(Athènes) Au lendemain de la large victoire de la droite lors des élections législatives, la Grèce se dirigeait lundi vers un nouveau scrutin voulu par le premier ministre sortant Kyriakos Mitsotakis pour tenter de s’assurer une majorité absolue.

Grand vainqueur de ces élections qui visaient à renouveler les 300 sièges du parlement monocaméral, la Nouvelle-Démocratie a recueilli 40,8 % des suffrages, selon des résultats portant sur 96 % des bureaux de vote.

Son principal rival, le parti Syriza de l’ancien chef de gouvernement Alexis Tsipras, qui incarna l’espoir de la gauche radicale en Europe lors de son accession au pouvoir en 2015, a essuyé un sévère revers avec 20 % des voix.

Il devance le parti socialiste Pasok-Kinal qui s’adjuge 11,5 % des suffrages.   

Triomphant dimanche soir au siège de Nouvelle-Démocratie à Athènes, Kyriakos Mitsotakis a qualifié cette victoire de « séisme politique » et ouvert la voie à de nouvelles élections législatives.

Elles devraient se tenir fin juin ou début juillet.

Pas de coalition

Car malgré l’ampleur de sa victoire, le dirigeant de 55 ans, aux commandes de la Grèce depuis 2019, rate de peu la majorité absolue : son camp obtient 146 sièges de députés. Il lui en fallait cinq de plus pour pouvoir former un gouvernement seul.  

Or dans un pays où la culture politique est peu portée sur la recherche de compromis, il a exclu de constituer un gouvernement de coalition.  

Le prochain scrutin se déroulera selon un système électoral différent. Le parti vainqueur obtiendra alors un « bonus » pouvant aller jusqu’à 50 sièges. De quoi lui garantir une majorité absolue, selon ses calculs.

PHOTO LOUISA GOULIAMAKI, AGENCE FRANCE-PRESSE

L’ex-premier ministre grec Alexis Tsipras

« Ensemble, nous nous battrons dès demain pour qu’aux prochaines élections ce que les citoyens ont déjà décidé, à savoir une ND autonome, soit mathématiquement confirmé », a-t-il d’ailleurs martelé.

Selon la Constitution, la présidente de la République, Katerina Sakellaroupoulou, doit maintenant confier à chacun des partis politiques un mandat de trois jours pour tenter de former un gouvernement.

De son côté, l’ancien premier ministre de la gauche radicale Syriza, Alexis Tsipras, constatant sa défaite, a appelé ses sympathisants à mener une « deuxième lutte électorale cruciale ».

Mais le dirigeant de 48 ans, qui a largement recentré Syriza ces dernières années, essuie un lourd échec, lui qui avait promis « le changement ».  

Les Grecs ne lui ont en fait jamais pardonné d’avoir croisé le fer avec l’Union européenne lors des négociations houleuses pour l’octroi d’un plan de sauvetage en 2015 avant de capituler.

À l’époque, le pays, en plein marasme financier, s’était retrouvé au bord de la sortie de l’euro. Finalement Alexis Tsipras avait dû mettre en œuvre de drastiques mesures d’austérité dont les Grecs ressentent encore aujourd’hui les effets dévastateurs.

Son ancien ministre des Finances, Yanis Varoufakis, n’a quant à lui pas réussi à franchir le seuil de 3 % nécessaire pour siéger au parlement.

Étrillé pour sa gestion jugée calamiteuse de la catastrophe ferroviaire qui a fait 57 morts fin février, Kyriakos Mitsotakis n’aura finalement pas été sanctionné par les électeurs.

Au contraire ceux-ci se sont montrés sensibles à son bilan économique après quatre ans à la tête d’une économie encore convalescente à son arrivée au pouvoir.  

Chômage en baisse

Chômage en baisse, croissance de près de 6 % l’an dernier, retour des investissements et envolée du tourisme, l’économie grecque a repris des couleurs après les années de crise et de plans de sauvetage.  

Mais la baisse du pouvoir d’achat et les difficultés à boucler les fins de mois restent les principales préoccupations des Grecs qui doivent composer avec de bas salaires.  

L’an dernier, l’inflation a frôlé les 10 % aggravant encore les difficultés.

Et le pays ploie toujours sous une dette publique de plus de 170 % de son PIB.

« Il y a une partie de la population condamnée à avoir faim », déplorait Giorgos Koulouris, un mineur de 60 ans. « Les enfants partent à l’étranger […] parce qu’ils ne peuvent pas vivre en Grèce avec les salaires qui stagnent et les loyers qui ont explosé ».

Les contempteurs de M. Mitsotakis lui reprochent toutefois une dérive autoritaire depuis son arrivée au pouvoir. Son mandat a été émaillé de scandales, des écoutes illégales aux refoulements de migrants en passant par les violences policières.  

