(Bruxelles) Salah Abdeslam a demandé lundi à la justice belge de lui permettre de ne pas retourner en détention en France, dans une procédure venue brièvement court-circuiter la dernière ligne droite du procès des attentats djihadistes de 2016 à Bruxelles.

Seul membre encore en vie des commandos qui ont attaqué Paris le 13 novembre 2015 (130 morts), Salah Abdeslam a été condamné à la perpétuité incompressible, la peine la plus lourde du Code pénal français. Dans le procès des attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles (35 morts), il encourt une nouvelle peine de prison à vie.  

« Mon avenir c’est en Belgique […] m’envoyer en France, c’est m’envoyer à la mort », a plaidé le djihadiste de 33 ans, qui a la nationalité française mais qui est né en Belgique et y a toutes ses attaches familiales.

Il s’exprimait devant une juge des référés du tribunal civil de Bruxelles, à laquelle était soumise une requête de ses avocats pour « interdire à l’État belge de le transférer vers la France ».

Cette procédure a suspendu le temps d’un après-midi le procès des attentats de Bruxelles qui avait repris le matin même avec les premières réquisitions du parquet sur les peines.

Salah Abdeslam a effectué depuis son arrestation en mars 2016 la plus grande partie de sa détention en France. En juillet 2022, quelques semaines après la fin du procès-fleuve pour le 13-Novembre, il a fait l’objet d’« une remise temporaire » aux autorités belges, le temps de mener cette fois le procès des attentats de Bruxelles, perpétrés par la même cellule djihadiste.

Selon une source judiciaire française, l’accord bilatéral conclu pour cette remise prévoit un retour en France « au plus tard le 30 septembre 2023 ».

Mais Abdeslam refuse cette perspective.

Pendant plus de deux heures lundi après-midi, cinq avocats se sont relayés devant la juge des référés pour fustiger à la fois ses conditions d’incarcération en France et l’absence de toute perspective de réinsertion en raison de la peine de perpétuité incompressible infligée pour le 13 novembre.

« Une peine d’élimination ! », a protesté Me Olivia Ronen, reprenant des arguments déjà développés au procès parisien.

De son côté, l’avocat de l’État belge, Bernard Renson, a dénoncé une procédure n’ayant « aucune raison d’être ».

L’an dernier Abdeslam ne s’était pas opposé au caractère temporaire de sa remise à la Belgique. Et en 2016, après son arrestation à Bruxelles, il avait consenti à son extradition en France dans le cadre de l’enquête parisienne, a aussi rappelé Me Renson.

Pour l’avocat, ce contentieux sur le lieu d’exécution de la peine française doit être tranché en France et non en Belgique.

Après les plaidoiries, la juge des référés a indiqué qu’elle rendrait sa décision dans le délai légal d’un mois, « probablement bien avant ».

Au procès des attentats de Bruxelles, Abdeslam encourt avec cinq autres accusés – dont son ami d’enfance Mohamed Abrini – une peine de réclusion à perpétuité. Il doit être fixé mardi sur les intentions du parquet.

Procès hors normes

Fin juillet, la cour d’assises a jugé que ces six hommes étaient coauteurs des attentats-suicides de l’aéroport de Zaventem et du métro Maelbeek, les condamnant pour « assassinats dans un contexte terroriste », l’infraction la plus grave.

Parmi les dix accusés au total, deux ont été acquittés. Deux autres ont été déclarés coupables de « participation aux activités d’un groupe terroriste », risquant un maximum de dix ans de prison.

À l’encontre de l’un d’eux, le Tunisien Sofien Ayari, déjà condamné à Paris pour le 13 novembre et à Bruxelles pour une fusillade avec la police le 15 mars 2016, aucune peine n’a été réclamée lundi.

Dans ce procès hors normes, entamé en décembre 2022, Salah Abdeslam a affirmé qu’il voulait « partir en Syrie » pour poursuivre le djihad après les attaques de Paris.

Mais le jury populaire n’a pas été convaincu par sa défense.

Il a estimé qu’Abdeslam avait apporté « une aide indispensable » aux attaques du 22 mars, revendiquées comme celles de Paris par l’organisation État islamique.

Le djihadiste français ne s’est « jamais désolidarisé » du groupe replié à Bruxelles après le 13 novembre, et comme en témoignent certains écrits, « a choisi de rester en Europe pour “finir le travail” », a relevé la cour dans son arrêt fin juillet.