAN à Newport (Pays de Galles), est prête à participer, «dans le respect du droit international», à la coalition internationale que Washington s'efforce de réunir pour «détruire» l'organisation djihadiste.

Jusqu'où pourrait aller ce concours? Une participation française aux frappes américaines contre l'EI «n'est pas une fin en soi», décrypte-t-on à Paris où l'on souligne qu'elle supposerait a minima une demande explicite des autorités irakiennes, voire un mandat de l'ONU. Mais elle n'est donc pas exclue.

Sans «anticiper» les déclarations de François Hollande sur ce point, le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, l'a laissé entendre mercredi, rappelant que la France avait envisagé de conduire des frappes contre le régime de Bachar al-Assad à l'été 2013 avant d'y renoncer, lâchée par Washington.

Quoi qu'il en soit, la démarche française, souligne-t-on encore à Paris, se veut «convergente avec celle des Américains», que Barack Obama devait dévoiler mercredi soir lors d'une allocution solennelle depuis la Maison-Blanche.

Depuis l'été, la France livre des armes aux peshmergas kurdes, qui combattent les djihadistes dans le nord de l'Irak, tout en délivrant une aide humanitaire aux populations prises au piège des combats.

Pas d'impact sur le vote des Français 

L'État islamique, qui a pris le contrôle d'une large partie du nord de l'Irak après avoir lancé en juin une offensive fulgurante, a proclamé l'établissement d'un califat islamique dans les régions qu'il contrôle dans ce pays, mais aussi en Syrie.

A l'Élysée, on le clame cependant haut et fort: l'hyper-activité du président Hollande sur le dossier irakien n'est aucunement liée à la situation intérieure, fortement dégradée après les confidences livresques de son ex-compagne Valérie Trierweiler, la dégradation accélérée des comptes publics ou son impopularité sans précédent.

«Que la situation intérieure soit difficile, nous ne le contestons pas, mais ce n'est en aucun cas le moyen de la compenser», souligne-t-on dans l'entourage du chef de l'État, faisant valoir qu'il «n'a cessé de travailler sur ce dossier irakien tout l'été».

Quant à l'annonce avec 72 heures d'avance de son déplacement en Irak -alors que, pour d'évidentes raisons de sécurité, la plupart des visites de responsables étrangers sont gardées secrètes jusqu'à leur arrivée sur le sol irakien-, elle visait à manifester le soutien de la France au nouveau gouvernement irakien le jour-même de sa formation, assure-t-on de même source.

Ami de longue date du président et chargé de mission à l'Élysée, Bernard Poignant s'indigne: «Ce n'est quand même pas François Hollande qui a annexé la Crimée, pas lui qui mène la guerre des séparatistes ukrainiens, pas lui qui fait le califat en Syrie et en Irak, pas lui qui assassine la population en Syrie...»

«Ce qu'il fait, c'est le devoir de sa fonction et il ne le fait pas par opportunisme», même si «son action internationale est une part de sa présidence et donc de sa présidentialité», poursuit l'ancien maire de Quimper qui n'est «pas du tout sûr que cela ait un impact le jour où les Français voteront».