(La Valette) Deux frères ont été condamnés à 40 ans de prison chacun vendredi à La Valette pour l’assassinat en 2017 de la journaliste maltaise anticorruption Daphne Caruana Galizia.

George et Alfred Degiorgio, qui ont plaidé coupable au premier jour de leur procès, ont été condamnés pour avoir fabriqué, posé et fait exploser la bombe ayant tué dans sa voiture la journaliste de 53 ans.

« Le jugement d’aujourd’hui est une autre étape importante pour que justice soit rendue à la famille Caruana Galizia », a aussitôt réagi sur Twitter le premier ministre maltais Robert Abela.

La mort de la blogueuse le 16 octobre 2017 avait fortement secoué le plus petit État de l’Union européenne et horrifié ses voisins.

« Trois personnes ont désormais été condamnées pour ce meurtre et trois autres attendent d’être jugées. Nous restons déterminés à ce que justice soit rendue pour la famille et pour Malte », a ajouté M. Abela.

Un troisième homme impliqué dans cet assassinat, Vincent Muscat, avait en effet été condamné à 15 ans de prison l’an dernier.

En revanche, le riche homme d’affaires soupçonné d’avoir commandité le meurtre, Yorgen Fenech, qui nie toute implication, n’a pas encore été jugé.

La mort de Daphne Caruana Galizia avait fait scandale dans le pays, entraînant notamment la démission en janvier 2020 du premier ministre Joseph Muscat, accusé de tenter de couvrir ses amis et alliés politiques éclaboussés par ce meurtre.

« Climat d’impunité »

PHOTO RENE ROSSIGNAUD, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Une bombe a fait exploser la voiture de la journaliste Daphne Caruana Galizia en octobre 2017.

Selon une enquête publique dont les résultats ont été publiés en 2021, l’État maltais porte une part de responsabilité dans le meurtre de la journaliste, notamment pour avoir créé un « climat d’impunité » pour ceux qui voulaient la faire taire.

La journaliste, qui dénonçait dans son blogue Running Commentary la corruption endémique dans ce petit archipel méditerranéen, avait été tuée près de son domicile quelques heures seulement après avoir publié ce message : « Il y a des corrompus partout. La situation est désespérée ».

Dans un communiqué publié par ses services, Robert Abela a promis que son « gouvernement continuera à mettre en œuvre d’importantes réformes pour renforcer les principes de l’État de droit et la démocratie à Malte », une ex-colonie britannique entrée dans l’Union européenne en 2004.

Étaient présents vendredi au procès plusieurs représentants d’associations de défense de la liberté de la presse, notamment Reporters sans Frontières (RSF) et le Centre européen pour la liberté de la presse et des médias.

Dans un communiqué, RSF a « salué » le verdict, tout en « soulignant le besoin que tous ceux impliqués dans cet assassinat soient traduits en justice ».

« Trop d’affaires d’assassinats de journalistes sont restées impunies, mais quand justice est rendue cela envoie un signal clair sur le fait que de tels crimes violents contre des journalistes ne seront pas tolérés. Nous continuerons à suivre toutes les procédures judiciaires dans cette affaire », a promis la directrice des opérations et campagnes de RSF, Rebecca Vincent, citée par le communiqué.

Ce procès éclair a été marqué par un coup de théâtre. Alors que les deux hommes avaient dans un premier temps plaidé non coupable, leur avocat a annoncé dans l’après-midi leur reconnaissance de culpabilité : « Ils se déclarent coupables », a annoncé Simon Micallef Stafrace, ce qui a permis d’arriver à une sentence rapide.

George Degiorgio avait déjà une première fois confessé l’assassinat au cours d’un interrogatoire en juillet, en en minimisant la gravité.

L’an dernier, les deux frères s’étaient dits prêts à impliquer un ancien ministre en échange d’une grâce, qui leur avait été finalement refusée.