(Washington) Les États-Unis se sont déclarés favorables mardi à la création d’un tribunal spécial pour juger « l’agression » russe en Ukraine, avec des fonds et du personnel international mais « enraciné dans le système judiciaire ukrainien ».

« Les États-Unis soutiennent la mise en place d’un tribunal spécial pour juger le crime d’agression contre l’Ukraine sous la forme d’une cour internationale qui soit enracinée dans le système judiciaire ukrainien et comprenant des éléments internationaux », a déclaré un porte-parole du département d’État américain.

Le responsable précise que Washington souhaite obtenir « un soutien international significatif, notamment de nos partenaires européens » et que le tribunal soit « localisé idéalement dans un autre pays en Europe ».

C’est la première fois que les États-Unis, traditionnellement récalcitrants face à la justice internationale, se disent explicitement favorables à la création d’un tel tribunal pour juger des crimes commis depuis l’invasion russe de l’Ukraine, le 24 février 2022.

Kyiv appelle depuis longtemps à la mise en place d’un tribunal spécial pour juger les plus hauts responsables russes mais sa forme exacte soulève des questions juridiques complexes.

L’idée d’un tribunal spécial est également soutenue par les Européens, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen en ayant parlé dès novembre de l’année dernière, tandis que l’Allemagne a proposé en janvier un « nouveau format » de tribunal, qui pourrait « dériver sa compétence du droit pénal ukrainien » mais disposer de procureurs et de juges internationaux et de financements étrangers.

Le Parlement européen a également réclamé en janvier la mise en place d’un tribunal international spécial chargé de juger le crime d’agression de la Russie contre l’Ukraine.

Le soutien de Washington à ce tribunal intervient alors que l’étau se resserre quelque peu vis-à-vis de la Russie après la décision, par exemple, de la Cour pénale internationale (CPI), basée à La Haye, d’émettre un mandat d’arrêt contre le président russe Vladimir Poutine pour le crime de guerre de « déportation » d’enfants ukrainiens dans le cadre du conflit.

Ni la Russie ni les États-Unis ne reconnaissent la compétence de la CPI.

Et la CPI n’est compétente que pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité perpétrés en Ukraine, et non pour le « crime d’agression » commis par la Russie, imputable à ses plus hauts dirigeants, Moscou n’étant pas signataire du traité de Rome qui a institué la Cour.

Fonds et personnel internationaux

Dans un discours lundi, l’émissaire américaine pour la justice internationale, Beth Van Schaack, avait indiqué que les États-Unis souhaitaient que le tribunal dispose de fonds et de personnel international.

« Nous pensons qu’une telle cour internationalisée mais enracinée dans le système judiciaire ukrainien […] offrira les meilleures chances » que justice soit faite, a-t-elle dit devant l’université Catholique à Washington.

« Nous sommes déterminés à travailler avec l’Ukraine et les pays défenseurs de la paix à travers le monde, afin de mettre en place, financer et fournir le personnel pour un tel tribunal d’une façon qui permettra de rendre des comptes pour les crimes internationaux commis en Ukraine », a encore affirmé l’émissaire.

Jusqu’à présent, les États-Unis assuraient examiner tous les modèles possibles mais réservaient leur position.

Les Occidentaux soutiennent la création d’une juridiction compétente pour juger de ces crimes présumés, mais s’interrogent sur la forme exacte qu’elle peut prendre – un tribunal international spécial basé sur un traité multilatéral ou une juridiction hybride, relevant du droit ukrainien mais comportant des juges internationaux.

D’aucuns ont appelé à créer un tribunal à l’image de celui de Nuremberg après la Seconde Guerre mondiale pour juger les criminels nazis.

En janvier, la Commission européenne a dit réfléchir à la mise en place d’un parquet international pour rassembler des preuves du crime d’agression commis par la Russie en Ukraine, avant l’éventuelle création d’un tribunal spécial.

Le procureur de la CPI enquête déjà sur des crimes de guerre et d’humanité commis par les forces russes depuis le début de l’invasion russe de l’Ukraine.