La crainte, maintes fois exprimée au cours des derniers jours, d’une intervention musclée, voire d’une escalade dans la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine en ce lundi 9 mai, journée patriotique de la victoire de 1945 sur l’Allemagne nazie, n’a pas eu lieu.

Cette 75e journée de l’invasion russe en Ukraine a été à l’image de toutes les autres, marquée par la mort et la destruction, notamment dans la région de Louhansk, dans l’extrême est de l’Ukraine, et à Marioupol, mais en partie éclipsée par les discours de la commémoration, où chaque camp a vivement dénoncé l’autre.

Place Rouge à Moscou, le président de la Russie, Vladimir Poutine, a déclaré que son armée était en Ukraine pour défendre « la patrie » contre la « menace inacceptable » exercée par son voisin ayant l’appui de l’Occident. Il a réitéré que l’Ukraine préparait une attaque contre les séparatistes prorusses de la région du Donbass et qu’elle voulait se doter de la bombe atomique.

Son discours a été suivi par un défilé de quelque 11 000 soldats et de dizaines de véhicules, dont certains revenaient du front ukrainien. La portion aérienne du défilé a été annulée pour des raisons de mauvais temps. Une intrigante décision.

Ainsi, sur les ondes de CNN, Nina Khrushcheva, professeure d’affaires internationales à The New School (New York), a relevé en entrevue que « le mauvais temps n’[avait] jamais été un problème auparavant » dans ce genre de déploiement de force.

« Sans grande énergie »

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Vladimir Poutine, président de la Russie

Professeur d’études internationales au Collège militaire royal de Saint-Jean, Yann Breault n’a rien entendu de neuf. « Il n’y avait absolument aucune innovation dans les lignes éditoriales de ce que Poutine a raconté dans un discours sans grande énergie, a-t-il indiqué en entrevue avec La Presse. Il n’y avait aucune surprise, une parade tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Le plus marquant de cette commémoration est l’absence totale de toute délégation étrangère, si on compare aux célébrations de 2005, alors qu’une cinquantaine de chefs d’État s’étaient déplacés et applaudissaient l’héritage historique de la victoire soviétique. » Même les chefs d’État proches du président russe sont restés à la maison.

Zelensky seul dans la rue

Dans une mise en scène à l’opposé de celle utilisée à Moscou, le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, a salué cette journée du 9 mai en tournant une vidéo de plus de cinq minutes où il déambule seul entre des défenses antichars dans Khrechtchatyk, artère principale de Kyiv, en passant son message. Inspiré par un écrit du philosophe Grigori Skovoroda, il a déclaré : « Il n’y a rien de plus dangereux qu’un ennemi insidieux, mais il n’y a rien de plus venimeux qu’un prétendu ami. Le 24 février, nous avons découvert la vérité lorsqu’un prétendu ami a commencé une guerre contre l’Ukraine. »

Biden signe et envoie des armes

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Joe Biden, président des États-Unis

À Washington, le président américain Joe Biden a signé une loi (Ukraine Democracy Defense Lend-Lease Act of 2022) visant à accélérer l’envoi d’aide militaire à l’Ukraine. Cette loi réactive un dispositif mis en place par l’administration américaine durant la Seconde Guerre mondiale pour aider l’Europe face à l’envahisseur nazi. Pratiquement tous les membres des deux côtés de la Chambre des représentants ont voté en faveur de la loi.

L’ambassadeur de Russie aspergé en Pologne

Au cimetière de Varsovie, où il s’apprêtait à déposer une gerbe de fleurs en l’honneur de soldats soviétiques de la Seconde Guerre mondiale, l’ambassadeur de Russie en Pologne, Sergueï Andreev, a été pris à partie par des militants pro-ukrainiens. Ces derniers ont bloqué son passage en criant « fascistes » et en brandissant le drapeau de l’Ukraine avant que d’autres manifestants jettent une substance rouge, de consistance sirupeuse, à la figure du diplomate. « Je suis fier de mon pays et de mon président », a déclaré l’ambassadeur Andreev alors que Moscou a vivement dénoncé l’incident.

« Aucune victoire à célébrer »

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Charles Michel, président du Conseil européen, et Denys Chmyhal, premier ministre de l’Ukraine, dans un refuge anti-bombe d’Odessa

Cette journée a par ailleurs été marquée par les déclarations de plusieurs dirigeants occidentaux. Au cours d’une visite à Odessa, le président du Conseil européen, Charles Michel, a déclaré : « Le Kremlin veut supprimer votre esprit de liberté et de démocratie. Je suis totalement convaincu qu’il n’y arrivera jamais. » Ce dernier a par ailleurs dû trouver un refuge alors que des frappes russes sont survenues dans la région. À Strasbourg, le président de la République française, Emmanuel Macron, a déclaré qu’une fois la guerre terminée, la paix ne pourra se construire en humiliant les Russes, une référence à peine voilée aux conditions imposées à l’Allemagne à la signature du Traité de Versailles, en 1919. À New York, l’ambassadrice des États-Unis aux Nations unies, Linda Thomas-Greenfield, a déclaré que M. Poutine « a reconnu n’avoir aucune victoire à célébrer » en raison de l’absence de nouveauté dans son discours.

« Capituler n’est pas une option »

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À Marioupol, des séparatistes prorusses ont défilé dans les rues avec un ruban de Saint-Georges long de 300 mètres.

Sur le terrain, les observateurs ont noté des « batailles très intenses » dans le secteur des villes de Roubijné et de Bilogorikka, dans la région de Louhansk. À Marioupol, les combats se sont poursuivis dans le secteur de l’aciérie Azovstal. Les derniers défenseurs ukrainiens retranchés dans les ruines du complexe essuyaient les tirs de l’artillerie et de chars russes. « Capituler n’est pas une option, car notre vie n’intéresse pas la Russie. Nous laisser en vie ne lui importe pas », a déclaré Ilya Samoïlenko, officier du renseignement ukrainien.

Avec l’Agence France-Presse et CNN

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  • 300 mètres
    À Marioupol, des séparatistes prorusses ont défilé dans les rues avec un ruban de Saint-Georges long de 300 mètres. Le ruban aux couleurs orange et noire symbolise l’hommage des Russes aux soldats tombés au combat durant la Seconde Guerre mondiale.
    Source : Agence france-presse