(Londres) Le gouvernement britannique a renoncé vendredi à sa menace de convoquer des élections anticipées en Irlande du Nord, entretenant le flou sur ses intentions face au blocage politique lié au statut post-Brexit.

Le sort de la province britannique au passé sanglant, frontalière de l’Union européenne, constituait un casse-tête pendant les négociations menant au Brexit. Il le reste près de trois ans après la sortie de l’UE.

Londres avait donné aux partis politiques jusqu’au 28 octobre pour s’entendre et former un nouvel exécutif. Mais les unionistes, attachés à l’ancrage de la province au sein du Royaume-Uni, sont restés inflexibles, comme ils le sont depuis leur départ du gouvernement local en février.

Le ministre britannique chargé de l’Irlande du Nord, Chris Heaton-Harris a consulté toute la semaine les différentes communautés pour tenter d’arriver à une solution, en vain. Il a fini par reculer.

« Je peux désormais vous confirmer qu’aucune élection n’aura lieu en décembre ou avant les fêtes », a indiqué Chris Heaton-Harris, dans un communiqué.

« Mon objectif, et ce que la population d’Irlande du Nord mérite, est la restauration d’un gouvernement décentralisé fort », a-t-il ajouté, sans expliquer comment il comptait y parvenir.  

Il a précisé qu’il s’exprimerait la semaine prochaine au Parlement à Londres pour détailler « les prochaines étapes ».

Le blocage politique est issu du refus du Parti démocratique unioniste (Democratic Unionist Party, DUP), opposé au protocole post-Brexit octroyant un statut spécial à la province, de participer à l’assemblée locale de Stormont ce qui empêche la formation d’un exécutif.  

Ce dernier doit être partagé avec les républicains du Sinn Fein, partisans d’une réunification avec la République d’Irlande, en vertu de l’accord de paix de 1998 qui a mis fin à trois décennies de conflit intercommunautaire ayant fait 3500 morts.

Le dernier scrutin, en mai, avait été remporté pour la première fois par le Sinn Fein, l’ex-branche politique des paramilitaires de l’IRA, traduisant le recul historique des unionistes protestants face aux républicains, surtout catholiques, et relançant la perspective d’une possible réunification avec la République voisine.

Le gouvernement britannique conserve une obligation légale d’organiser des élections, mais les délais impartis pour l’instant permettent qu’elles n’aient lieu qu’en janvier. Il pourrait aussi choisir de changer les règles.

Tensions avec Bruxelles

Le chef de la diplomatie irlandaise Simon Coveney a salué la décision de Londres de ne pas tenir d’élection en décembre, ce qui permet de « créer un espace pour progresser sur d’autres sujets ».

Plusieurs responsables de la province avaient averti qu’un nouveau scrutin ne changerait probablement rien à l’impasse puisque la participation des unionistes est obligatoire quel que soit leur résultat et qu’ils la lient au sort du protocole nord-irlandais.

Ce document négocié au moment du Brexit maintient le territoire au sein du marché unique européen pour éviter de créer une frontière physique avec la République d’Irlande, ce qui pourrait relancer les tensions. Il crée donc une frontière douanière et réglementaire de fait avec l’île de Grande-Bretagne, inacceptable pour les unionistes.

« Il n’y a aucune base solide pour (des institutions locales) fonctionnant complètement tant que le protocole nord-irlandais n’est pas remplacé avec des arrangements soutenus par les unionistes », a répété le dirigeant du DUP Jeffrey Donaldson sur Twitter.  

Face à la colère unioniste, Londres veut le renégocier en profondeur et a commencé à légiférer pour cela. Mais Bruxelles n’accepte que des aménagements, menaçant d’une guerre commerciale en cas de violation de ce texte au statut de traité international.

En Irlande du Nord même, la majorité des élus soutiennent le protocole, demandant simplement que soient revues certaines dispositions perturbant les approvisionnements de certains produits ou causant des complications excessives pour les entreprises locales.

Faute de sortie de crise, Londres gère les affaires courantes en Irlande du Nord, mais de nombreux dossiers sont gelés, en pleine crise économique et sociale liée à l’envolée des prix.

« Il n’y a ni exécutif, ni élections, ni budget, ni ministres alors que la population fait face à une crise économique qui s’aggrave », a tempêté l’élu local du Sinn Fein John O’Dowd sur la BBC, qualifiant le revirement du gouvernement d’« exemple classique du chaos imposé par les conservateurs ».