Le président de la Russie, Vladimir Poutine, qui s’irrite de l’appui soutenu des pays occidentaux à l’armée ukrainienne, a coupé le gaz mercredi à deux États européens alors que plane le risque d’un élargissement du conflit à la Moldavie.

La Pologne et la Bulgarie ciblées

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Le premier ministre de la Pologne, Mateusz Morawiecki, lors d’une conférence de presse mercredi devant une installation gazière de Rembelszczyzna, près de Varsovie

La Russie est passée de la parole aux actes mercredi en interrompant ses exportations de gaz vers la Pologne et la Bulgarie, suscitant une levée de boucliers des autorités européennes, qui parlent d’une forme de « chantage » visant à limiter le soutien des pays de la région à l’Ukraine. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a expliqué l’initiative en soulignant que ces deux pays avaient refusé de se conformer à un décret du président Vladimir Poutine exigeant que les paiements d’hydrocarbures soient faits en roubles. Il a affirmé que la Russie demeurait un « fournisseur fiable » dans le domaine énergétique, mais qu’elle n’hésiterait pas à utiliser la même approche si d’autres États refusaient à leur tour de se conformer à ses exigences.

Les voisins de l’UE sollicités

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Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a affirmé que l’objectif de la Russie était de « semer la division parmi les pays membres » de l’Union européenne (UE) et de miner du même coup leur réponse concertée à l’invasion de l’Ukraine. Elle a indiqué que la Pologne et la Bulgarie, qui ont fustigé la décision russe, seraient approvisionnées en gaz « par leurs voisins de l’UE » jusqu’à nouvel ordre. La situation risque de se compliquer si la mesure s’étend puisque plusieurs pays de la région demeurent fortement dépendants des hydrocarbures russes, qui assurent à Moscou des revenus quotidiens de près d’un milliard de dollars. Le gouvernement ukrainien a indiqué mercredi qu’il était nécessaire d’imposer un embargo sur les exportations de pétrole et de gaz de la Russie pour priver le pays de son « arme énergétique », une option rejetée notamment par l’Allemagne, qui demande plus de temps pour chercher de nouvelles sources d’approvisionnement.

La menace de la force

Tout en faisant sentir son courroux sur le plan économique, Vladimir Poutine a de nouveau mis en garde mercredi les pays soutenant l’Ukraine, qui multiplient l’envoi d’armes lourdes dans l’espoir de freiner la progression des troupes russes dans la région du Donbass. Lors d’une allocution prononcée à Saint-Pétersbourg, le chef du Kremlin a prévenu que toute tentative d’interférence de l’extérieur représentant des « risques stratégiques inacceptables » pour la Russie recevrait une réponse « à la vitesse de l’éclair ». Il a précisé que les soldats russes n’hésiteraient pas à utiliser « l’armement le plus moderne » dans un tel contexte, sans préciser sa pensée à ce sujet. Le ministère de la Défense de Russie a parallèlement affirmé avoir détruit d’importantes quantités d’armes et de munitions étrangères acheminées par les États-Unis et des pays européens grâce à des frappes de missiles sur la ville de Zaporijjia, dans le sud de l’Ukraine.

Risque de déstabilisation

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Véhicules faisant la queue mercredi au poste de contrôle de Bender pour entrer dans la région séparatiste de Transnistrie, en Moldavie

La situation demeurait tendue mercredi en Moldavie, qui craint de voir le conflit déborder à l’intérieur de ses frontières. Les dirigeants de la région sécessionniste de Transnistrie, qui accueillent en permanence 1500 soldats russes sur leur territoire, ont affirmé qu’un village où se trouvait un important stock d’armements avait été attaqué en matinée par des appareils ukrainiens. Ils avaient aussi dénoncé une intervention ukrainienne dans les jours précédents après qu’une série d’explosions visant notamment une tour de transmission et une unité militaire avaient été relevées. Dans une analyse publiée mercredi, l’Institute for the Study of War (ISW) affirme que les attaques alléguées pourraient être en fait des mises en scène russes « visant à mettre la table pour des actions additionnelles » de la Russie dans la région, dont l’envoi de renforts. Justin Massie, spécialiste des questions de défense et de sécurité rattaché à l’Université du Québec à Montréal, note que les troupes russes pourraient éventuellement être utilisées pour soutenir une attaque contre le port ukrainien d’Odessa à partir du nord-ouest en appui aux unités tentant, pour l’heure sans succès, de venir de l’est. Les difficultés logistiques observées depuis le début de l’invasion suggèrent que l’armée russe aurait beaucoup de mal à renforcer rapidement le contingent déjà présent en Transnistrie, estime l’analyste.

Des avancées dans le Donbass, l’impasse à Marioupol

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Volontaires nettoyant une rue devant des bâtiments endommagés à Marioupol, mercredi

L’armée russe poursuit ses efforts dans l’est de l’Ukraine dans le but déclaré de contrôler l’ensemble du Donbass. L’ISW note dans une analyse parue mardi que les troupes venant du nord, à partir de la ville d’Izioum, ont progressé au cours des derniers jours, profitant de l’absence de positions défensives bien organisées du côté ukrainien. L’institut relève que les progrès sont beaucoup plus modestes le long de la « ligne de contact », bien mieux protégée, qui séparait avant l’invasion les forces ukrainiennes des positions de rebelles séparatistes prorusses s’étant soulevés en 2014. La situation demeure par ailleurs bloquée à Marioupol, où des affrontements se poursuivent entre forces russes et ukrainiennes pour le contrôle du complexe métallurgique d’Azovstal malgré les assurances de Vladimir Poutine voulant que la ville du sud du pays ait été « libérée ». Un commandant ukrainien a déclaré sur Facebook que plus de 600 civils et combattants blessés demeuraient sur place, sans accès à des soins adéquats, et que la nourriture et l’eau commençaient à manquer.

Avec l’Agence France-Presse et l’Associated Press