(Kramatorsk) Le bilan de frappes russes qui ont détruit un restaurant de la ville ukrainienne de Kramatorsk est passé mercredi à 11 morts et une soixantaine de blessés, le président américain Joe Biden qualifiant de « paria » le chef du Kremlin Vladimir Poutine dont l’armée assure qu’elle ne vise aucune cible civile en Ukraine.

Ce qu’il faut savoir

  • Une frappe russe a ciblé mardi un restaurant populaire de Kramatorsk, faisant de nombreuses victimes.
  • Des appartements, des commerces, des voitures, un bureau de poste et plusieurs autres bâtiments ont aussi subi des dégâts à Kramatorsk.
  • Un individu a été arrêté par les forces spéciales ukrainiennes en lien avec l’attaque.
  • Le chef du groupe paramilitaire Wagner Evguéni Prigojine a été accueilli mardi en Biélorussie.
  • Si l’onde de choc de la révolte conduite par les hommes d’Evguéni Prigojine reste à mesurer, le Kremlin a d’ores et déjà nié que le président russe Vladimir Poutine soit sorti affaibli de cette crise.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a dénoncé une attaque « terroriste » et annoncé l’arrestation sur place d’un individu qui avait « coordonné » les tirs russes, dans son allocution quotidienne mercredi soir.

Dans cette grande ville de l’est du pays sous contrôle ukrainien où les frappes russes ont touché aussi des habitations, des commerces, un bureau de poste et d’autres bâtiments, « les corps de 11 personnes (dont 3 enfants) ont été sortis des décombres, 56 personnes ont été blessées (dont 1 enfant) », ont indiqué les services d’urgence sur Telegram. Sept personnes ont été dégagées vivantes.

Selon la police, la Russie a tiré deux missiles S-300 – des engins sol-air qu’elle utilise également pour des frappes terrestres – sur Kramatorsk, qui comptait 150 000 habitants avant la guerre, entrée dans son 17e mois.

« J’étais juste dans le quartier. Mon équipe et moi-même vaquions à nos occupations. Nous étions dans un appartement et nous avons entendu une explosion. J’avais un sac à dos médical avec moi, nous l’avons sorti et nous sommes partis », a raconté Galyna, une médecin militaire.

Elle dit notamment avoir dû secourir une victime qui « souffre d’une blessure ouverte à la tête : sa boîte crânienne est entrée dans sa matière cérébrale ».

« Je n’ai pas eu le temps de regarder, j’ai dû agir », ajoute-t-elle.

Le président russe est désormais « un paria à travers la planète », a déclaré Joe Biden à Washington.

Le ministère de la Défense de Russie a affirmé avoir frappé un « point de déploiement temporaire » de la 56Brigade d’infanterie mécanisée des forces armées ukrainiennes, et le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a assuré que la Russie « ne frappe pas des infrastructures civiles ».

PHOTO GENYA SAVILOV, AGENCE FRANCE-PRESSE

La frappe a détruit le restaurant Ria Pizza, un établissement du centre-ville apprécié des journalistes, des travailleurs humanitaires et des soldats. Des médias ukrainiens ont évoqué la présence d’instructeurs militaires étrangers en ville.

Trois personnalités colombiennes, le célèbre écrivain Hector Abad, l’homme politique Sergio Jaramillo et la journaliste Catalina Gómez, correspondante en Ukraine de France 24, ont été légèrement blessées alors qu’elles dînaient dans le restaurant avec l’écrivaine ukrainienne Victoria Amelina, selon un communiqué.

Cette dernière, une romancière de 37 ans, « est quant à elle dans un état critique », ajoute le texte.

La Russie « viole » le droit de la guerre

Le président colombien Gustavo Petro a accusé la Russie de « violer » le droit de la guerre.

Une journaliste de l’AFP sur les lieux de la frappe a vu des ambulances, la police, des soldats et le maire de la ville près de ce restaurant, devant lequel s’était rassemblée une foule d’habitants.

Un chef cuisinier à l’uniforme couvert de poussière, Rouslan, 32 ans, a expliqué qu’il « y avait pas mal de monde » au moment de la frappe.

PHOTO GENYA SAVILOV, AGENCE FRANCE-PRESSE

Important nœud ferroviaire et abritant des sites militaires, Kramatorsk est très régulièrement visée par des bombardements russes.

Le plus meurtrier a été celui de la gare, frappée en avril 2022, qui avait fait 61 morts et plus de 160 blessés quelques semaines après le début de l’invasion russe et au moment où une foule de civils tentaient de quitter la ville.

La contre-offensive suit son cours

Dans le même temps, le commandant en chef des forces ukrainiennes Valery Zaloujny a assuré que cinq jours après la rébellion avortée du groupe paramilitaire Wagner contre Moscou, la contre-offensive de Kyiv suivait son cours et enregistrait des « progrès ».

« L’ennemi oppose une forte résistance, mais dans le même temps subit de lourdes pertes », a-t-il déclaré dans un message Telegram après un appel téléphonique avec son homologue américain Mark Milley, alors que les effets sur la situation militaire et sur le pouvoir russe des évènements des derniers jours en Russie sont au centre de toutes les interrogations.

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Evguéni Prigojine

Interrogé sur un éventuel affaiblissement de Vladimir Poutine, le président américain Joe Biden a répondu : « C’est difficile à dire, mais il perd à l’évidence la guerre. »

Quant aux effets déstabilisateurs de la rébellion de Wagner – dans le secret de laquelle était selon les sources du New York Times au moins un haut responsable militaire russe –, « beaucoup de gens font l’hypothèse que c’est terminé (ou pas), [mais] nous ne savons pas non plus », a dit le chancelier allemand Olaf Scholz.

Il juge cependant que Vladimir Poutine, qui a affirmé mercredi n’avoir « pas douté » du soutien des Russes, sort « affaibli » de la crise.

De Kyiv, où il se trouvait mercredi avec son homologue lituanien, le président polonais Andrzej Duda s’est lui inquiété du transfert, selon lui, en Biélorussie de 8000 combattants du groupe Wagner.

« Difficile pour nous d’exclure que la présence du groupe Wagner en Biélorussie puisse constituer une menace », a-t-il déclaré.

Il a été rejoint par le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, qui a mis en garde contre toute « menace » qu’engendrerait la présence de Wagner en Biélorussie, frontalier avec la Pologne, la Lituanie et la Lettonie, trois pays membres de l’Alliance.

Aux termes d’une négociation menée samedi par le président de la Biélorussie Alexandre Loukachenko, ce pays a proposé d’accueillir le patron de Wagner Evguéni Prigojine ainsi que des membres du groupe paramilitaire impliqués dans la rébellion.

M. Loukachenko a annoncé que le tempétueux patron de Wagner, qui s’était volatilisé depuis l’annonce de la fin de sa rébellion samedi soir, après 24 heures de chaos qui avaient vu ses hommes s’emparer de bases militaires et marcher sur Moscou avant de faire soudain volte-face, était arrivé mardi dans la république.