Cédant à la pression de certains de ses ministres, David Cameron a indiqué mardi qu'il les laissait libres de militer pour ou contre une sortie de l'Union européenne lors du référendum qui pourrait se tenir cette année.

«Le gouvernement aura un positionnement clair, mais les ministres seront libres sur le plan individuel de défendre un avis différent, tout en continuant à faire partie du gouvernement», a déclaré le premier ministre britannique devant le Parlement.

«Certains ont une position de longue date par rapport à la question européenne et je n'ai jamais eu l'intention de forcer des gens à voter contre leurs convictions», a-t-il ajouté.

Cette annonce, interprétée comme une concession majeure faite aux eurosceptiques, a aussitôt été saluée par les partisans d'un «Brexit».

Les pro-européens, en revanche, se sont alarmés du risque de «guerre civile» qui menace désormais le parti conservateur de David Cameron, lui-même favorable à un maintien du Royaume-Uni dans une UE réformée.

La campagne en vue du référendum, promis par le premier ministre d'ici à la fin 2017, doit s'ouvrir dès qu'un accord sur les réformes demandées par M. Cameron aura été trouvé avec l'UE. Peut-être lors du prochain sommet européen de février à Bruxelles. «J'espère», a dit M. Cameron.

Pour l'heure, le premier ministre, qui doit se rendre en Allemagne et en Hongrie cette semaine, négocie avec ses partenaires européens pour obtenir des réformes. La plus controversée porte sur la suppression d'allocations aux migrants, en vue de contribuer à endiguer leur arrivée.

En cas d'accord en février, le référendum pourrait avoir lieu dès le mois de juin, selon les analystes, pour éviter notamment que les conservateurs ne se déchirent trop longtemps.

L'Europe est un sujet sensible depuis toujours pour les Tories et cette campagne ne fera pas exception. Selon le député eurosceptique Steve Baker, plus de la moitié de ses collègues conservateurs seraient «fortement tentés» par un Brexit.

«Invitation au désastre»

Parmi eux, plusieurs poids lourds du gouvernement. «Il est impossible que je fasse campagne pour un maintien» dans l'UE, a déclaré l'un d'eux au Daily Telegraph, sous couvert d'anonymat.

Offrir à ses ministres la liberté de parole évite à David Cameron de devoir les débarquer du gouvernement si effectivement ils décidaient d'aller à l'encontre de la ligne officielle, probablement pro-européenne.

«Imposer la discipline collective aux ministres aurait été une invitation au désastre, à des démissions en cascade dont peu de gouvernements pourraient se remettre», écrit l'analyste politique Matthew d'Ancona dans le quotidien The Guardian.

Tous les eurosceptiques déclarés étaient d'accord. David Cameron «a pris la bonne décision», a commenté Nigel Farage, leader du parti anti-immigration Ukip. «Nous espérons désormais que de nombreux ministres diront sincèrement à quel point ils sont contrôlés depuis Bruxelles», a ajouté Matthew Elliott, directeur de la campagne «Vote Leave».

Mais le choix de David Cameron a aussi été fortement critiqué. Par les adversaires politiques d'abord. «Quelle manière étrange de diriger le pays. Ce n'est pas un débat sur l'avortement ou l'euthanasie», a dit le travailliste Alan Johnson. «Ne pas pouvoir convaincre son propre gouvernement montre à quel point il est faible», a estimé le parti national écossais SNP. «Manque flagrant de leadership», a tranché le parti libéral-démocrate.

Même au sein du parti conservateur, des voix puissantes, dont celle de l'ancien premier ministre John Major, ont regretté le manque de cohésion.

Un ministre «ne peut pas rester à son poste en allant à l'encontre du gouvernement qu'il sert», a tonné l'ancien ministre europhile Ken Clarke. Le mois dernier, l'ancien vice-premier ministre Michael Heseltine avait assuré qu'une telle décision allait déclencher «la guerre civile» au sein des Tories et que David Cameron allait être «la risée de tous».