Kyriakos Mitsotakis, un conservateur issu du monde de la finance

PHOTO LOUIZA VRADI, REUTERS

Le premier ministre sortant de la Grèce, Kyriakos Mitsotakis

Le premier ministre grec sortant, Kyriakos Mitsotakis, est un conservateur libéral qui a mis en avant la relance de l’économie, mais est aussi accusé d’inquiétantes atteintes à l’État de droit.

Moins de trois mois plus tôt, il était encore dans la tourmente, étrillé pour sa gestion jugée calamiteuse de la catastrophe ferroviaire qui a fait 57 morts et déclenché une vague de colère dans le pays.

Au cours de son premier mandat, il a donné un coup de fouet à une économie encore en convalescence à son arrivée au pouvoir après la débâcle financière et les plans de sauvetage.

À la tête d’un important patrimoine immobilier dont il a hérité, il a réduit l’imposition sur la grande propriété.

Il a également profité de ses quatre années pour rapprocher au sein de sa formation l’aile nationaliste et le courant libéral qu’il représente.

Issu d’une grande famille politique crétoise, Kyriakos Mitsotakis, 55 ans, est le fils cadet de l’ancien premier ministre Konstantinos Mitsotakis (1990-1993).

Sa sœur Dora Bakoyannis fut notamment ministre des Affaires étrangères et mairesse d’Athènes. L’un de ses neveux est l’actuel maire de la capitale grecque, un autre fut son chef de cabinet jusqu’à l’été 2022.

Diplômé de l’université américaine Harvard, il a d’abord mené une carrière de conseiller financier à Londres, chez McKinsey notamment, puis à Athènes, avant de reprendre le flambeau politique familial.

Il est élu député de la ND pour la première fois en 2004 avant d’assumer des portefeuilles ministériels dans différents gouvernements conservateurs.

Nommé ministre de la Réforme de l’administration au sommet de la crise grecque (2013-2015), il procède à des réductions massives d’effectifs dans la fonction publique dans le cadre de la cure d’austérité dictée par les créanciers du pays.

Il accède à la présidence de la ND en 2016, un an après la défaite de son camp vaincu par la gauche d’Alexis Tsipras.

VTT et Netflix

Cet homme de grande taille, aux cheveux poivre et sel, peu à l’aise dans les bains de foule, s’efforce de corriger son image en apparaissant en tenue décontractée dans ses déplacements de campagne, en chemise blanche, sans cravate, ou en blouson à capuche.

Il se laisse aussi photographier avec sa femme Mareva Grabowski et leurs trois enfants et n’hésite pas à s’épancher dans les médias sur la crise conjugale qu’il a traversée.

PHOTO PETROS GIANNAKOURIS, ASSOCIATED PRESS

Le premier ministre sortant de la Grèce, Kyriakos Mitsotakis (droite) et sa femme, Mareva Grabowski (gauche)

« Quand je veux vraiment me détendre […], je regarde Emily in Paris », la série sur Netflix, a-t-il confié.

Omniprésent sur les réseaux sociaux, il a mené campagne sur TikTok – tout en interdisant à ses ministres de l’utiliser – et répondu aux questions d’une jeune youtubeuse.

En plein confinement strict durant la pandémie, une photo le montrant pédalant son VTT sur un mont près d’Athènes a fait scandale. Ses opposants, en premier lieu Alexis Tsipras, lui reprochent son « arrogance ».

« Économie robuste »

Il a fait campagne en vantant « l’économie robuste » portée par une croissance à 5,9 % en 2022 grâce en partie au florissant secteur du tourisme. La Grèce a aussi bénéficié d’un des plus gros paquets d’aide européenne pendant la pandémie pour parer aux pertes des entreprises.

Le président de l’Eurogroup, l’Irlandais Paschal Donohoe, a assuré que la Grèce avait grâce à M. Mitsotakis « des bases économiques plus solides qu’aucun gouvernement précédent depuis longtemps ».

Mais ses contempteurs dénoncent aussi un tour de vis sécuritaire.

Le renforcement des effectifs policiers, le verrouillage des frontières pour lutter contre l’« invasion » de migrants, selon ses mots, lui ont valu de vives critiques.

Le scandale des écoutes illégales visant journalistes et hommes politiques, dont le dirigeant socialiste Nikos Androulakis, a également ébranlé son gouvernement à l’été 2022.

La liberté de la presse a également connu un inquiétant recul en Grèce, devenue lanterne rouge de l’Union européenne, derrière la Hongrie et la Pologne, dans le classement de Reporters sans frontières.

Interpellé, l’intéressé a balayé d’un revers de la main les critiques, qualifiant ce baromètre de « merde ».