(Prague) Le président tchèque fraîchement élu, Petr Pavel, ancien général de l’OTAN, va promouvoir des liens étroits avec l’UE et aider l’Ukraine à tenir face à l’invasion russe, selon des analystes interrogés par l’AFP.  

M. Pavel a remporté samedi l’élection présidentielle, battant le populiste milliardaire Andrej Babis.  

En mars, l’ancien chef du comité militaire de l’OTAN, 61 ans, remplacera à la tête de l’État le président sortant Milos Zeman, connu pour ses liens étroits avec Moscou et Pékin, et accusé plusieurs fois d’abuser de ses compétences constitutionnelles.  

Selon les analystes, l’expérience de Pavel dans la diplomatie militaire serait son atout, et sa gestion des affaires sera très différente de celle de son prédécesseur.  

« Il sera un président compétent si nous réalisons que la guerre en Ukraine est l’un des problèmes clés auxquels l’Europe est confrontée », déclare Pavel Havlicek, chercheur à l’Association aux affaires internationales à Prague.  

« Nous savons que ses contacts à l’OTAN, avec ses pairs aux États membres de l’Alliance […] sont très forts, et la politique étrangère sera son domaine », souligne l’expert.  

Pavel a bâti sa carrière militaire dans la Tchécoslovaquie des années 1980. Il a bénéficié de son appartenance au Parti communiste, jusqu’à la chute du régime en 1989.  

Devenue une démocratie libérale, la Tchécoslovaquie s’est scindée en République tchèque (Tchéquie) et Slovaquie en 1993. Entre-temps, M. Pavel est devenu partisan de l’adhésion à l’UE et à l’OTAN.  

« Il n’y a pas de meilleure alternative », a-t-il déclaré sur son site électoral où il a aussi promu l’aide à Kyiv.  

« Il est très favorable à l’Ukraine […], très critique envers la Russie », souligne Jiri Pehe, analyste politique à l’Université New York à Prague.  

« Sa position impliquera un soutien fort, inconditionnel à l’Ukraine », apprécié déjà par le président ukrainien Volodymyr Zelensky, insiste l’expert.  

Valeurs européennes

Après l’élection de Pavel, les dirigeants européens ont réagi en saluant son dynamisme proeuropéen.  

Le président français Emmanuel Macron s’est félicité que les deux pays soient « liés par des valeurs profondément européennes et dans le soutien à l’Ukraine ».

La cheffe de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a salué aussi le « ferme attachement » de M. Pavel aux « valeurs européennes ».

La victoire de M. Pavel s’inscrit dans le sillage de la récente présidence tchèque de l’UE, considérée généralement comme réussie.  

L’ex-parachutiste d’élite pourra travailler en étroite collaboration avec le gouvernement de centre droit pro-occidental de Petr Fiala, qui fournit une aide militaire et humanitaire importante à l’Ukraine.  

M. Pavel « s’inspirera de la politique du gouvernement dans ce sens, […] il n’y aura pas de différends fondamentaux », estime Pavel Saradin, analyste à l’université Palacky.  

« Sa politique sera certainement différente de l’orientation multilatérale de Zeman », souligne-t-il.  

M. Zeman a fait volte-face sur ses liens amicaux avec le président russe Vladimir Poutine seulement après l’invasion de l’Ukraine.  

« Il n’y aura plus cette ambivalence que nous avions connue avec Milos Zeman », considère M. Pehe, ajoutant que Pavel est aussi favorable à l’adoption de l’euro par Prague.  

« Dans son élément »

Selon M. Pehe, Petr Pavel est plus critique que son prédécesseur à l’égard du groupe dit de Visegrad, composé de la Tchéquie, la Slovaquie, la Pologne et la Hongrie, un pays posant nombre de soucis au sein de l’UE.  

Le premier ministre hongrois Viktor Orban reste en désaccord avec l’UE sur l’état de droit dans son pays et ses liens avec Poutine.  

Petr Pavel a critiqué le dirigeant hongrois à plusieurs reprises et, lors de sa visite en Hongrie en décembre dernier, il a rencontré des responsables d’opposition.  

« Il préférerait redéfinir la coopération régionale dans un format plus large, regroupant davantage de pays, ce qui signifierait que l’influence de la Hongrie serait neutralisée », estime M. Pehe.   

Comme la plupart des politiciens tchèques, M. Pavel devrait promouvoir les liens étroits avec Israël, même s’il préfère suivre l’UE, dit M. Pehe.  

Selon M. Havlicek, Petr Pavel pourra rétablir aussi de bonnes relations avec Washington, affaiblies depuis plusieurs années.  

« Il a une grande et solide expérience des réunions puis des négociations et il le montrera », souligne M. Havlicek.  

« Pour ce qui est de la politique étrangère, il sera bien dans son élément ».  

Zelensky remercie Pavel

Le président Pavel s’est entretenu dès dimanche avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky et planifie un entretien lundi avec la présidente de Taïwan, selon son équipe, se démarquant ainsi du président sortant.

Petr Pavel a annoncé dans un tweet s’être entretenu avec M. Zelensky au téléphone.

Ce dernier a affirmé, également sur Twitter, avoir « personnellement félicité M. Pavel pour sa victoire » électorale.

« Je l’ai remercié, ainsi que le peuple tchèque, pour leur soutien indéfectible. Je l’ai invité à se rendre en Ukraine », a ajouté le président ukrainien.

Le président désigné tchèque avait indiqué, avant l’élection, qu’il réserverait sa première visite à l’étranger, comme le veut la coutume, à la Slovaquie voisine, avec laquelle la Tchéquie formait la Tchécoslovaquie avant leur scission en 1993. Mais il avait précisé que l’Ukraine suivrait ensuite.

L’élection de ce leader aux positions favorables à l’Ukraine et à l’UE a été saluée par les dirigeants européens.

Il a également reçu un message de la présidente de Taïwan, Tsai Ing-wen, avec laquelle il devrait échanger lundi : « un appel téléphonique est prévu pour lundi, » a dit à l’AFP son porte-parole, Mme Marketa Rehakova.

Dans un entretien à Czech Radio, la radio publique tchèque, M. Pavel a indiqué dimanche qu’il soutiendrait les relations avec Taïwan, un investisseur important en Tchéquie.

La Chine estime que l’île de 24 millions d’habitants est l’une de ses provinces, à reconquérir par la force si nécessaire. Les relations entre Pékin et Taipei, déjà tendues, se sont brutalement dégradées en 2022, Pékin ayant multiplié les manœuvres militaires autour de l’île.

Pour le président désigné tchèque, « il n’y a rien de mal à avoir des relations spécifiques avec Taïwan, qui est l’autre système », allusion à la formule de Pékin « un pays, deux systèmes » pour caractériser notamment les relations de Hong Kong et de la Chine continentale après la rétrocession de l’ancienne colonie britannique à la République populaire de Chine.

« Il est certainement dans notre intérêt de conserver des relations commerciales et peut-être aussi scientifiques actives avec Taïwan », a estimé Petr Pavel.