(Londres) Le couronnement de Charles III semble avoir comblé les attentes de milliers de personnes qui avaient fait le déplacement jusqu’à Londres pour suivre de près cet évènement historique. Mais le mauvais temps, des problèmes d’organisation et des manifestants ont un peu gâché la fête.

« C’est tellement au-dessus de toutes mes attentes, je me fais surprendre de moment en moment. Je vis un rêve, j’ai du mal à le réaliser », dit Audrey Houle, des étoiles plein les yeux. Âgée de 21 ans à peine, cette Québécoise, qui se passionne pour la monarchie britannique depuis toute petite, ne pouvait pas ne pas assister en personne au couronnement. « Dès qu’on a su la date, on a tout planifié la semaine suivante. »

Avec deux amies et son copain, elle est donc venue passer dix jours à Londres. Et pour être sûrs de ne pas repartir déçus, ils ont passé la nuit de vendredi à samedi à dormir tout près de l’immense Mall afin de ne rien manquer. « C’est son rêve de jeune fille, alors on est venus le réaliser. Ce n’est pas tous les jours qu’il y a un couronnement, on en profite », explique Alex Boisvert, qui, faute de grand intérêt pour la monarchie, a même hésité à l’accompagner.

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De gauche à droite, les Québécois Audrey Houle, Florence Deslandes, Elodie Mc Dermott et Alex Boisvert

Consciente que le sujet divise, notamment au Québec, Audrey Houle répond à la blague qu’elle aimerait bien qu’indépendantisme et monarchie puissent un jour coexister. En attendant, elle a savouré chaque petit instant royal.

En venant au palais de Buckingham, on a fait face à Kate et William ! Je me suis mise à pleurer, je tremblais, j’étais en état second. Le monde autour de moi me regardait et me demandait si j’étais correcte.

Audrey Houle, une Québécoise qui a fait le déplacement à Londres

Alors que le jour se levait et que ces Québécois se réjouissaient d’avoir une bonne place pour observer la procession du roi, à l’autre bout du Mall, près de Trafalgar Square, l’ambiance était tout autre. T-shirts jaunes et pancartes à la main, des centaines de personnes n’étaient pas là pour acclamer le nouveau roi, bien au contraire. « Je suis antimonarchiste. Je pense que la monarchie n’est pas compatible avec notre démocratie, elle perpétue un système d’inégalités », dit un manifestant venu avec une pancarte où l’on peut y lire « Abolition de la monarchie ».

Des antimonarchistes de la partie
  • « Not my King » (pas mon roi). Des centaines de manifestants antimonarchistes ont fait sentir leur présence près de Trafalgar Square.

    PHOTO SEBASTIEN BOZON, ASSOCIATED PRESS

    « Not my King » (pas mon roi). Des centaines de manifestants antimonarchistes ont fait sentir leur présence près de Trafalgar Square.

  • Manifestant arrêté par la police. Il y en a eu 52 qui ont subi le même sort : des écologistes de Just Stop Oil connus pour leurs actions coups-de-poing mais aussi au moins six organisateurs d’un rassemblement antimonarchie.

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    Manifestant arrêté par la police. Il y en a eu 52 qui ont subi le même sort : des écologistes de Just Stop Oil connus pour leurs actions coups-de-poing mais aussi au moins six organisateurs d’un rassemblement antimonarchie.

  • Les antimonarchistes restent très minoritaires, mais leur proportion monte surtout chez les jeunes. Leur présence était inimaginable sous Élisabeth II, signe des défis pour Charles III, souverain déjà âgé bien moins populaire que sa mère.

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    Les antimonarchistes restent très minoritaires, mais leur proportion monte surtout chez les jeunes. Leur présence était inimaginable sous Élisabeth II, signe des défis pour Charles III, souverain déjà âgé bien moins populaire que sa mère.

  • Les manifestants « pro-république » ont pris leurs quartiers à Trafalgar Square dès le début de la matinée samedi et ont installé d’immenses drapeaux jaunes « Abolish the Monarchy » (« abolissez la monarchie ») le long de la route empruntée par le roi avant d’être couronné.

    PHOTO PIROSCHKA VAN DE WOUW, AGENCE FRANCE-PRESSE

    Les manifestants « pro-république » ont pris leurs quartiers à Trafalgar Square dès le début de la matinée samedi et ont installé d’immenses drapeaux jaunes « Abolish the Monarchy » (« abolissez la monarchie ») le long de la route empruntée par le roi avant d’être couronné.

  • « Citoyens, pas sujets [du roi] », pouvait-on lire sur la pancarte de ce manifestant, près de Trafalgar Square.

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    « Citoyens, pas sujets [du roi] », pouvait-on lire sur la pancarte de ce manifestant, près de Trafalgar Square.

  • Les nombreux policiers déployés dans les rues de Londres surveillaient attentivement les manifestants.

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    Les nombreux policiers déployés dans les rues de Londres surveillaient attentivement les manifestants.

