(Paris) Six ans après l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice dans le sud-est de la France, huit accusés comparaissent à partir de lundi devant la cour d’assises spéciale de Paris pour un nouveau procès terroriste hors-norme, prévu pour durer plus de trois mois.

Cette attaque sur la promenade des Anglais, le soir de la fête nationale, avait fait 86 morts, dont 15 enfants et adolescents, et plus de 450 blessés. Il s’agit du second attentat le plus meurtrier sur le sol français, après les attaques du 13 novembre 2015.

Comme un symbole, le procès se déroulera dans la salle d’audience « sur mesure » construite pour le procès du 13-Novembre (dit « V13 »), dans l’historique palais de justice de la capitale.

Un total de 865 personnes s’étaient constituées parties civiles fin août, d’autres pourront le faire pendant l’audience. Pour celles qui ne pourront pas venir à Paris, le procès sera retransmis au palais des congrès Acropolis de Nice.

L’auteur des faits, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, un Tunisien de 31 ans, sera le grand absent des débats.

Le 14 juillet 2016, au volant d’un camion de 19 tonnes, il avait foncé dans la foule réunie pour assister au feu d’artifice et aux concerts organisés ce soir-là sur la célèbre avenue niçoise. Il y a été tué par la police.  

L’attaque, dix-huit mois après l’attentat perpétré dans les locaux de l’hebdomadaire satirique Charlie-Hebdo et huit mois après ceux du 13-Novembre, avait été revendiquée par l’organisation État islamique. Une revendication « de pure opportunité », a toutefois conclu l’enquête, qui n’a pas établi de lien direct entre l’auteur et le groupe djihadiste.

« Mémoire collective »

En l’absence de l’assaillant, les magistrats de la cour d’assises spéciale, présidée par Laurent Raviot, examineront la responsabilité de sept hommes et une femme, âgés de 27 à 48 ans, membres de son entourage ou intermédiaires présumés dans le trafic d’armes destinées à Mohamed Lahouaiej-Bouhlel.

Trois accusés (Ramzi Kevin Arefa, Chokri Chafroud et Mohamed Ghraieb) sont poursuivis pour association de malfaiteurs terroriste. Le premier, en état de récidive légale, encourt la réclusion à perpétuité, les deux autres vingt ans de prison.

Les cinq autres (Maksim Celaj, Endri Elezi, Artan Henaj, Brahim Tritou et Enkeledja Zace) sont poursuivis pour association de malfaiteurs et infractions à la législation sur les armes. Ils risquent cinq à dix ans d’emprisonnement.

Seuls trois accusés seront dans le box des détenus (dont l’un incarcéré dans le cadre d’une autre affaire).

Quatre comparaîtront libres, sous contrôle judiciaire. Le huitième, Brahim Tritrou, est visé par un mandat d’arrêt après avoir rompu son contrôle judiciaire. Selon son avocate, il serait détenu en Tunisie.

En l’absence de l’assaillant et alors que la complicité d’assassinats n’a pas été retenue contre les accusés, de nombreuses parties civiles disent « ne pas attendre grand-chose » du procès, qu’elles prévoient « frustrant ».

« J’entends cette frustration, elle est humaine. Mais il y aura une réponse judiciaire », a assuré récemment le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti. « Nous répondons à cette barbarie par le droit ».

Pour l’Histoire

En plus de juger leurs auteurs présumés, ces grands procès d’actes terroristes permettent aussi de « faciliter le travail de reconstruction des victimes », a souligné sur la radio France Inter le procureur général près la Cour de cassation François Molins.

En outre, ils « participent à la construction d’une sorte de mémoire collective autour des tueries de masse », a ajouté celui qui était procureur de Paris lors des attentats de 2015-2016.

Vendredi, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a tenu à rappeler sur la chaîne BFMTV que la « menace terroriste reste très importante », évoquant « des intentions pour venir sur le sol national et commettre des attentats ».  

Comme lors du procès V13, l’audience sera retransmise par webradio pour les parties civiles, avec 30 minutes de différé. Nouveauté dans le dispositif, cette webradio sera accessible depuis l’étranger et une traduction assurée en anglais.  

Le procès sera par ailleurs filmé et enregistré pour l’Histoire.

Parmi les témoins attendus, l’ancien président de la République François Hollande et son ministre de l’Intérieur de l’époque Bernard Cazeneuve, qui avaient déjà déposé lors du procès V13.

Cinq semaines seront consacrées aux témoignages des parties civiles, proches des victimes et rescapés de l’attentat, avant les premiers interrogatoires des accusés début novembre.

Le verdict est prévu le 16 décembre.