(Moscou) Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres ira la semaine prochaine en Russie où il sera reçu par Vladimir Poutine avant de se rendre deux jours plus tard en Ukraine où il s’entretiendra avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky.  

Visées sur le sud

L’armée russe continuera-t-elle son offensive dans le sud de l’Ukraine jusqu’à la Transnistrie, zone séparatiste prorusse de la Moldavie ? C’est ce qu’a affirmé vendredi un commandant russe, Roustam Minnekaïev. « L’idéal de la Russie, ce serait de prendre le Donbass et de prendre la partie plus au sud », explique Anessa Kimball, professeure agrégée au département de science politique de l’Université Laval. La Russie sécuriserait ainsi son accès à la mer Noire et transformerait l’Ukraine en État enclavé. « Si ça arrive, ce sera très, très difficile de préserver la souveraineté territoriale de l’Ukraine », ajoute Mme Kimball. Nicolè Ford, chargée de cours à l’Université de Tampa, juge pour sa part que le plan n’est pas très « réaliste » pour l’instant et y voit une « possible stratégie de diversion ». La Moldavie a convoqué l’ambassadeur de Russie pour protester contre les propos du commandant Minnekaïev.

Marioupol

PHOTO ALEXANDER ERMOCHENKO, REUTERS

Obstacles antichars placés sur une route de Marioupol

« La guerre en Tchétchénie a été vraiment horrible, avec beaucoup de violations des droits de la personne : quand vous regardez des photos de Grozny et des photos de Marioupol, vous ne voyez pas vraiment de différence », estime Mme Ford, qui s’est spécialisée dans le conflit entre les indépendantistes tchétchènes et les forces russes amorcé en 1999. La ville portuaire de Marioupol, pilonnée depuis deux mois, se trouvait presque entièrement sous contrôle russe vendredi, selon le gouverneur régional Pavlo Kirilenko, cité par l’Agence France-Presse. La Russie, quant à elle, affirme avoir « libéré » Marioupol. Le président du Conseil européen, Charles Michel, a demandé des garanties au président russe pour mettre en place des corridors humanitaires dimanche, à la Pâques orthodoxe, pour évacuer en toute sécurité les civils – ils seraient plus de 100 000 toujours sur place. Aucun accord n’a été annoncé. La ville serait à moitié détruite, et 90 % des immeubles en ruine seraient des bâtiments résidentiels, selon une carte de The Economist réalisée à partir d’images satellites.

Azovstal

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Usine du complexe industriel d’Azovstal, à Marioupol

Quelques milliers d’Ukrainiens – des combattants, mais aussi des civils – se trouvaient toujours sur le site industriel Azovstal, à Marioupol. Le complexe s’étend sur environ 12 km⁠2, soit un territoire un peu plus petit que la municipalité de Sainte-Thérèse, et compte des souterrains, rendant un assaut difficile. Avant l’arrivée des militaires russes, les Ukrainiens auraient entreposé de l’eau et de la nourriture, leur permettant de tenir le siège pendant un certain temps, explique David Marples, chercheur à l’Institut canadien d’études ukrainiennes de l’Université de l’Alberta. Il ne croit pas que l’armée russe déploiera beaucoup d’énergie à tenter de prendre l’usine. À moins de pouvoir utiliser la défaite de l’un des régiments sur place connu pour ses liens avec l’extrême droite, le régiment Azov, avance-t-il. « Pour Poutine, pour le Kremlin, la capture cette unité, ce qu’il y a de plus près d’un groupe néonazi qu’on puisse trouver en Ukraine, aurait une grande valeur de propagande », avance-t-il. Si les médias rapportaient jeudi l’intention du président russe Vladimir Poutine d’exercer un blocus sur l’aciérie, un conseiller du maire de Marioupol a affirmé à l’Associated Press vendredi que les bombardements sur Azovstal se poursuivaient.

Crimes de guerre

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Marianna Vishegirskaya quittant les lieux de l’hôpital pédiatrique de Marioupol après qu’il a été bombardé par les forces russes, en mars

Civils tués, hôpitaux et écoles pris pour cibles, bombardements dans des zones peuplées, utilisation de bombes à sous-munitions contre une gare : l’ONU a accusé vendredi l’armée russe d’avoir mené des actions « pouvant relever des crimes de guerre ». Ce sera à la Cour de justice de trancher la question. La porte-parole du Haut-Commissariat aux droits de l’homme n’a pas exclu qu’il puisse aussi y avoir des violations du droit humanitaire du côté ukrainien, tout en précisant que la « très large majorité » des violations auraient été perpétrées par les forces russes. « Je crois que la communauté internationale doit avoir accès à Marioupol le plus rapidement possible et se préparer, parce que je suis terrifiée à la perspective que la Russie tente de cacher les preuves », confie Mme Ford. Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, doit rencontrer Vladimir Poutine à Moscou mardi prochain, un premier face-à-face depuis le début de la guerre le 24 février dernier.

Moscou confirme un mort

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Le croiseur russe Moskva, en 2015

La Russie a reconnu des pertes pour la première fois vendredi, en rapportant la mort d’un marin et la disparition de 27 autres dans le naufrage du croiseur Moskva le 14 avril. Le ministère de la Défense a affirmé que les 396 autres personnes à bord avaient été évacuées. Le navire amiral de la flotte russe avait coulé en mer Noire la semaine dernière. Explosions de munitions à bord et mauvaises conditions météorologiques empêchant le remorquage, avait expliqué la Russie ; l’Ukraine, de son côté, avait déclaré avoir fait couler le bateau grâce à des missiles. Les autorités russes avaient d’abord annoncé la semaine dernière avoir réussi à sauver tout l’équipage, une version contredite sur les réseaux sociaux par des proches des marins et dans les médias russophones.

Avec l’Agence France-Presse et l’Associated Press

En savoir plus
  • 5 133 747
    Nombre d’Ukrainiens qui ont quitté le pays depuis le 24 février
    SOURCE : ORGANISATION INTERNATIONALE POUR LES MIGRATIONS
    90 %
    Proportion de femmes et d’enfants parmi les réfugiés
    SOURCE : ORGANISATION INTERNATIONALE POUR LES MIGRATIONS