(Londres) Le nouveau premier ministre conservateur britannique Rishi Sunak a repoussé mercredi à mi-novembre la présentation d’arbitrages budgétaires très attendus pour mettre fin aux turbulences financières provoquées par l’éphémère gouvernement précédent, mais aussi très redoutés en pleine crise sociale.

Le troisième chef de gouvernement du Royaume-Uni en 50 jours prend les commandes de Downing Street dans un contexte social explosif en raison de l’envolée des prix. La situation économique s’est encore dégradée en septembre lorsque les promesses de baisses massives d’impôts, non financées, de l’ex-première ministre Liz Truss ont affolé les marchés, faisant plonger la livre sterling et s’envoler les taux d’intérêt.

Pour calmer la tempête, l’expérimenté Jeremy Hunt avait été appelé au ministère des Finances et était déjà revenu sur l’essentiel des mesures annoncées. Il devait présenter le 3 & octobre un plan budgétaire destiné à rassurer sur la stabilité à long terme des finances publiques.

Reconduit à son poste mardi, M. Hunt a annoncé, à l’issue de la première réunion du Conseil des ministres, être convenu avec M. Sunak qu’il serait « prudent » de repousser cette présentation au 17 novembre.

« Il est extrêmement important que cette présentation soit basée sur les prévisions économiques et les prévisions des finances publiques les plus précises possibles », a-t-il expliqué à la télévision.

À l’aise au Parlement

Selon la presse britannique, M. Sunak, un ex-banquier et ex-ministre des Finances qui avait lui-même averti pendant l’été des conséquences néfastes du programme de Mme Truss, veut s’impliquer dans la préparation de ces mesures, alors qu’un retour de l’austérité est redouté.

Le nouveau premier ministre de 42 ans, plus jeune chef du gouvernement britannique depuis 200 ans, a averti mardi que des « décisions difficiles » seraient nécessaires pour « réparer » les « erreurs » de Liz Truss.

« Le gouvernement va rétablir la stabilité économique et le fera d’une manière juste et empreinte de compassion », a assuré M. Sunak mercredi au Parlement. « Nous protégerons toujours les plus vulnérables », a-t-il ajouté lors de la séance des questions des députés, où il y a à peine une semaine Mme Truss rejetait toute démission, avant de jeter l’éponge le lendemain.

Confirmant la mise aux oubliettes du programme du gouvernement précédent, le nouveau dirigeant a également annoncé rétablir le moratoire sur la production de gaz et pétrole de schiste en Angleterre, levé par Liz Truss au nom de la « sécurité énergétique » dans le contexte de la guerre en Ukraine.

Il s’est prêté à cet exercice hebdomadaire, parfois très chahuté, de manière sérieuse mais détendue. Soutenu par sa majorité, il a esquivé les questions gênantes et envoyé des piques à l’opposition travailliste qui l’interpellait sur les errements économiques de son camp ou sur les arrangements fiscaux passés de son épouse multimillionnaire.

Il a dû s’expliquer sur le retour au ministère de l’Intérieur de Suella Braverman, une personnalité ultraconservatrice qui avait démissionné il y a une semaine, officiellement pour avoir envoyé des documents confidentiels depuis sa boîte courriel personnelle, en réalité selon la presse pour des désaccords sur la politique migratoire qu’elle souhaite très restrictive.

Volonté d’unité

« Ce n’est pas un nouveau départ, c’est le retour des magouilles », a tempêté le député indépendantiste écossais Ian Blackford, accusant le premier ministre de vouloir renforcer sa position en recrutant cette figure de la droite de la majorité.

M. Sunak a expliqué que Mme Braverman ayant reconnu son « erreur », il avait été « ravi de l’accueillir dans un gouvernement d’union qui apporte de la stabilité au cœur du gouvernement ».

L’opposition travailliste, largement en tête dans les sondages, réclame des législatives anticipées, sans attendre fin 2024 ou début 2025 comme prévu, et une majorité de Britanniques y sont favorables.

Mais M. Sunak refuse un scrutin qui serait assurément dévastateur pour la majorité conservatrice au pouvoir depuis 12 ans. Il tente de recoller les morceaux d’un parti très divisé après des mois de scandales et turbulences politiques et économiques.

Il a maintenu nombre de ministres en place et rappelé les barons de son parti, privilégiant visiblement, contrairement à Mme Truss, l’unité et l’expérience à la loyauté.

Parmi les poids lourds de retour, Michael Gove, ministre des Rééquilibrages territoriaux, a estimé qu’il était temps de « revenir à un gouvernement qui fonctionne tranquillement » : « Après 12 mois de turbulences et d’extravagance, l’ennui est de retour », a-t-il ironisé.

Rishi Sunak va s’installer au 10, Downing Street avec sa famille

Le nouveau premier ministre britannique Rishi Sunak et sa famille, propriétaires entre autres d’une maison dans le quartier cossu de Kensington à Londres, vont s’installer au 10, Downing Street, a annoncé mercredi Downing Street.

Cette annonce met fin à des spéculations suscitées mardi lorsque Rishi Sunak avait prononcé son tout premier discours de premier ministre devant le 10 Downing Street : où était donc sa famille ?

Si sa prédécesseure Liz Truss était accompagnée, pour sa dernière apparition devant le « 10 », de son mari et de ses deux filles adolescentes, Rishi Sunak, quant à lui, était seul. Ce qui avait incité des commentateurs à se demander si sa famille allait bien emménager à Downing Street.

Rishi Sunak et son épouse Akshata Murty, des multimillionnaires, parents de deux filles, possèdent une imposante demeure dans la circonscription du premier ministre dans le Nord de l’Angleterre, une maison dans le quartier cossu de Kensington à Londres ainsi qu’un appartement à Santa Monica, en Californie.

Une porte-parole a mis fin aux spéculations mercredi : « Ils vont emménager au numéro 10, où ils vivaient auparavant », quand il était chancelier.

Et ils vont bien habiter au 10, où « ils ont été très heureux », et non au 11 (siège du ministère des Finances), un logement plus spacieux où ont vécu notamment Boris Johnson et son épouse Carrie.