(Londres) Cela faisait 70 ans que le Royaume-Uni n’avait pas vu ça : le roi Charles III et la reine Camilla ont été couronnés samedi à l’abbaye de Westminster à Londres lors d’une cérémonie chrétienne pleine de pompe et de solennité, assombrie par des arrestations de manifestants antimonarchie.

Malgré la pluie et un certain manque d’enthousiasme populaire entourant cet évènement unique en Europe, des dizaines de milliers de personnes se sont massées pour apercevoir le souverain et sa deuxième épouse les saluer depuis le mythique balcon du palais de Buckingham après son sacre à l’abbaye.

Temps fort de ce moment d’Histoire comme seule la monarchie britannique sait en produire, l’archevêque de Canterbury a posé sur la tête du souverain de 74 ans la couronne de Saint-Edouard, en or massif et sertie de rubis.

Vêtu d’une simple chemise en lin blanc, le roi avait peu avant reçu l’onction à genoux, protégé des regards par des paravents brodés, pendant que retentissait le fameux Zadok The Priest d’Haendel.  

Il a réapparu aux yeux de l’assistance et des centaines de millions de téléspectateurs attendus, pour revêtir la « supertunica », manteau en soie enveloppée de fines pièces d’or, puis le manteau impérial, en étoffe d’or.

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Le roi Charles faisant son entrée à l’abbaye de Westminster

L’étole royale sur les épaules, le gant du couronnement en cuir blanc sur la main droite, un sceptre dans chaque main, le roi a ensuite reçu la couronne de plus de deux kilos, utilisée pour tous les couronnements depuis 1661.

« God Save The King ! » a déclaré l’archevêque de Canterbury Justin Welby, premier dignitaire de la religion anglicane, imité par certains des 2300 invités présents à l’abbaye.

Des trompettes ont retenti et des coups de canon ont été entendus aux quatre coins du Royaume-Uni ou tirés depuis des bateaux de la Royal Navy en mer.  

Son héritier William, agenouillé, a ensuite prêté allégeance à son père.

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Le prince William agenouillé, s’apprêtant à prêter allégeance à son père, le roi Charles III.

Camilla, 75 ans, la deuxième épouse de Charles, a ensuite été bénie et couronnée.

Harry au troisième rang

Charles III est devenu roi du Royaume-Uni et de 14 pays du Commonwealth, du Canada à l’Australie en passant par la Jamaïque, en septembre à la mort de sa mère Élisabeth II, à l’âge de 96 ans.

Son sacre en est la confirmation religieuse et le Royaume-Uni n’avait plus vu depuis 1953 ce rite millénaire, modernisé avec une durée plus courte, des représentants des principales religions et du gospel chanté en plus des classiques.

Le roi a franchi les portes de l’abbaye vêtu du manteau d’État de son grand-père George VI, notamment suivi de quatre pages, dont son petit-fils George, suivi de la reine, en robe ivoire brodée de fleurs.

Le prince William et son épouse Kate ont rejoint les autres membres de la famille royale, dont le prince Harry, relégué au troisième rang et privé de tout rôle officiel, conséquence de son départ en Californie en 2020 suivi de violentes critiques contre le palais.

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Le prince William et la princesse Catherine

Dans l’assistance, étaient présents des dignitaires étrangers comme le président français Emmanuel Macron ou la femme du président américain Jill Biden, des célébrités comme le rocker Nick Cave, représentants de la noblesse, des responsables politiques et représentants de la société civile.

À la fin de la cérémonie, le couple royal, couronnes sur la tête, est reparti vers Buckingham palace dans un carrosse du XVIIIe siècle, le très inconfortable « Gold State Coach », si lourd (quatre tonnes) qu’il doit être tiré par huit chevaux avançant au pas.  

Il a été escorté d’une impressionnante procession de 4000 militaires, de la princesse Anne à cheval et de William et sa famille dans un autre carrosse.  

« Pas mon roi »

La famille royale a longuement salué la foule depuis le balcon du palais.

Sam Day, qui avait passé la nuit dans une tente pour être aux premières loges sur le Mall, l’avenue partant du palais de Buckingham, se dit ravie et « fière ». « C’était super, même si la météo n’était pas bonne », assure-t-elle à l’AFP, ajoutant ne pas comprendre pourquoi Harry est parti en Californie : « S’il revient, on l’aimerait toujours ».

Dans un Royaume-Uni en pleine crise du coût de la vie, l’évènement, avec ses sceptres en or, carrosses et couronnes serties de diamants parmi les plus gros au monde, a cependant été vécu sans grande ferveur.

Autre ombre au tableau : la police, engagée dans une de ses plus importantes opérations de sécurité avec plus de 11 000 agents mobilisés, a arrêté 52 manifestants : des écologistes de Just Stop Oil connus pour leurs actions coup de poing, mais aussi au moins six organisateurs d’un rassemblement antimonarchie, dont le leader du mouvement républicain Republic, Graham Smith. Elle a aussi saisi des pancartes « Not my King » (pas mon roi).

« C’est quelque chose que l’on s’attend à voir à Moscou, pas à Londres », a protesté l’organisation Human Rights Watch.

La police, déjà critiquée pour son projet d’utiliser des technologies de reconnaissance faciale, a assuré avoir été informée de projets de perturber l’évènement historique.

Les antimonarchistes restent très minoritaires, mais leur proportion monte surtout chez les jeunes. Leur présence était inimaginable sous Élisabeth II, signe des défis pour Charles III, souverain déjà âgé bien moins populaire que sa mère ou que son héritier William, 40 ans.

Après le couronnement, des repas de voisinage et un concert à Windsor sont notamment prévus dimanche, avant un jour férié lundi.