Dans les 15 premiers mois de la guerre en Ukraine, l’Organisation mondiale de la santé a documenté 1004 attaques russes sur le système de santé, ce qui a causé la mort d’au moins 101 personnes. Malgré cela, les travailleurs du service de santé demeurent au poste, assure le docteur Jarno Habicht, représentant et chef du bureau de cet organisme dans le pays. La Presse lui a parlé.

La destruction partielle, le mardi 6 juin, du barrage hydroélectrique de Kakhovka, dans le sud de l’Ukraine, s’est traduite par un autre dossier urgent à gérer pour les travailleurs de la santé du pays.

« Notre principale préoccupation à l’heure actuelle est l’apparition potentielle de maladies transmises par l’eau, notamment le choléra et la typhoïde, ainsi que des maladies transmises par les rongeurs », a déclaré en conférence de presse le Dr Jarno Habicht, représentant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en Ukraine.

Pour lui, comme pour les milliers de travailleurs et travailleuses de la santé, ce nouvel évènement s’est ajouté à la très longue liste d’urgences médicales à traiter dans le pays. Et ce, non seulement depuis l’invasion russe du 24 février 2022, mais depuis plusieurs années en amont.

« La santé des gens est importante pour la sécurité nationale d’un pays. En Ukraine, nous y travaillons depuis 2016-2017, alors que le gouvernement central a lancé des réformes de son système de santé pour mieux l’adapter aux normes internationales », indique M. Habicht dans une entrevue de 30 minutes accordée à La Presse par l’application WhatsApp.

Comme chacun sait, il y a aussi eu une pandémie mondiale entre les réformes et la guerre qui, dans ses 15 premiers mois, s’est traduite par 1004 attaques documentées, ayant causé la mort d’au moins 101 personnes, sur les établissements de santé ukrainiens.

Malgré tout, les travailleurs ne plient pas l’échine, assure le DHabicht, qui qualifie leur comportement d’« héroïque ».

PHOTO FOURNIE PAR L’ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ

Le représentant de l’OMS en Ukraine, Jarno Habicht

« Évidemment que les travailleurs de la santé sont épuisés, dit-il. Mais ils poursuivent leur mission. J’ai croisé des chirurgiens qui n’ont pas quitté leurs établissements durant des semaines pour sauver des vies. J’ai croisé des travailleurs qui ont eux-mêmes été malades tout en continuant à servir. Tous les travailleurs de la santé ont vu et vécu les mêmes choses que moi. Alors oui, ils sont fatigués, mais ils persistent. »

Santé mentale : une priorité

Au cours de l’entrevue avec La Presse, le DHabicht revient à plusieurs reprises sur le thème de la santé mentale. Parce que des millions d’Ukrainiens en souffrent actuellement, ce qui, sans surprise, inclut de nombreux travailleurs de la santé.

« Les besoins sont croissants en matière de santé mentale, indique le représentant de l’OMS. À la suite d’une recension sur les dommages causés par la guerre, uniquement dans la première année, on a conclu que l’Ukraine aura besoin d’investissements totalisant 16,4 milliards US pour remettre sur pied le secteur de la santé. C’est bien de reconstruire, mais on doit s’assurer en parallèle que les travailleurs du réseau demeurent disponibles, bien entraînés et bien motivés. »

Voilà un des dossiers que les représentants de l’OMS comptent défendre en participant à la Conférence sur le redressement de l’Ukraine qui aura lieu les 21 et 22 juin à Londres. Le DHabicht évoque aussi l’importance de se pencher sur la multiplicité de sources de financement, dont des partenaires privés.

Dans la foulée, il fait remarquer que, contrairement à plusieurs pays en crise ailleurs dans le monde, le système de santé ukrainien ne dépend pas uniquement et entièrement de l’aide humanitaire.

Le système ukrainien fonctionne. Mais on a encore besoin de l’aide internationale pour les budgets de fonctionnement. Ces budgets permettent de payer le salaire des travailleurs, ce qui est très important.

Le DJarno Habicht, représentant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en Ukraine

Selon lui, le Canada fournit sa part d’efforts dans le domaine. « Nous recevons un appui financier très important du Canada et nous collaborons étroitement en matière de réponse humanitaire, expose-t-il. Nous avons d’excellentes discussions avec les gens de l’ambassade. »

L’OMS compte sur un personnel de quelque 300 employés sur le terrain. Depuis le début de l’invasion, quelque 10 000 personnes ont suivi des formations pour répondre aux besoins de base. Ceux-ci sont toujours criants.

« À court terme, on doit s’occuper de santé mentale et aussi des gens qui ont des maladies non transmissibles comme le diabète et l’hypertension, dit le DHabicht. Parce que les gens retardent le moment d’aller consulter, je m’attends à une hausse importante de tels cas dans les prochaines années. »

En savoir plus
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    En 2019, les dépenses en soins de santé en Ukraine atteignaient 248 $ US par personne, soit 7,1 % du produit intérieur brut.
    source : macrotrends.net