Un naufrage provoqué par des passeurs a fait jusqu'à 500 morts en Méditerranée, ce qui en ferait «l'un des plus graves» depuis des années, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).

À ce lourd bilan viennent aussi s'ajouter les dizaines de clandestins disparus dans un autre naufrage dimanche à l'est de Tripoli, selon la marine libyenne.

Dans le même temps, signe que les candidats au départ sont toujours plus nombreux, la marine italienne a rapporté lundi avoir secouru quelque 2380 personnes au cours du week-end, dans le cadre du vaste programme «Mare Nostrum» mis en place après la mort de plus de 400 migrants dans deux naufrages en octobre.

Jeudi, un porte-conteneurs panaméen a repéré et secouru deux personnes dans l'eau à 300 milles nautiques (550 km) au sud-est de Malte. Il s'agissait de deux Palestiniens de Gaza, qui ont été conduits à Pozzallo, dans le sud de la Sicile.

Leur premier témoignage, recueilli par l'équipage du porte-conteneurs et transmis à la marine maltaise, fait état d'une collision entre deux navires ayant eu lieu mercredi.

Le premier navire transportait 300 à 400 migrants et l'autre 30 personnes. Ce dernier, prenant vraisemblablement l'eau, a tenté de forcer le premier à s'arrêter, et tous deux ont coulé, selon la marine maltaise.

Le centre de secours en mer de Malte a dérouté plusieurs navires marchands dans la zone et coordonné les opérations de secours, en collaboration avec la marine italienne.

Selon la marine maltaise, sept autres personnes, toutes inconscientes et en état d'hypothermie, ont été secourues et transportées par hélicoptère en Crète, le lieu le plus proche. Une petite fille est en revanche décédée pendant le transfert.

Une fois en Italie, interrogés séparément par l'OIM, les deux Palestiniens ont raconté être partis le 6 septembre de Damiette, en Égypte, avec environ 500 autres personnes - Syriens, Palestiniens, Égyptiens et Soudanais -, dont des familles avec enfants et des mineurs isolés.

Pendant la traversée, les passeurs ont obligé les clandestins à changer plusieurs fois d'embarcation, mais quand ils leur ont demandé mercredi de sauter sur un nouveau bateau plus petit, les passagers se sont rebellés, selon ces témoignages.

Les passeurs, qui se trouvaient sur un autre bateau, ont alors embouti la poupe de l'embarcation des migrants, qui a coulé, selon leur récit.

Les deux Palestiniens ont été recueillis un jour et demi plus tard. L'un d'eux portait un gilet de sauvetage. L'autre s'était accroché à une bouée avec sept autres personnes, dont un enfant égyptien, qui ont toutes succombé à l'épuisement.

«Neuf autres survivants ont été secourus par des navires grecs ou maltais, mais il semble que tous les autres aient péri», a déclaré à l'AFP Flavio Di Giacomo, porte-parole de l'OIM en Italie.

«Homicide de masse»

Les autorités italiennes ont ouvert une enquête, mais si ces informations sont confirmées, «il s'agirait du naufrage le plus grave de ces dernières années», d'autant plus qu'il ne s'agirait pas d'un accident, mais d'un «homicide de masse», a dénoncé l'OIM.

Au large de la Libye, 36 personnes dont trois femmes ont été secourues par la marine quand leur embarcation a coulé. Selon le colonel Ayoub Kassem, il y avait «200 personnes ou plus» à bord.

«Il y avait un grand nombre de corps qui flottaient. Mais le manque de moyens ne nous a pas permis de repêcher les cadavres, surtout qu'il commençait à faire nuit hier (dimanche soir). Notre priorité était de secourir les survivants», a-t-il expliqué à l'AFP.

La Libye est un pays de transit vers les côtes européennes pour des centaines de milliers de migrants en grande majorité africains. Ils s'entassent dans des embarcations de fortune pour tenter la périlleuse traversée de la Méditerranée vers Malte ou vers l'île italienne de Lampedusa, au sud de la Sicile.

Fin août, quelque 170 Africains avaient disparu dans un autre naufrage au large de la Libye, où l'anarchie a laissé le champ libre aux passeurs qui ont multiplié les départs ces dernières semaines.

En visite dimanche au centre de secours en mer de Malte, le haut commissaire de l'ONU pour les réfugiés Antonio Guterres avait plaidé pour un «effort réellement collectif» de l'Europe afin d'éviter que de nouvelles vies ne soient perdues à ses portes.

Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), plus de 2200 personnes ont péri ou ont été portées disparues en tentant de franchir la Méditerranée depuis juin. Et 130 000 personnes sont arrivées en Europe par la mer depuis le 1er janvier, soit déjà plus de deux fois plus que pendant toute l'année 2013.

Quelque 118 000 personnes ont été reçues en Italie, pour la plupart secourues dans le cadre de «Mare Nostrum», qui doit s'achever d'ici novembre, a précisé le HCR.

Le monde «doit ouvrir les yeux sur l'ampleur de la crise», a lancé l'actrice américaine Angelina Jolie, qui accompagnait M. Guterres.