(Kyiv) « J’avais besoin de lui dire “ je t’aime ” » : Olena a rendu hommage vendredi à Kyiv à son amie Natalia, une militaire tuée dans un bombardement russe à Marioupol, à l’occasion de la Journée « des défenseurs et des défenseuses » de l’Ukraine.

Sur la place, devant la cathédrale Sainte-Sophie, les portraits photographiques de quelque 180 soldats du régiment Azov ont été installés sur de grands panneaux pour une exposition en plein air intitulée les « Anges de Marioupol ».

Tous sont morts dans cette ville du sud-est au printemps, pendant la défense de l’aciérie Azovstal, devenue le symbole de la résistance à l’invasion russe.

Dès le début de son offensive fin février, l’armée russe a assiégé ce port stratégique de la mer d’Azov qui devait permettre à Moscou de créer une continuité territoriale entre la Crimée et les zones séparatistes du Donbass.

Quelque 2500 combattants ukrainiens du régiment Azov, retranchés dans l’usine Azovstal, vont résister jusqu’à mi-mai avant de se rendre.

PHOTO ALEXANDER ERMOCHENKO, REUTERS

Le complexe Azovstal

Le Kremlin et les médias publics russes accusent ce régiment, fondé à l’origine en tant que bataillon par des militants d’extrême droite, d’être un groupe néonazi ayant commis des crimes de guerre et menacent de punir très sévèrement ses membres.

Selon Kyiv, Marioupol est à 90 % détruite, au moins 20 000 personnes y ont péri.  

Sous les grandes photos exposées en plein air, un texte résume la vie de ces soldats.

PHOTO GLEB GARANICH, REUTERS

Sourire discret, cheveux auburn longs, Natalia Strebkova était coiffeuse à Poltava (Centre), avant de rejoindre le régiment Azov en 2017.

Elle y occupait les fonctions de cuisinière et d’infirmière.

Elle a été tuée à l’âge de 45 ans, « quand une bombe de plusieurs tonnes a touché un abri antiaérien » où elle se trouvait, dans la nuit du 14 au 15 avril, est-il écrit sous son portrait.

« C’était une bonne soldate, une bonne amie », dit Olena Zadorojna.

« Sa fille m’a demandé de venir ici. Après les bombardements de lundi [à Kyiv], je ne me sentais pas vraiment bien. Mais je pense que j’avais besoin de venir ici pour la voir et lui dire de tout mon cœur “ je t’aime ” », poursuit la jeune femme dans un sanglot.

Le mari de Natalia, également membre du régiment Azov, a quant à lui été fait prisonnier et a récemment été libéré.

« Fermer le ciel »

D’après les dates de leur décès affichées sous les photos, la plupart des militaires ont péri en mars et avril, et quelques-uns début mai.

PHOTO SERGEI SUPINSKY, AGENCE FRANCE-PRESSE

Comme Denys Bondarenko, dont le surnom de code est « Junior », tué à 18 ans par « une balle de tireur d’élite le 1er mai à l’usine Azovstal », est-il écrit.

Parmi les plus âgés figure le sergent-chef Oleksandre Vigran, 65 ans, chauffeur, tué à Azovtal le 8 mai. « Nous allons certainement gagner », auraient été ses derniers mots envoyés à ses proches.

Galyna Golitsyna, pour sa part, a perdu ses deux fils à la guerre. L’aîné en 2014 et Denys le 23 mars dernier à Marioupol. Les deux servaient dans le régiment Azov.

La mère, âgée de 61 ans, pose en pleurant une main, puis son front, sur le portrait de son cadet, mort à 32 ans.  

Blessé dans un bombardement et soigné dans un hôpital installé à l’intérieur d’un bunker, les médecins n’ont pas pu le sauver.

« Perdre un enfant, c’est le plus terrible qui puisse arriver. Et moi, j’ai perdu mes deux enfants dans cette même guerre. C’est le jour de la mémoire pour moi », dit-elle à l’AFP en s’essuyant les yeux.

« On n’a pas besoin de troupes de l’OTAN combattant chez nous, nous avons nos militaires très habiles, mais donnez-nous les armes et nous allons protéger le monde entier. Il faut nous donner des armes et fermer le ciel » aux missiles russes, plaide la sexagénaire.

Outre cette exposition, des services religieux étaient aussi organisés dans la capitale. La poste nationale a annoncé la sortie de plusieurs timbres représentant des militaires.  

La Journée « des défenseurs et des défenseuses » de l’Ukraine a été instaurée le 14 octobre en 2014, en remplacement du 23 février, date héritée de l’époque soviétique et encore célébrée en Russie.