(Vilnius) Pour de nombreux Occidentaux, Mikhaïl Gorbatchev, le dernier dirigeant de l’Union soviétique mort mardi à l’âge de 91 ans, mérite d’être loué pour son rôle dans la fin de la Guerre froide.

Mais dans certains pays qui ont passé des années sous domination soviétique, il est avant tout un impérialiste russe qui n’a pas hésité à utiliser la force pour dissuader les nations cherchant à devenir indépendantes au début des années 1990.

En Lituanie, le psychologue Robertas Povilaitis, qui a perdu son père lors de la répression en janvier 1991 par Moscou de la campagne d’indépendance de l’État balte, déclare que la glorification de Mikhaïl Gorbatchev lui « fait mal aux oreilles ».

« Pour moi, c’est partial et inadéquat », a déclaré cet homme de 45 ans à l’AFP mercredi, au lendemain de l’annonce de la mort de l’ex-dirigeant soviétique.

Il considère que le défunt est personnellement responsable de l’assaut qui en 1991 a causé la mort de son père et de 13 autres civils et en a blessé plus de 700.

En 2019, un tribunal lituanien a condamné des dizaines de responsables de l’ère soviétique pour crimes de guerre, mais les procureurs ont refusé d’enquêter sur M. Gorbatchev, qui était au pouvoir à Moscou à l’époque de la répression militaire.

Ce refus a suscité la colère de ceux qui cherchent à obtenir justice et, cette année, M. Povilaitis et quelques autres ont engagé une action civile contre M. Gorbatchev.

Les plaignants affirment qu’il contrôlait l’armée soviétique, mais a laissé commettre un « crime international » contre les Lituaniens en quête de liberté.  

« Il a participé à des crimes très graves, les a exécutés, organisés, a donné des ordres », estime M. Povilaitis.

Le psychologue se dit déçu de la réaction de certains politiciens internationaux à sa mort, notamment son éloge par Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, qui l’a qualifié de « dirigeant digne de confiance et respecté ».  

« Même si la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie sont des membres à part entière de l’UE, elle n’a pas assez d’empathie ou ne comprend pas que cette personne a participé à l’organisation du massacre de citoyens européens actuels », a-t-il ajouté.

Le ministre lituanien de la Défense, Arvydas Anusauskas, a pour sa part condamné M. Gorbatchev.

« C’était un criminel qui a ordonné une répression impitoyable des manifestations pacifiques à Vilnius, Tbilissi, Almaty, Bakou et dans d’autres villes. Il n’avait aucun remords », a-t-il publié sur Facebook.

« Tel est le souvenir que nous en avons, même si nous ne devrions jamais dire du mal des morts – mais pas cette fois-ci », a-t-il ajouté.

Le ministre des Affaires étrangères Gabrielius Landsbergis a déclaré pour sa part que « les Lituaniens ne glorifieront pas Gorbatchev ».

« Nous n’oublierons jamais le simple fait que son armée a assassiné des civils pour prolonger l’occupation de notre pays par son régime », a-t-il publié sur Twitter. « Ses soldats ont tiré sur nos manifestants désarmés et les ont écrasés sous leurs chars. C’est ainsi que nous nous souviendrons de lui ».