(Calais) Nouveau drame dans la Manche : six Afghans sont morts samedi dans le naufrage d’une embarcation d’une soixantaine de migrants tentant de gagner l’Angleterre, et un à deux passagers étaient toujours portés disparus dans l’après-midi, moins de deux ans après le naufrage le plus meurtrier survenu dans la zone.  

Les six personnes décédées sont des hommes afghans, âgés d’une trentaine d’années, a précisé le procureur adjoint de Boulogne-sur-Mer, Philippe Sabatier. Les passagers étaient « presque tous des Afghans, avec quelques Soudanais », et comptaient « quelques mineurs », a-t-il ajouté.

Au total, 58 à 59 rescapés ont été secourus, 36 côté français et 22 à 23 par les gardes-côtes britanniques, a détaillé la préfecture maritime de la Manche et la Mer du Nord (Premar) dans un nouveau bilan à 16 h locales.  

« Deux personnes maximum pourraient être encore portées disparues et sont donc actuellement toujours recherchées en mer », avec côté français deux navires, un hélicoptère et un avion mobilisés. Dans un premier temps, le parquet avait fait état de cinq à dix disparus.  

Sept blessés légers débarqués à Calais (nord de la France) ont été conduits à l’hôpital, les autres étant auditionnés par la police.

PHOTO PASCAL ROSSIGNOL, REUTERS

Le bateau Notre-Dame du Risban rentre au port de Calais après les recherches.

Une des victimes avait été évacuée dans la matinée par hélicoptère à l’hôpital de Calais, les cinq autres prises en charge par le canot Notre-Dame du Risban de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM).  

Canot gonflable

« Mes pensées vont aux victimes », a réagi la première ministre française Elisabeth Borne sur X (ex-Twitter), saluant « l’engagement des équipes de secours mobilisées autour de la @MarineNationale ».  

Le secrétaire d’État français à la Mer Hervé Berville était attendu sur le port de Calais dans l’après-midi. Il se rendra ensuite au Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage Maritime (CROSS) Gris Nez, épicentre des opérations de sauvetage dans la zone.

« Mes pensées et prières vont à ceux affectés par cette tragique perte », a aussi réagi la ministre britannique de l’Intérieur, Suella Braverman. Deux navires britanniques ont participé aux secours.

PHOTO BERNARD BARRON, AGENCE FRANCE-PRESSE

Un navire français ayant participé aux recherches

L’embarcation a fait naufrage au large de Sangatte, dans le Pas-de-Calais, « autour de 2 h », selon le parquet, par mer calme. Signalée à l’arrêt « en fin de nuit », par un navire de commerce, elle a été localisée en train de couler « en tout début de matinée » par le patrouilleur de service public Cormoran, a détaillé la Premar.  

Le bateau, « vraisemblablement un canot gonflable inadapté » au nombre de passagers, sera expertisé, selon M. Sabatier.  

Pompiers et policiers se sont mobilisés tôt le matin sur le port de Calais, où des fourgons mortuaires sont arrivés après l’accostage du Cormoran et du canot de la SNSM, a constaté un journaliste de l’AFP. Les rescapés ont été conduits en car vers une salle préfectorale d’accueil d’urgence.  

Multiplication des tentatives

Un porte-parole de l’association Utopia56 de soutien aux migrants a pointé « la répression » mise en place contre ce trafic migratoire, qui « augmente la dangerosité des traversées et pousse les gens à prendre de plus en plus de risques ».  

Les autorités estiment à un millier les migrants actuellement sur le littoral Nord de la France dans l’attente d’un passage, selon une source proche du dossier.  

Depuis mercredi soir, les tentatives de traversées s’étaient multipliées, à la faveur du retour du beau temps. Le ministère britannique de l’Intérieur a recensé jeudi 755 arrivées, un record journalier depuis le début de l’année.  

D’après un décompte effectué par l’AFP, plus de 100 000 migrants ont traversé la Manche depuis le développement du phénomène des « small boats », en 2018, en réponse au verrouillage du port de Calais et du tunnel sous la Manche.  

En 2022, année record, 45 000 personnes ont réussi la traversée, malgré les périls encourus dans le détroit du Pas-de-Calais, un des plus fréquentés au monde, et la mort en novembre 2021 d’au moins 27 migrants, âgés de 7 à 46 ans, dans le naufrage le plus meurtrier recensé dans la zone.  

En 2022, cinq migrants sont encore morts en mer et quatre portés disparus.  

Dans le cadre de l’information judiciaire ouverte sur le naufrage de 2021, onze passeurs présumés et sept militaires – cinq du Cross Gris Nez et deux membres d’équipage du patrouilleur « Le Flamant » – sont inculpés.

Le drame avait fait monter la tension entre Paris et Londres, qui ont depuis convenus de renforcer leur lutte contre ce trafic migratoire, face auquel le gouvernement britannique a aussi redoublé de fermeté.