(Stepanakert) Plusieurs milliers de personnes ont manifesté vendredi à Stepanakert, la principale ville du Nagorny Karabakh, région séparatiste azerbaïdjanaise, en appelant Bakou à rouvrir le seul axe routier la reliant à l’Arménie.

Région majoritairement peuplée d’Arméniens mais reconnue internationalement comme partie de l’Azerbaïdjan, le Nagorny Karabakh est au cœur depuis quatre décennies d’un conflit territorial entre Bakou et Erevan qui a débouché sur deux guerres.

La dernière, en 2020, a vu la défaite des forces arméniennes et des gains de territoire importants pour l’Azerbaïdjan, qui ont repris le contrôle d’une partie de la région et de ses alentours. Depuis, les liaisons entre le Nagorny Karabakh et l’Arménie ne sont possibles que par un axe routier, le corridor de Latchine.

Celui-ci a été fermé mardi par l’Azerbaïdjan, au prétexte d’actes de « contrebande » menés par la branche arménienne de la Croix-Rouge, alors qu’Erevan craint depuis plusieurs mois une grave crise humanitaire au Nagorny Karabakh, du fait de conditions d’accès de plus en plus difficiles depuis l’Arménie.

D’après un correspondant de l’AFP, environ 6000 manifestants se sont réunis vendredi sur la place principale de Stepanekert, chantant des slogans comme « Non au blocus ! » ou « Ouvrez la route de la vie ! ».

Ils se sont dirigés vers le bureau de la Croix-Rouge et le quartier général des forces russes de maintien de la paix déployées dans la région, avant de retourner sur la place principale, promettant des rassemblements permanents jusqu’à la réouverture du corridor.

« Les Casques bleus russes doivent garantir les droits et la survie du peuple de l’Artsakh », a scandé devant la foule le médiateur des droits pour le Nagorny Karabakh, Ghegham Stepanian, en utilisant le nom arménien de la région séparatiste.

« Nous vivons un moment fatidique : les Azerbaïdjanais veulent anéantir le peuple de l’Artsakh, s’emparer de notre patrie », a dit un manifestant, le prêtre Nerses Asraïan.

Selon plusieurs habitants de Stepanakert avec qui l’AFP s’est entretenue cette semaine, des pénuries alimentaires et de graves problèmes d’accès aux services médicaux se font sentir dans cette région montagneuse de 120 000 habitants.

Le ministre azerbaïdjanais des Affaires étrangères, Djeyhoun Baïramov, a lui assuré que les résidants du Nagorny Karabakh pouvaient passer « le poste de contrôle frontalier à des fins médicales avec le soutien du CICR ».

Lors d’une réunion avec le chef de la délégation de la Croix-Rouge en Azerbaïdjan, M. Baïramov a assuré que Bakou avait proposé d’aider à assurer « l’approvisionnement des résidents arméniens » de la région, selon la diplomatie azerbaïdjanaise.

« Blocus »

Vendredi après-midi, la Croix-Rouge a confirmé à l’AFP la reprise des évacuations sanitaires vers l’Arménie, précisant que « 11 patients dans un état grave [avaient] été transportés via le corridor de Latchine ». Mais la crise risque de durer.

Celle-ci a commencé en décembre, quand l’Arménie a alerté la communauté internationale du risque de graves problèmes humanitaires en raison de premières restrictions de circulation.

En avril, l’Azerbaïdjan a ensuite annoncé la création d’un barrage routier à l’entrée du corridor, pour des raisons sécuritaires, alors que des incidents armés entre forces arméniennes et azerbaïdjanaises se produisent encore régulièrement.

L’Azerbaïdjan a finalement dit avoir dû suspendre mardi la circulation à cause de « multiples tentatives de contrebande » par des véhicules appartenant à la branche arménienne de la Croix-Rouge, ce que le CICR a réfuté.

Le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a annoncé jeudi qu’il participerait samedi à Bruxelles à des négociations avec le président azerbaïdjanais Ilham Aliev sous l’égide de l’UE, tout en dénonçant un « blocus » illégal du Nagorny Karabakh.

L’implication dans la région des pays occidentaux, notamment de l’Union européenne, est croissante alors que le traditionnel gendarme du Caucase, la Russie, embourbée dans son invasion de l’Ukraine, semble perdre en moyens d’action.

A l’automne 2020, Moscou avait parrainé l’accord de cessez-le-feu à l’issue d’une guerre de six semaines qui avait vu la défaite des forces arméniennes, contraintes de céder des territoires qu’elles contrôlaient depuis des décennies.

La Russie s’était engagée à déployer des soldats pour garantir la libre circulation entre l’Arménie et le Karabakh, mais Erevan accuse Moscou d’échouer dans cette tâche.