(Nanterre) La France a passé une nouvelle nuit dans le chaos des violences urbaines de jeudi à vendredi, la troisième de suite après la mort d’un adolescent près de Paris, tué par un policier mis en examen et écroué depuis pour homicide volontaire.

Ce qu’il faut savoir

  • Un adolescent de 17 ans, Nahel, a été tué par un policier mardi lors d’un contrôle routier à Nanterre ;
  • Les circonstances de sa mort ont suscité émotion et colère à Nanterre, qui a vécu sa deuxième nuit d’émeutes. Des heurts ont aussi éclaté dans d’autres villes françaises, dont Lyon, Toulouse et Brest ;
  • Le président français, Emmanuel Macron, a jugé mercredi « inexplicable » et « inexcusable » la mort de Nahel, mais a condamné jeudi les émeutes ;
  • La marche en hommage au jeune homme a eu lieu jeudi après-midi à Nanterre ;
  • Le policier auteur du tir fatal a été inculpé pour homicide volontaire ;
  • Le policier a présenté ses excuses à la famille de Nahel pendant sa garde à vue, selon son avocat.

Nahel, 17 ans, a été tué par un tir au thorax lors d’un contrôle routier mené par deux motards de la police, après un refus d’obtempérer à Nanterre, à l’ouest de Paris. En France, l’âge minimum pour conduire légalement est de 18 ans.

Selon une vidéo authentifiée par l’AFP, un des deux policiers le tenait en joue, puis a tiré à bout portant.

La mort de l’adolescent avait déjà entraîné deux nuits de violences en France, notamment en région parisienne, et le scénario s’est répété dans la nuit de jeudi à vendredi, malgré une marche blanche en journée que les autorités espéraient annonciatrice d’apaisement.

Vers 3 h (1 h), au moins 421 personnes avaient été interpellées au niveau national, selon l’entourage du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, « l’essentiel » étant âgé de 14 à 18 ans.

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La police française se met en position pendant les affrontements avec les manifestants, à Nanterre.

La mère de la victime, sur une camionnette, portant un tee-shirt « Justice pour Nahel », avait ouvert la procession partie de Nanterre, qui a réuni 6200 personnes, selon une source policière. Elles se sont rendues sur les lieux du drame pour y observer une minute de silence.

Mais la manifestation s’est terminée dans la confusion, avec des heurts, des tirs de gaz lacrymogène et de fusées d’artifice, quelques feux et du mobilier urbain détruit. Au moins une banque a été saccagée et nombre de voitures ont été incendiées, selon l’AFP.

Risque de « généralisation »

Selon une note des renseignements citée par une source policière, les violences pourraient se « généraliser » au cours des « prochaines nuits », marquées par « des actions ciblées sur les forces de l’ordre et les symboles de l’État ou de la puissance publique ».

À Pau (sud-ouest) notamment, un cocktail Molotov a été jeté sur le commissariat de police, a informé la préfecture du département.

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Des pompiers éteignent un feu à Lille.

À Paris même, les célèbres Halles et la rue de Rivoli qui mène au musée du Louvre ont vu certains de leurs commerces et magasins « vandalisés », « pillés, voire incendiés », a détaillé un haut responsable de la police nationale.

Au moins trois villes proches de la capitale ont décidé d’instaurer un couvre-feu, parfois sur plusieurs jours, sur tout leur territoire ou certains quartiers seulement, pour tous ou pour les mineurs uniquement.

Clamart, près de Paris, et Compiègne, au nord de la capitale, ont ainsi instauré cette mesure de 21 h à 6 h du matin (15 h à 0 h, heure de l’Est).

À Lille (nord), la mairie d’un quartier populaire du sud a été incendiée et une autre, dans l’est de la ville, a été caillassée, selon l’hôtel de ville.

En région parisienne, bus et tramways ont cessé de circuler depuis 21 h (15 h, heure de l’Est) jeudi.

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La mère de la victime, sur une camionnette, portant un tee-shirt « Justice pour Nahel », avait ouvert le défilé, qui a réuni 6200 personnes, selon une source policière.

Gérald Darmanin avait annoncé la mobilisation jeudi soir de 40 000 policiers et gendarmes, dont 5000 à Paris (contre 2000 la nuit précédente).

Selon une source policière, le RAID et le GIGN, unités d’élite d’intervention respectivement de la police et de la gendarmerie, ont été déployés dans de grandes villes du pays telles que Toulouse (sud-ouest), Marseille (sud-est), Lyon (sud-est), Lille (nord) ou Bordeaux (sud-ouest).

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Face au risque de nouveaux troubles, le gouvernement a annoncé qu’il allait mobiliser 40 000 policiers et gendarmes jeudi soir, quadruplant en une journée les effectifs déployés sur le terrain.

Le policier inculpé

Le gouvernement a assuré que le déclenchement de l’état d’urgence, réclamé par certaines voix de la droite politique, n’était « pas une option envisagée aujourd’hui ».

L’affaire a relancé la controverse sur l’action des forces de l’ordre en France, où un nombre record de 13 décès a été enregistré en 2022 après des refus d’obtempérer.

« Je n’en veux pas à la police, j’en veux à une personne : celui qui a enlevé la vie de mon fils », a déclaré Mounia M., la mère de l’adolescent, dans une interview diffusée jeudi soir sur la chaîne de télévision France 5.

« Le parquet considère que les conditions légales d’usage de l’arme » par le policier auteur du tir, âgé de 38 ans, « ne sont pas réunies », a souligné jeudi matin le procureur de la République de Nanterre, Pascal Prache.

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Depuis la mort de Nahel M., 17 ans, lors d’un contrôle routier mardi, les tensions parties de la banlieue parisienne se sont étendues à nombre de villes dans la nuit de mercredi et de jeudi.

En garde à vue, « les premiers » et les « derniers mots » du policier auteur du tir ont été des excuses à la famille, a rapporté jeudi son avocat, MLaurent-Franck Liénard, sur la chaîne de télévision française BFMTV, affirmant que son client « n’a pas voulu tuer ».

Le policier a été inculpé pour homicide volontaire et placé en détention provisoire, a ensuite annoncé le parquet.

Le drame à l’origine de l’embrasement s’est produit lors d’un contrôle de police de la voiture conduite par Nahel, connu pour des refus d’obtempérer, les derniers ayant donné lieu à sa présentation au parquet dimanche dernier, en vue d’une convocation en septembre devant un tribunal pour enfants.