(Kyiv) Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a annoncé dimanche soir le remplacement de son ministre de la Défense Oleksiï Reznikov, et sur le terrain des drones russes ont frappé dans la nuit de samedi à dimanche des sites industriels sur le Danube, près de la Roumanie, un pays membre de l’OTAN, qui a dénoncé une attaque « injustifiée ».

En pleine contre-offensive ukrainienne et alors que M. Zelensky a promis de renforcer la lutte contre la corruption, mal endémique en Ukraine, le président a expliqué dans son message quotidien que « Oleksiï Reznikov a traversé plus de 550 jours de guerre ».

« Je crois que le ministère a besoin de nouvelles approches et de nouveaux modes d’interaction avec l’armée autant qu’avec la société civile au sens large », a-t-il déclaré.

Nommé ministre de la Défense trois mois avant l’invasion russe le 24 février 2022, Oleksiï Reznikov est devenu le visage de l’effort de guerre ukrainien, œuvrant notamment à convaincre les alliés occidentaux d’équiper son armée en chars lourds, obusiers ou encore systèmes de défense aérienne Patriot.

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Le ministre de la Défense Oleksiï Reznikov

Mais son ministère était cité dans au moins deux scandales de corruption.

M. Zelensky a proposé de le remplacer par Roustem Oumerov, Tatar de Crimée, chef du Fonds des biens d’État d’Ukraine.

Lisez « Qui est Roustem Oumerov, futur ministre ukrainien de la Défense ? »

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Roustem Oumerov

Des drones ukrainiens abattus

Moscou a affirmé avoir abattu lundi un drone ukrainien au large de la péninsule annexée de Crimée, ainsi qu’un second appareil dans la région russe de Koursk, frontalière de l’Ukraine.

Lundi vers 1 h locales (dimanche vers 18 h heure de l’Est), « des véhicules aériens ukrainiens sans pilote ont été détruits dans les airs au-dessus de la mer Noire près de la péninsule de Crimée et au-dessus du territoire de la région de Koursk par les systèmes de la défense aérienne en service », a communiqué le ministère russe de la Défense sur Telegram, qui a dénombré deux engins au total.

Les attaques de drones contre le territoire russe et la péninsule de Crimée, annexée par Moscou en 2014, se sont multipliées ces dernières semaines.

Kyiv, qui a entamé début juin une contre-offensive pour reprendre les territoires conquis par la Russie, a fait part à plusieurs reprises de son intention de récupérer la Crimée.

Moscou avait notamment affirmé avoir abattu en mer Noire tôt samedi trois drones navals ukrainiens qui ciblaient le pont de Crimée, ouvrage stratégique dans le détroit de Kertch déjà visé durant l’été.

Quant à la région de Koursk, le gouverneur Roman Starovoyt avait fait savoir vendredi que « deux drones ukrainiens » avaient ciblé la ville de Kourtchatov, endommageant un bâtiment administratif et un immeuble résidentiel.

Colère de la Roumanie et de la Moldavie

Dans la nuit de samedi à dimanche, des drones russes dont frappé des sites industriels sur le Danube, dans la région du sud-ouest de l’Ukraine frontalière de la Roumanie.

Depuis la suspension en juillet de l’accord qui permettait à l’Ukraine d’exporter ses céréales via la mer Noire, la Russie multiplie les bombardements dans cette partie du territoire ukrainien où se trouvent des ports et autres infrastructures capitales pour ce commerce.

Selon le procureur, les forces ukrainiennes ont toutefois réussi à abattre 22 des 25 drones impliqués.

L’armée russe a de son côté dit avoir effectué un raid à l’aide de ces engins sans pilote contre le port de Reni, situé dans la région d’Odessa.

« Cette nuit, les forces aériennes russes ont mené une frappe groupée avec des drones sur des dépôts de carburant utilisés pour ravitailler les équipements militaires de l’armée ukrainienne dans le port de Reni », a déclaré le ministère russe de la Défense, assurant que l’objectif visé avait été « atteint » et toutes les cibles touchées.  

Dans un communiqué, le ministère roumain de la Défense a « réaffirmé avec la plus grande fermeté que ces attaques contre des cibles et des infrastructures civiles en Ukraine étaient injustifiées et en profonde contradiction avec les règles du droit humanitaire international ».  

« À aucun moment », les attaques russes « n’ont généré de menaces militaires directes pour le territoire national ou les eaux territoriales de la Roumanie », a-t-il toutefois précisé, sachant que si un pays membre de l’OTAN était visé, cela pourrait provoquer un emballement du conflit.

La Moldavie, qui n’appartient pas à l’Alliance Atlantique, a pour sa part dénoncé une opération russe « brutale ».  

« La Russie doit être tenue pour responsable de chaque élément d’infrastructures détruit », a estimé la présidente moldave Maia Sandu, qui souhaite ardemment une entrée de son pays dans l’Union européenne.

Volodymyr Zelensky a déclaré dimanche s’être entretenu avec son homologue français Emmanuel Macron des « moyens d’assurer le fonctionnement » du couloir établi par Kyiv en mer Noire afin d’assurer la sécurité de la navigation après le retrait de Moscou de l’accord sur les exportations de céréales et de « renforcer la sécurité de la région d’Odessa ».

Cette conversation téléphonique est intervenue à la veille d’un sommet en Russie entre Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan, le chef de l’État turc, qui souhaite relancer l’accord sur les céréales.

M. Erdogan doit en effet rencontrer le président russe lundi à Sotchi, une station balnéaire située dans le sud-ouest de la Russie, sur la mer Noire.

Cette semaine, l’Ukraine a déclaré que quatre cargos supplémentaires avaient emprunté son couloir maritime, mis en place de façon provisoire le mois dernier.

Percée annoncée

Chargé de la contre-offensive dans le sud de l’Ukraine, le général Oleksandr Tarnavskiy a quant à lui assuré que l’armée ukrainienne y avait réalisé une importante percée.

« Nous sommes à présent entre les première et deuxième lignes de défense » russes, a-t-il dit dans un entretien publié ce week-end par le quotidien britannique The Guardian.

Quelques jours auparavant, Kyiv avait revendiqué une victoire symbolique avec la reprise du village de Robotyne, dans la partie méridionale de l’Ukraine.

« Nous sommes maintenant en train de finir de détruire les unités ennemies chargées de protéger les troupes russes quand elles se retirent derrière leur deuxième ligne de défense », a assuré le général Tarnavskiy, dont les soldats avaient libéré l’an dernier la ville de Kherson, également dans le sud.  

Revenant sur le scepticisme entourant la contre-offensive de Kyiv, dont certains dénoncent la lenteur, cet officier a expliqué que l’armée ukrainienne avait été retardée parce qu’elle avait « passé plus de temps que prévu à déminer les territoires » occupés par les Russes.

Il s’est toutefois montré confiant pour l’avenir. « L’ennemi puise dans ses réserves, pas seulement en Ukraine mais aussi en Russie. Tôt ou tard, les Russes seront à court de leurs meilleurs soldats. Cela nous donnera une opportunité de les attaquer davantage et plus vite », a-t-il ajouté. « Tout est à venir ».