(Londres) L’enquête publique sur la gestion de la COVID-19 au Royaume-Uni s’est interrogée mardi sur le rôle du Brexit dans le manque de préparation à la pandémie, au premier jour de plusieurs années de travaux sous forte pression politique.

La pandémie provoquée par le coronavirus a fait plus de 227 000 morts au Royaume-Uni, l’un des pires bilans en Europe. L’ancien premier ministre Boris Johnson a été accusé d’avoir agi trop tardivement, tandis que les précédents gouvernements conservateurs se voient reprocher d’avoir affaibli le système de santé avec leurs politiques d’austérité.

« Aucun pays ne peut être parfaitement préparé, mais on peut sans aucun doute être insuffisamment préparé », a affirmé Hugo Keith, le principal avocat de l’enquête publique dans sa déclaration liminaire, évoquant le financement des structures de santé, l’anticipation de l’impact sur l’éducation, les frontières, l’emploi, etc.

Il a aussi estimé que le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne, entre le référendum de 2016 et le retrait effectif le 31 janvier 2020, avait « demandé une énorme quantité de préparation ». Cela a « empêché certaines, et peut-être la majorité, des améliorations que le gouvernement central lui-même avait considérées comme nécessaires pour préparer et programmer la résilience » du pays en cas de pandémie.

La procédure s’annonce titanesque pour cette enquête publique qui devrait durer au moins trois ans. Le premier volet des travaux de la commission, aux pouvoirs juridiques très importants et dont les auditions sont publiques, est censé déterminer si « la pandémie a été correctement planifiée et si le Royaume-Uni était suffisamment préparé à cette éventualité ».

Des dizaines de témoins doivent être entendus pendant les six semaines de cette première phase.  

Alors que ce sont désormais les opposants aux confinements, particulièrement virulents dans la presse conservatrice, qui se font le plus entendre, Hugo Keith a estimé qu’il y avait eu « peu de réflexion » en amont de la pandémie sur « l’impact potentiellement massif » d’un confinement sur l’éducation ou l’économie.

« Écoute » pour les victimes

En ouvrant les débats, la présidente de la commission, l’ancienne magistrate Heather Hallett, a promis de mener « les investigations approfondies que la population du Royaume-Uni mérite ».

« Au nom des millions des personnes qui ont souffert et continuent de souffrir de différentes façons des conséquences de la pandémie », a-t-elle assuré.

La commission a ensuite visionné des témoignages de personnes racontant comment leurs proches étaient morts de la COVID-19 à l’hôpital ou seuls chez eux.  

À l’extérieur du bâtiment du centre de Londres où se déroulent les auditions, une vingtaine de personnes s’étaient rassemblées silencieuses, tenant des photos de leurs proches disparus. Des familles de victimes ont en effet regretté de ne pas faire partie des témoins entendus dans cette première partie de l’enquête.

« J’espère (que les familles) comprendront, quand elles verront les résultats du travail que nous faisons, que je les écoute. Leur perte sera reconnue », s’est défendue Heather Hallet.  

Le climat politique entourant la procédure est également explosif. Dans le cadre de la préparation pour l’enquête, Mme Hallett a demandé au gouvernement de lui fournir de nombreux documents, dont des échanges WhatsApp entre Boris Johnson et nombre de responsables politiques et sanitaires.

La requête a suscité la polémique. Le gouvernement de Rishi Sunak a refusé de s’y soumettre, estimant qu’il s’agissait d’éléments « sans rapport avec le travail » de la commission d’enquête. Il craint un précédent rendant toutes les communications internes aux équipes gouvernementales susceptibles de se retrouver dans l’espace public.

L’exécutif a fait savoir qu’il comptait saisir la justice pour qu’elle établisse si les demandes dans le cadre de l’enquête sont justifiées ou non. De son côté, Boris Johnson s’est dit prêt à donner lui-même ses messages à la commission.

L’ex-chef du gouvernement a été contraint à la démission à l’été 2022 après une succession de scandales, au premier rang desquels des fêtes à Downing Street pendant les confinements.

Une commission parlementaire, distincte de celle qui a commencé ses auditions mardi, est chargée d’établir si Boris Johnson a menti au Parlement à ce sujet. Son mandat de député était à risque dans cette affaire et l’intéressé a démissionné vendredi avec fracas du Parlement après avoir été destinataire des résultats préliminaires.