(Reykjavik) L’Islande affichait vendredi sa stupéfaction après que la police eut annoncé la veille avoir déjoué un projet d’attentat « terroriste » visant des institutions étatiques, une menace inédite dans la paisible nation nordique.

Jamais confrontée à un attentat sur son sol, l’île de 375 000 habitants attend d’en savoir plus sur un projet qui déroute même les experts en matière criminelle.

« C’est choquant, bien sûr, et surprenant », avoue à l’AFP Helgi Gunnlaugsson, spécialiste en sociologie criminelle.

« Nous avons eu des fusillades ces dernières années, mais c’était des cas individuels et pas un groupe de personnes avec tout cet armement », note-t-il.

Première du genre en Islande, une vaste opération antiterroriste mobilisant une cinquantaine d’hommes dont ceux de l’unité d’élite Viking Squad, a conduit à l’arrestation mercredi de quatre Islandais d’une vingtaine d’années à Kópavogur, en banlieue de la capitale Reykjavík, et Mosfellsbær, une commune limitrophe.

Des dizaines d’armes à feu, dont certaines semi-automatiques et des armes imprimées en 3D en état de fonctionnement, ont été saisies lors de perquisitions à neuf endroits différents, ainsi que des milliers de cartouches, a indiqué jeudi la police lors d’une conférence de presse.

Deux des gardes à vue, que la police considérait comme armés et dangereux, ont été placés en détention provisoire et vont être entendus au cours des prochains jours. Les deux autres ont été relâchés.

Selon les autorités, le Parlement islandais et la police elle-même faisaient partie des cibles potentielles dans les projets en préparation.

Mais de nombreuses zones d’ombres demeurent, sur le profil des suspects, leurs motivations et d’éventuelles complicités en Islande ou à l’étranger.

Les suspects auraient, selon des informations non confirmées de la télévision publique RUV, évoqué la possibilité de commettre des « meurtres de masse » lors d’une fête annuelle de la police prévue la semaine prochaine.  

Les enquêteurs chercheraient notamment à savoir s’ils ont pu s’inspirer du tueur d’extrême droite norvégien Anders Behring Breivik, toujours selon la RUV.

« Effrayant »

L’augmentation des violences avec armes avait suscité un débat national ces derniers mois en Islande, avec des appels de la police et de responsables politiques à muscler les effectifs et les moyens.

Mais la confirmation d’un projet avancé d’attentat marquerait la fin d’une exception pour l’île à la nature sauvage et aux dizaines de volcans.

« Aussi triste que ce soit, on peut désormais s’attendre à cela (la menace terroriste, NDLR) ici en Islande comme ailleurs dans les pays nordiques. C’est particulièrement effrayant », a reconnu la première ministre Katrín Jakobsdóttir jeudi soir.

Les enquêteurs travaillent notamment sur la piste de liens éventuels avec des groupes extrémistes scandinaves.

« Nous activons tous nos réseaux internationaux, simplement parce que nous sommes confrontés à des évènements et à des projets qui dépassent le cadre que nous avons traité auparavant », a affirmé jeudi soir Karl Steinar Valsson, un responsable de la coopération internationale au sein de la police islandaise.

L’extrémisme politique dans la petite nation insulaire est pourtant relativement faible.  

« Nous n’avons pas comme en Scandinavie ou ailleurs en Europe de partis politiques extrêmes, à droite ou à gauche, où nous avons de l’opposition envers les étrangers ou l’islam, nous n’avons jamais vraiment eu de mouvements politiques de ce genre en Islande », s’étonne Helgi Gunnlaugsson.

En dépit de ces récents développements, les autorités considèrent toujours la menace terroriste comme réduite et n’ont pas relevé leur niveau d’alerte dans le pays.