(Paris) L’Assemblée nationale française a conclu vendredi à minuit, sans vote et dans la confusion, l’examen en première lecture d’un projet de réforme des retraites contre lequel syndicats et opposition sont vent debout, l’examen du texte devant désormais se poursuivre au Sénat.

Les députés ont ensuite largement rejeté une motion de censure déposée par le parti d’extrême droite Rassemblement national (RN).

Mesure phare du deuxième quinquennat de prédisent Emmanuel Macron, la réforme des retraites est contestée tant par les oppositions de gauche que de droite et a déjà provoqué cinq journées de grèves et de manifestations à travers le pays.

Elle provoque aussi des tiraillements au sein même de la majorité présidentielle, qui nécessite l’appui de parlementaires Les Républicains (LR, droite) pour faire adopter le texte.

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La première ministre Élisabeth Borne

Au Parlement, cette réforme a donné lieu à près de neuf jours de débats épiques, entre rappels au règlement et suspensions de séance, sur la question du financement du système. Plusieurs milliers d’amendements avaient été déposés par la gauche.

Le débat s’est achevé à l’heure prévue par la Constitution, à minuit pile.

« Déni de démocratie »

En préambule de la motion de censure présentée par son parti, la cheffe du RN Marine Le Pen a dénoncé « un projet […] mal porté et mal expliqué », ainsi qu’un « déni de démocratie » du gouvernement.

La première ministre Elisabeth Borne lui a répondu en soulignant que le débat sur les retraites avait montré les visages de « deux populismes », ceux de l’extrême droite et de la gauche radicale.

Chargé de défendre le texte, le ministre du Travail Olivier Dussopt, la voix rauque, a indiqué que « le gouvernement saisira(it) le Sénat du texte qu’il a initialement présenté, modifié par les amendements votés » par l’Assemblée.  

« Vous m’avez insulté 15 jours », a-t-il lancé, furieux, aux députés de la France insoumise (LFI, gauche radicale), en quittant l’hémicycle.

« Macron en échec à l’Assemblée. La retraite à 64 ans n’est pas passée », a réagi avant même la fin des débats le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon dans un billet de blogue. « Cette réforme n’a pas de légitimité parlementaire », a abondé face aux journalistes la présidente du groupe, Mathilde Panot.  

Sans surprise au vu du nombre d’amendements restant à examiner et de la date butoir fixée à minuit, les débats se sont interrompus très loin de l’article 7 sur le report de l’âge légal à 64 ans, le plus controversé.  

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Le leader de La France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon

Tout au long de la soirée, la discussion a porté sur la durée de cotisation pour les retraités pouvant bénéficier du dispositif « carrières longues », c’est-à-dire ceux qui sont entrés dans le monde du travail avant 21 ans. Quarante-trois ou 44 ans ? La question n’a pas été clairement tranchée.

Une partie des députés LR exige que tous les travailleurs ayant commencé avant cet âge puissent partir à la retraite après 43 années de cotisations, sans que l’âge légal ne soit une barrière.

« Spectacle désolant »

La gauche parlementaire s’est divisée sur la stratégie à adopter, les écologistes regrettant auprès de l’AFP « un raté stratégique » dans le choix de la gauche radicale de multiplier les amendements.

« L’Assemblée nationale donne un spectacle désolant, au mépris des travailleurs. Honteux », a réagi dans la soirée le secrétaire général du syndicat réformateur CFDT, Laurent Berger.

Les dernières manifestations ont rassemblé jeudi 1,3 million de personnes selon le syndicat CGT et 440 000 selon le ministère de l’Intérieur.  

C’est le chiffre le plus faible depuis le début de la mobilisation, dans l’attente du 7 mars où les syndicats menacent de mettre le pays « à l’arrêt » si le gouvernement ne retire pas la réforme.

La CGT a appelé vendredi à la grève reconductible dans les raffineries dès le lundi 6 mars.

Le Sénat se saisira du texte le 2 mars. « Ça va être sport », estime un élu du groupe du parti présidentiel.

« L’enjeu, c’est qui va imposer son récit », a-t-il ajouté, tant il semble difficile de dire qui du gouvernement ou des oppositions sort renforcé de cette première manche parlementaire.