Édimbourg peut-il organiser un référendum sans l’accord de Londres ? That is the question…

L’Écosse peut-elle organiser un référendum pour l’indépendance sans l’accord du Royaume-Uni ? Cette question constitutionnelle est à l’étude depuis mardi à la Cour suprême britannique, qui doit rendre son verdict d’ici plusieurs semaines, voire « quelques mois ».

À l’ouverture des débats, Dorothy Bain, plus haute juriste d’Écosse et membre du gouvernement écossais, a souligné que le sujet de l’indépendance de l’Écosse était « un enjeu important pour la politique électorale écossaise ».

« La question de savoir si un tel scrutin relève de la compétence du Parlement écossais […] est une question que j’invite cette cour à régler définitivement », a-t-elle ajouté.

Selon l’actuelle répartition des pouvoirs entre Londres et Édimbourg, définie par le Scotland’s Act de 1998, tout changement constitutionnel impliquant l’union doit être validé par le Parlement britannique à Westminster.

En 2012, il avait ainsi fallu l’accord du premier ministre conservateur David Cameron pour que l’Écosse puisse organiser son référendum sur l’indépendance, remporté deux ans plus tard par le camp du Non à 55 % contre 45 %.

Le mouvement du Oui n’a pas faibli pour autant. Revigorés par les résultats du Brexit, qui constituent à leurs yeux une « nouvelle donnée » en faveur de la souveraineté (62 % des Écossais ont voté contre le Brexit), les indépendantistes réclament aujourd’hui la tenue d’un nouveau référendum.

Mais cette fois, le gouvernement britannique s’y oppose fermement, estimant que le sujet est clos.

La nouvelle première ministre, Liz Truss, a déclaré à plusieurs reprises qu’elle « n’autoriserait pas » un second référendum pour l’indépendance écossaise.

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Liz Truss, première ministre du Royaume-Uni

Son prédécesseur Boris Johnson a tenu le même discours lors de son court passage à la tête du pays : pour lui, un tel scrutin ne peut avoir lieu « qu’une seule fois par génération », et cette « seule fois » était en 2014.

Idem pour Keir Starmer, chef de l’opposition travailliste, qui se prononcerait contre s’il était élu aux prochaines élections nationales prévues à la fin de 2024 – victoire de plus en plus plausible selon de récents sondages, qui lui prédisent une majorité absolue.

Un référendum « consultatif » ?

Anticipant un bras de fer judiciaire avec le gouvernement central, la première ministre écossaise et dirigeante du SNP (Parti national écossais, indépendantiste), Nicola Sturgeon, a donc pris les devants en saisissant la Cour suprême britannique pour que celle-ci détermine si le Parlement écossais a le pouvoir de légiférer sur la question sans l’accord du Parlement britannique, pourvu que ce référendum soit mené de manière « consultative », ce qui permettrait de contourner le blocage constitutionnel.

Si Londres « avait le moindre respect pour la démocratie écossaise, ce passage devant la cour ne serait pas nécessaire », a lâché Nicola Sturgeon lundi pendant le congrès de son parti.

« La question a toujours été vouée à finir devant les tribunaux, tôt ou tard, et mieux vaut tôt », a-t-elle ajouté, répétant que si la Cour suprême lui donnait raison, le référendum « consultatif » d’indépendance aurait lieu le 19 octobre 2023, date annoncée depuis le mois de juin.

De l’avis de plusieurs observateurs, les chances d’un verdict favorable à Édimbourg sont très minces. Dans un article publié lundi sur le site de Sky News, trois cadres du SNP ne cachent pas leur pessimisme. « Malheureusement, le poids légal n’est pas de notre côté », affirme l’un d’entre eux.

Deux options s’offriraient à Mme Sturgeon en cas d’échec.

La première serait d’organiser un référendum « sauvage », à la manière de la Catalogne en 2017.

Cette avenue réjouirait les indépendantistes pressés, comme l’ancien chef du SNP Alex Salmond. Mais la première ministre écossaise a plusieurs fois insisté sur son désir de faire les choses dans la légalité.

La seconde option, privilégiée pour l’instant, serait d’organiser un référendum « de facto » lors des prochaines élections nationales, en se présentant comme le parti d’une seule cause : l’indépendance.

« Pari très risqué, parce que les autres partis, eux, auront une offre plus complète », reconnaît DJ Johnston-Smith, membre et ancien candidat du SNP, joint à Édimbourg.

« Et puis, quelle valeur légale cela aurait-il ? », demande le militant.

Pari d’autant risqué que le SNP gouverne sans discontinuer depuis 2007, avec Nicola Sturgeon à la barre depuis 2014. Le parti pourrait être déjoué par la fatigue du pouvoir et le contexte politique.

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Nicola Sturgeon, première ministre écossaise et cheffe du SNP

Les chiffres en faveur de l’indépendance se maintiennent entre 45 et 50 %. Mais les Écossais pourraient, cette fois, être tentés par le Parti travailliste (unioniste) afin d’en finir avec les conservateurs, qui dirigent le pays depuis 2010. Un vote stratégique dont le camp indépendantiste ferait potentiellement les frais.

Le prochain scrutin national est attendu pour la fin de 2024 ou le début de 2025 au plus tard.

Avec l’Agence France-Presse