(Paris) Une enquête a été ouverte à Paris pour omission de porter secours après une plainte de proches de Samuel Paty, assassiné en octobre 2020 près de son collège, contre l’administration, accusée de n’avoir pas protégé l’enseignant.

Un an et demi après l’assassinat du professeur d’histoire-géographie à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), dix membres de sa famille, à l’exception de son ex-compagne, s’étaient joints à cette plainte déposée le 6 avril.

« Des fautes ont été commises tant du côté de l’Éducation nationale que du côté du ministère de l’Intérieur, sans lesquelles Samuel Paty aurait pu être sauvé », avait alors indiqué leur conseil, Me Virginie Le Roy.

Le parquet de Paris a confirmé jeudi avoir ouvert le 19 avril une enquête, confiée à la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP), pour non-assistance à personne en péril et non empêchement de crime.

Il y a deux mois, l’avocat de l’ancienne compagne et du fils de Samuel Paty, Me Francis Szpiner, avait indiqué que sa cliente avait « appris avec surprise le dépôt d’une plainte contre X pour “non empêchement de crime”, procédure à laquelle elle n’entend pas s’associer ».

L’ex-compagne de l’enseignant « considère que l’idéologie salafiste est seule responsable de la mort de Samuel Paty et que l’État l’a toujours, ainsi que son fils, soutenue », avait-il alors ajouté.

Longue de 80 pages, la plainte de Me Le Roy cible les délits de « non-empêchement de crime et de non-assistance à personne en péril » et visait « plusieurs agents du ministère de l’Intérieur et du ministère de l’Éducation nationale » qui ont eu à connaître, directement ou indirectement, de la situation de Samuel Paty.

Engrenage

L’un des enjeux juridiques devrait être de savoir si ces agents pouvaient avoir conscience de l’existence d’une menace réelle, ciblée et immédiate visant le professeur.

Dans le détail, la plainte rappelle le lent engrenage, débuté par un cours sur la laïcité dans le collège début octobre 2020, qui a abouti à l’assassinat le 16 du professeur âgé de 47 ans par Abdoullakh Anzorov, réfugié russe d’origine tchétchène.

Le jeune homme de 18 ans, radicalisé, lui reprochait d’avoir montré en classe des caricatures de Mahomet et avait revendiqué son geste en se félicitant d’avoir « vengé le prophète », avant d’être tué par la police.

Pour les membres de la famille Paty qui ont porté plainte, « dès le 8 octobre et jusqu’au 16, Samuel Paty, la principale et les enseignants ont identifié une menace grave pour leur intégrité physique et la sécurité du collège ».

Cette menace résultait notamment de la médiatisation de l’affaire via les réseaux sociaux par Brahim Chnina, le père d’une collégienne qui prétendait avoir assisté au cours pendant lequel Samuel Paty avait montré les caricatures, et par le sulfureux militant islamiste Abdelhakim Sefrioui.

Mais cette « fatwa contre le professeur », comme l’avait qualifiée le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin trois jours après l’assassinat, n’a pas eu de réponse à la hauteur, estiment-ils.

M. Darmanin avait alors dit « comprendre » la plainte de ces proches de l’enseignant, mais estimé que « l’État n’aura pas à rougir » de son action dans cette affaire.

Dans l’enquête antiterroriste sur l’assassinat, au moins quinze personnes sont mises en examen, dont six collégiens, le père de l’adolescente et M. Sefrioui. Les investigations pourraient être clôturées d’ici la fin 2022, selon une source proche du dossier.