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Aux cris de Not my king !, leur présence détonnait un peu au milieu de milliers de personnes en habits à l’effigie de la royauté qui agitaient des centaines de drapeaux britanniques. Si ce mouvement dit s’opposer à la monarchie, il semble toutefois avoir des revendications plus larges. De nombreux manifestants ont fait part des difficultés économiques importantes auxquelles fait face le Royaume-Uni, évoquant un pays au bord du gouffre.

La police britannique, qui a déployé 11 000 agents, a indiqué avoir arrêté 52 manifestants samedi en marge du couronnement et défendu ces interpellations très critiquées en expliquant avoir été informée de projets de perturber l’évènement historique. « C’est quelque chose que l’on s’attend à voir à Moscou, pas à Londres », a protesté l’organisation Human Rights Watch.

Une cérémonie grandiose, mais des déçus

Janny, dans la soixante-dizaine, ne voulait manquer pour rien au monde le couronnement. Celle qui réside dans le comté de Cumbrie est arrivée au petit matin pour être sûre d’avoir une bonne place. « Ça va être une journée merveilleuse, à part le fait que j’ai dû me réveiller très, très tôt, mais bon, il paraît que les mamies font ça », badine-t-elle, encore un peu essoufflée après une marche à un rythme effréné.

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Janny (à droite) et son amie

Même si la cote de popularité de Charles III est moindre que celle de sa défunte mère, pour Janny, il était tout aussi important de suivre cet évènement.

Pour le couronnement d’Élisabeth, mon père avait acheté une télévision spécialement pour l’occasion afin que nous puissions le suivre en direct. C’était en noir et blanc à l’époque. Venir ici et le voir maintenant de mes propres yeux, c’est assez émouvant !

Janny, une Britannique

Pour beaucoup, le couronnement s’est fait sous les parapluies et en imperméable, la pluie n’ayant pas cessé durant toute la cérémonie. Mais ce n’était pas de nature à rebuter les plus passionnés. « C’était merveilleux, le défilé était magnifique, nous avons eu tellement de plaisir même s’il pleuvait », dit Martin, habitant le comté d’Essex, venu voir l’évènement avec sa fille. Mais pour d’autres, l’expérience a été moins plaisante.

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Martin et sa fille

« Ç’a été un désastre en matière d’organisation, une vraie honte. Je ne reviendrai pas pour un autre évènement royal », déplore de son côté Lynn, venue de Liverpool, qui n’a pu trouver d’endroit où il était possible de voir la cérémonie, même si elle était arrivée tôt samedi matin. Même chose pour cette famille venue spécialement de Worcester, ville du centre de l’Angleterre. « Nous sommes déçus, nous n’avons rien vu à part la pluie. Nous allons regarder le couronnement ce soir dans notre hôtel, c’est un peu triste », dit Debbie.

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Debbie et sa famille

Quel roi sera Charles III ?

En devenant le 40e monarque couronné dans l’abbaye de Westminster samedi, Charles III écrit une nouvelle page de la monarchie. Si certaines personnes rencontrées lors du couronnement semblaient se passionner davantage pour la monarchie que pour sa personne, elles souhaitent tout de même lui donner une chance en attendant qu’il fasse ses preuves.

« Je pense qu’il y aura de la continuité avec Charles III et que nous reverrons les vieilles traditions, mais je m’attends aussi à des changements, étant donné le contexte économique ici. Il faudra qu’il trouve un équilibre », avance Louise D’Costa, dans une robe aux couleurs britanniques. Cette Londonienne est venue avec son ami, lui aussi revêtu de ses plus beaux habits pour l’occasion. Pour Paul Clifton, Charles III aura un enjeu de taille, celui d’écouter la société qui évolue.

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Paul Clifton et Louise D’Costa

« Soyons honnêtes, si la famille royale veut survivre, elle doit écouter l’opinion publique et les demandes culturelles. Si elle les ignore, je ne pense pas qu’elle survivra encore 100 ans », croit celui qui est venu de Birmingham pour l’occasion. Des leaders autochtones de 12 pays du Commonwealth ont d’ailleurs envoyé cette semaine une lettre au nouveau roi pour lui demander des excuses et la restitution d’objets culturels qui ont été spoliés, comme le plus gros diamant au monde réclamé par l’Afrique du Sud.

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Pammy Raydemir

Cette Britannique d’origine sud-africaine se questionne sur ces revendications. Elle n’est pas sûre que ce soit la bonne manière de faire avancer les choses. « Parfois, l’histoire, c’est l’histoire. Il faut oublier le passé et aller de l’avant, on ne peut pas sans cesse remettre ça sur le tapis. Nous sommes tous des enfants de l’Empire britannique », dit Pammy Raydemir, dont la famille d’origine indienne a été emmenée en Afrique du Sud sous l’Empire britannique. Reste à voir maintenant quelles seront les premières actions de Charles III en tant que nouveau roi.

Avec l’Agence France-Presse

En savoir plus
  • 11 000
    Nombre de policiers mobilisés dans l’opération de sécurité entourant le couronnement de Charles III
    Source : Agence France-Presse
    52
    Nombre de manifestants arrêtés par la police, samedi
    Source : Agence France-Presse