(Istanbul) Muharrem Ince, un des quatre candidats à la présidentielle turque du 14 mai, a annoncé jeudi le retrait de sa candidature, une décision qui renforce les chances de Kemal Kiliçdaroglu, principal opposant au président Recep Tayyip Erdogan.

« Je retire ma candidature », a déclaré lors d’une conférence de presse le chef du parti Memleket (Patrie), qui était crédité de 2 à 4 % des intentions de vote dans les dernières enquêtes d’opinion.

Il avait été la cible d’une campagne de dénigrement sur l’internet, montée notamment à l’aide de deepfakes qui montraient des photos de lui truquées en compagnie de femmes ou au volant de voitures de luxe.  

Kemal Kiliçdaroglu a accusé jeudi soir la Russie d’être à l’origine de cette campagne.  

« Chers amis russes », a posté M. Kilicdaroglu sur Twitter, « vous êtes à l’origine des montages, des conspirations, des faux et des enregistrements qui ont été révélés hier dans ce pays […] Si vous voulez notre amitié après le 15 mai, ne touchez pas à l’État turc.  

Plusieurs cadres du parti de M. Ince ont démissionné ces derniers jours, s’inquiétant que sa candidature empêche M. Kiliçdaroglu, à la tête d’une alliance réunissant six partis de l’opposition, de l’emporter face au président Erdogan, au pouvoir depuis 2003.  

M. Ince a justifié sa décision en affirmant que l’alliance de l’opposition » rejettera toute la faute « sur lui si elle perd. » Je ne veux pas qu’ils aient d’excuses «, a-t-il lancé.

Muharrem Ince, dont le portrait figurera dimanche sur les bulletins de vote, avait été en 2018 le candidat malheureux à la présidentielle du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), battu dès le premier tour par Recep Tayyip Erdogan.  

Il avait lancé en mai 2021 sa propre formation nationaliste laïque.

PHOTO KHALIL HAMRA, ASSOCIATED PRESS

Une femme agite un drapeau turc devant une photo du candidat Kemal Kiliçdaroglu.

 « Vieilles rancœurs » 

Kemal Kiliçdaroglu, chef du CHP, est donné en bonne posture face au président Erdogan, confronté pour la première fois en deux décennies à une opposition unie.

La dernière enquête d’opinion rendue publique jeudi par le réputé institut Konda créditait M. Kiliçdaroglu de 49,3 % des intentions de vote au premier tour, contre 43,7 % pour M. Erdogan et 2,2 % pour Muharrem Ince.

Selon un sondage réalisé les 9 et 10 mai par l’institut Metropoll, près de 50 % des soutiens de Muharrem Ince reporteront leur vote sur M. Kiliçdaroglu, contre moins du quart en faveur du président Erdogan.

« Mon appel tient toujours. Mettons de côté les vieilles rancœurs », a tweeté jeudi M. Kiliçdaroglu, appelant Muharrem Ince à rejoindre sa coalition.

« Son retrait est incompréhensible. Honnêtement, je suis triste », a réagi pour sa part M. Erdogan lors d’un meeting dans la province d’Ankara.

« Continuons […] Ce qui compte, c’est la décision de mon peuple », a ajouté le chef de l’État, âgé de 69 ans, qui affrontera dimanche son élection la plus incertaine depuis son avènement à la tête du pays.

 « Participation record » 

M. Erdogan, qui a vu sa popularité entamée par la crise économique qui frappe la Turquie, a promis jeudi de doubler le salaire des fonctionnaires, après avoir initialement promis mardi une hausse de 45 %.

Face à lui, Kemal Kiliçdaroglu, ancien haut fonctionnaire âgé de 74 ans, promet un retour au jeu démocratique et une lutte à bras-le-corps contre l’inflation, qui dépasse toujours les 40 % en Turquie.  

Outre l’appui de sa coalition, le candidat a obtenu le soutien du Parti démocratique des peuples (HDP), principal parti prokurde du pays et troisième force politique du pays.

Dans la ville conservatrice de Sivas (centre), M. Kiliçdaroglu a promis jeudi qu’il protégerait les droits de tous les Turcs.

Les 64,1 millions d’électeurs du pays renouvelleront simultanément dimanche leur parlement, où le président Erdogan et ses alliés jouissent d’une majorité.

Près de 1,7 million de Turcs ont déjà voté depuis l’étranger, selon les chiffres du Haut comité électoral turc.

 « Nous avons atteint une participation record à l’étranger par rapport aux précédentes élections », s’est félicité le vice-ministre turc des Affaires étrangères Yasin Ekrem Serim.

Il y a cinq ans, les Turcs de l’étranger, qui constituent 5 % environ de l’électorat, avaient voté à près de 60 % pour Recep Tayyip Erdogan, contre 52,6 % pour l’ensemble des Turcs.