(Paris) L’interpellation musclée à Paris du frère d’un jeune homme noir dont la mort en 2016 a été érigée en symbole des violences policières en France a provoqué l’indignation, dimanche, et des appels à manifester dans un pays encore marqué par une récente vague d’émeutes urbaines.

Youssouf Traoré a été interpellé samedi en marge d’une manifestation interdite à laquelle 2000 personnes ont participé pour rendre hommage à la mémoire de son frère Adama, mort peu après son arrestation par des gendarmes en juillet 2016 dans la région parisienne.

Filmée par des témoins, la vidéo de son interpellation le montre résister aux forces de l’ordre avant d’être plaqué au sol par plusieurs policiers. Blessé à un œil, Youssouf Traoré a été hospitalisé.

L’avocat de Youssouf Traoré, MYassine Bouzrou, a annoncé dimanche avoir déposé plainte pour violences volontaires.

Selon une source proche du dossier, Youssouf Traoré a été accusé d’avoir « porté un coup » à une commissaire de police au début du rassemblement, samedi, place de la République.

Les images de son interpellation ont provoqué des condamnations à gauche. « C’est une honte. Il n’y avait aucune raison. Tout se passait très bien », a tweeté la députée écologiste Sandrine Rousseau. « Une persécution en plus pour la famille Traoré », a déploré Eric Coquerel, du parti La France insoumise (LFI, gauche radicale).

PHOTO BERTRAND GUAY, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le député de La France Insoumise Eric Coquerel (à gauche) discute avec Youssouf Traoré devant un commissariat du 1er arrondissement, où il était détenu avec d’autres manifestants.

Sorti de l’hôpital, Youssouf Traoré, 29 ans, est apparu l’œil droit tuméfié et la manche du t-shirt déchirée dans une vidéo publiée dimanche sur Twitter par le compte « La vérité pour Adama », qui affirme qu’il souffre « d’une fracture du nez, d’un traumatisme crânien avec contusion oculaire, de contusions thoraciques, abdominales et lombaires révélatrices ».

L’interpellation réveille « beaucoup de choses »

Une cinquantaine de personnes se sont rassemblées dimanche durant deux heures devant un commissariat parisien pour exiger la libération d’un autre homme, identifié comme Samir, arrêté samedi lors de la manifestation interdite.

L’homme est ressorti libre en fin d’après-midi, a annoncé le Comité Adama à l’AFP. Il a été convoqué à une date ultérieure devant le délégué du procureur pour un avertissement pénal probatoire, a indiqué dans la soirée le parquet de Paris.

Quant à Youssouf Traoré, « l’enquête se poursuit », a déclaré le parquet. Il est apparu après sa remise en liberté au rassemblement de soutien à l’autre homme interpellé, a constaté l’AFP.

« C’est une injustice que j’ai subie », a estimé M. Traoré, affirmant avoir reçu un « uppercut bien voulu ». « Ils [les policiers] n’ont pas à faire ça », a-t-il ajouté.

PHOTO BERTRAND GUAY, AGENCE FRANCE-PRESSE

La sœur d’Adama Traoré, Assa, prend la parole en marge d’un rassemblement à la mémoire de son frère sur la place de la République, à Paris, samedi.

Sa sœur a dénoncé un « guet-apens », estimant que les images de l’interpellation avaient « réveillé beaucoup de choses. Mon frère [Adama] est mort exactement de la même façon », a-t-elle dit.

Au sujet de l’accusation de coup porté à la commissaire, Youssouf Traoré a dit n’avoir « rien à [se] reprocher ».

Des journalistes violentés

Un appel à une nouvelle « mobilisation large » contre les violences policières a été lancé pour le 15 juillet à Paris.

Cette nouvelle mise en cause des forces de l’ordre intervient dans un contexte très tendu en France.

Filmée par une passante, la mort du jeune Nahel, 17 ans, tué par un policier lors d’un contrôle routier près de Paris le 27 juin, a provoqué six nuits d’émeutes urbaines sans précédent dans le pays depuis 2005.

Sur les images de l’interpellation de Youssouf Traoré, on voit également une femme se faire violemment projeter au sol par un policier, et des journalistes violentés par les forces de l’ordre.

La présence de députés écologistes et de LFI au rassemblement à la mémoire d’Adama Traoré a provoqué de vives critiques dans les rangs de la droite et de la majorité présidentielle.

« Je suis atterrée de voir des élus de la Nation, arborant l’écharpe tricolore, mutiques et souriants en entendant des manifestants scander ‟tout le monde déteste la police » », a tweeté dimanche la présidente Renaissance de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet.