(Stockholm) Un Russo-suédois de 60 ans va comparaître devant un tribunal en Suède pour espionnage au profit de la Russie, soupçonné d’avoir transmis pendant près de dix ans des informations et technologies occidentales aux services de renseignement militaire russe.

Sergueï Skvortsov, âgé de 60 ans, est accusé d’avoir mené des « activités de renseignement illégal » au détriment de la Suède et des États-Unis pendant une dizaine d’années jusqu’à son arrestation en novembre 2022, selon l’acte d’accusation du procureur Henrik Olin dévoilé lundi.

« Il faisait courir un risque grave aux intérêts nationaux en matière de sécurité, tant en Suède qu’aux États-Unis », a dit le procureur à l’AFP.

« Il suffit de regarder le champ de bataille en Ukraine pour voir que le complexe militaro-industriel russe a besoin de cela », ajoute-t-il.

Le ministre de la Justice suédois, Gunnar Strommer, a jugé « extrêmement graves » les charges retenues contre le suspect.

PHOTO TT NEWS AGENCY VIA ARCHIVES REUTERS

Le ministre de la Justice suédois, Gunnar Strommer

M. Skvortsov, placé en détention depuis son arrestation, est soupçonné d’avoir fourni des informations et technologies occidentales à la Russie, et d’avoir des liens avec le renseignement militaire russe (GRU).

Le procureur l’accuse d’avoir organisé « l’acquisition d’informations et l’acquisition effective de divers produits que l’État russe et les forces de défense ne pouvaient pas acquérir sur le marché libre en raison des règles et sanctions en matière d’exportation ».

Il aurait espionné les États-Unis depuis le 1er janvier 2013 et la Suède depuis le 1er juillet 2014, jusqu’à son arrestation.

Il est accusé d’avoir « organisé l’achat et le transport des biens tout en dissimulant l’identité de l’utilisateur final ».

En 2016, la justice américaine a arrêté et jugé, essentiellement à New York, des personnes ayant fourni au système militaire russe des appareils électroniques, a assuré le procureur à l’AFP.

« L’analyse des autorités américaines est que l’accusé a pris la suite de ces personnes », a ajouté M. Olin.

Hélicoptères et commando

Sergueï Skvortsov, détenteur de la double nationalité russe et suédoise, risque jusqu’à quatre ans de prison. Il dément les faits. Son avocate, Ulrika Borg, a indiqué à l’AFP ne pas être autorisée à commenter l’acte d’accusation.

« Mon client s’en tient à ce qu’il a dit tout au long de l’enquête, il dément tout acte criminel », a-t-elle dit.  

Son procès se tiendra du 4 au 25 septembre, selon le tribunal de Stockholm compétent. Il se déroulera en partie à huis clos pour des motifs de défense de la sécurité nationale.

Sa femme avait également été arrêtée lors de l’opération menée par une unité spéciale de la police suédoise avec deux hélicoptères dans une banlieue aisée de Stockholm, Nacka, au petit matin du 22 novembre 2022.

PHOTO FREDRIK SANDBERG, TT NEWS AGENCY VIA ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Elle a depuis été remise en liberté et n’est plus poursuivie par la justice.

Le couple s’était installé en Suède dans les années 90 et est soupçonné d’avoir dirigé des sociétés d’import/export de composants électroniques.

Les enquêteurs suédois ont saisi au domicile de l’accusé des ordinateurs, disques durs, clés USB et téléphones mobiles, recensés parmi les 81 pièces à conviction dévoilées dans l’acte d’accusation.

« Hystérie antirusse »

La police fédérale américaine (FBI) a aidé les autorités suédoises dans cette enquête.

Juste après l’arrestation du couple en 2022, le ministère russe des Affaires étrangères avait estimé qu’il s’agissait d’un nouvel acte « d’hystérie antirusse de la part de l’occident ».

Cette mise en accusation survient peu après la conclusion d’une autre spectaculaire affaire d’espionnage au profit de la Russie.

La justice suédoise a condamné en janvier à la prison à perpétuité un ex-agent du renseignement suédois, reconnu avec son frère coupables d’« espionnage aggravé ».

Peyman Kia, 42 ans, était jugé pour avoir collecté des informations sensibles que son frère cadet a ensuite transmises au GRU, entre 2011 et 2021.

Il a été condamné à la perpétuité et son frère a écopé de neuf ans et dix mois de prison ferme.

L’affaire a été décrite comme le plus grand scandale d’espionnage de l’histoire récente de la Suède, signe d’une infiltration de l’espionnage russe au cœur du renseignement suédois.