(Ganges) Tentant de renouer avec les Français et le terrain, Emmanuel Macron a annoncé jeudi dans l’Hérault une augmentation dès la rentrée de la rémunération des enseignants, non sans avoir été interpellé de nouveau par des habitants et des centaines de manifestants opposés à la réforme des retraites.
Après avoir longuement échangé avec enseignants, parents et élèves, le président a annoncé une « hausse inconditionnelle » de rémunération de 100 à 230 euros nets mensuels pour les enseignants, « à tous les niveaux de carrière » et « dès la rentrée ».
Pendant deux heures, le chef de l’État a longuement écouté, en prenant des notes, les membres de la communauté éducative du collège Louise-Michel de Ganges, assis en rond autour de lui sur des chaises installées à la hâte dans la cour de récréation. L’électricité avait en effet été coupée dans l’établissement, à l’initiative de la CGT.
L’augmentation annoncée sera portée « jusqu’à 500 euros par mois » pour ceux qui accepteront de nouvelles missions, sur la base du volontariat, a ajouté le chef de l’État, sans donner davantage de précisions.
« C’est très insuffisant », a réagi Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, premier syndicat du second degré (collèges et lycées), pour qui « Emmanuel Macron ne tient pas la promesse de 10 % d’augmentation pour tout le monde ».
Le chef de l’État n’a pas croisé en arrivant les centaines de manifestants bruyants rassemblés dans la matinée dans le centre-ville, un cortège tenu à bonne distance du collège par les forces de l’ordre.
Sifflets, vuvuzelas, fumigènes… mais pas de casseroles. Certaines ont été confisquées par des gendarmes alors qu’un arrêté préfectoral interdisait les « dispositifs sonores portatifs ».
« On est là », « Macron démission », ont scandé les contestataires dans cette commune de 4000 habitants des contreforts des Cévennes, drapeaux CGT, Unsa éducation, Snes-FSU et ballons noirs en signe de deuil à la main. Certains ont lancé des œufs et des pommes de terre sur les forces de l’ordre.
« Les œufs et les casseroles, c’est juste pour faire la cuisine chez moi », a commenté Emmanuel Macron à son arrivée, dans un court échange avec le député LFI de la circonscription, Sébastien Rome, qui lui disait : « La résistance (est) un peu loin, on ne l’entend pas, mais elle est là ».
« Incivisme »
La veille en Alsace, Emmanuel Macron avait été violemment hué et pris à partie lors de son premier bain de foule depuis des semaines. Un retour sur le terrain décidé après la promulgation de sa réforme portant l’âge légal de la retraite à 64 ans.
Après avoir fait la distinction entre « le désaccord » et « l’incivisme » dans la contestation, le chef de l’État a fait une visite non annoncée dans la petite ville de Pérols pour encore « expliquer » la réforme et faire des égoportraits avec des enfants.
« Je ne vais pas démissionner », a-t-il assuré à une femme qui exprimait son désaccord sur les retraites. « Vous n’en avez rien à battre de ce que le peuple veut revendiquer », lui a-t-elle rétorqué.
Le président a par ailleurs exprimé des réserves sur l’engagement pris par sa première ministre, lors d’un entretien à l’AFP, de ne plus utiliser le 49.3 hors textes financiers.
« Je ne suis pas responsable des interviews à l’AFP de la première ministre », a affirmé le chef de l’État, qui lui a toutefois renouvelé sa « confiance ».
« Loin du compte »
En lançant son chantier des « cent jours » afin de tenter de fermer la parenthèse de la crise des retraites, Emmanuel Macron avait promis lundi que l’école allait changer « à vue d’œil » dès septembre.
Dès la campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait avancé deux pistes : une hausse « inconditionnelle » de 10 % des salaires et une augmentation liée à de nouvelles missions, appelée « pacte ».
Mais toutes les organisations syndicales avaient claqué la porte des négociations en mars sur la partie « pacte », refusant le « travailler plus pour gagner plus ».
« On est assez loin du compte », car avec 10 % de hausse, « on passe à peine une année d’inflation », a réagi le député Sébastien Rome.
Partout en France, la contestation du report de l’âge de départ à la retraite à 64 ans ne désarme pas. Quelque 5000 personnes selon les syndicats, 1200 selon la police, ont manifesté à Rennes jeudi en forme de « tour de chauffe » avant la mobilisation du 1er mai à l’appel de l’intersyndicale.
Dans le même temps, environ 300 cheminots et grévistes d’autres secteurs ont envahi brièvement le hall de la tour d’Euronext à La Défense près de Paris, qu’ils ont inondé de fumigènes. Et plus tard, une manifestation s’est élancée depuis l’Hôtel de ville, forte de plusieurs centaines de personnes.