(Ballina) Une parenthèse, intime et symbolique, avant de replonger dans l’arène politique américaine : Joe Biden a achevé vendredi une visite en Irlande, où il a été fêté comme un enfant du pays.

« C’est comme rentrer à la maison, vraiment. Au fil des ans, les histoires d’ici sont devenues une partie de mon âme », a dit le président américain, prenant congé du pays dans un discours à Ballina (nord-ouest), l’un des berceaux de sa famille, devant quelque 27 000 spectateurs enthousiastes.

Son voyage sur les traces de ses ancêtres, déjà chargé d’émotion, avait pris une tournure très personnelle, lors d’une visite du sanctuaire de Notre-Dame de Knock, plus tôt dans la journée.

Le président américain, seul autre catholique à avoir conquis la Maison-Blanche avec John Fitzgerald Kennedy, avait prévu de s’y recueillir en privé.

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Joe Biden et le père Richard Gibbons devant une mosaïque au sanctuaire de Notre-Dame de Knock

Il y a aussi rencontré, ce qui n’était pas prévu, un ancien chapelain de l’armée américaine ayant administré les derniers sacrements à son fils Beau, emporté par un cancer du cerveau en 2015, a rapporté le prêtre du sanctuaire, le père Richard Gibbons, à la BBC.

« Le président pleurait, cela l’a vraiment touché, et nous avons prié pour sa famille », a raconté le prêtre.

« C’était comme un signe », a dit Joe Biden dans son discours, avant de reprendre le chemin des États-Unis.

Le démocrate, accompagné de son autre fils, Hunter, et de sa sœur Valerie, a par ailleurs visité vendredi un centre de recherches historiques et généalogiques, lui qui a fait retracer minutieusement le parcours de ses ancêtres maternels, lesquels ont émigré au milieu du XIXe siècle.

Le président américain n’avait certes pas attendu d’arriver à Dublin pour revendiquer fièrement son héritage, qui lui permet aussi de polir une image d’enfant de la classe moyenne, ayant grandi en Pennsylvanie (est) dans une famille soudée et travailleuse.  

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Joe Biden, entouré de son fils Hunter Biden et de sa sœur Valerie Biden Owens, a vécu un moment émotif en voyant la plaque à la mémoire de Beau Biden installé par le centre de soins palliatifs Mayo Roscommon Hospice, County Mayo.

« L’un des nôtres »

Mais lorsqu’il a dit jeudi, à Dublin, qu’il ne « voulait plus rentrer », c’était à se demander s’il blaguait réellement, tant Joe Biden a laissé libre cours à son attachement pour la patrie de ses lointains ancêtres.

« Comme le dit le dicton irlandais, vos pieds vous mèneront là où est votre cœur », a-t-il écrit dans le livre d’or de sa visite.

Dans son discours final à Ballina, il a toutefois retrouvé des accents plus politiques, pour vanter les valeurs partagées de l’Irlande et des États-Unis.

« Nous nous battons pour la liberté, la démocratie », a-t-il dit, pendant qu’au même moment exactement, de l’autre côté de l’Atlantique, celui qu’il affrontera peut-être à nouveau en 2024, Donald Trump, s’adressait au puissant lobby des armes, la NRA.

« Même dans les périodes de noirceur et de désespoir, l’espoir nous a permis de continuer à avancer vers un avenir meilleur, fait d’une plus grande liberté, d’une plus grande dignité, de plus grandes possibilités », a encore dit le démocrate, reprenant là son refrain politique favori.

Ces derniers jours, Joe Biden, qui avait commencé par un passage éclair à Belfast, avait bien évoqué des sujets graves : le blocage des institutions en Irlande du Nord, la guerre en Ukraine…

Mais le démocrate a surtout semblé s’offrir une parenthèse, à distance de l’actualité mondiale et de la campagne pour la présidentielle de 2024, dans laquelle il dit avoir « l’intention » de se jeter.

Il a pris tout son temps pour discuter, serrer des mains et prendre des égoportraits, dans une ambiance chaleureuse qu’il ne retrouvera pas aux États-Unis, un pays violemment divisé politiquement, et où il n’est guère populaire.

Si Joe Biden a réellement été fêté en Irlande — « vous êtes le plus irlandais des présidents américains, pas à cause de votre arbre généalogique, mais par votre âme », lui a assuré vendredi le premier ministre Leo Varadkar — ce déplacement n’a pas suscité dans l’immédiat un intérêt démesuré aux États-Unis.

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La façade d’un commerce de Ballina a été décorée aux couleurs du drapeau américain.

Les principales chaînes de télévision américaines n’ont par exemple pas retransmis en direct son dernier discours.