(Nations unies) L’opposante biélorusse en exil Svetlana Tikhanovskaïa a exhorté mardi les dirigeants à ne pas oublier son pays, redoutant que la Biélorussie, isolée diplomatiquement, ne devienne un « lot de consolation » pour le président russe Vladimir Poutine dans le contexte de la guerre en Ukraine.

« Je demande à nos partenaires et alliés de maintenir la Biélorussie à l’ordre du jour », a-t-elle déclaré dans un entretien à l’AFP en marge de l’Assemblée générale des Nations unies à New York.  

« Il est crucial que la Biélorussie soit objet de discussions et que, dans notre région, il ne soit pas laissé au [président russe Vladimir] Poutine comme lot de consolation », a-t-elle ajouté.  

Âgée, de 41 ans, Svetlana Tikhanovskaïa, qui a revendiqué la victoire contre le leader biélorusse Alexandre Loukachenko aux élections présidentielles de 2020, vit en exil en Lituanie depuis que les autorités ont déclenché une violente répression contre les manifestants contestant les résultats du vote.

M. Loukachenko a joué un rôle considérable dans l’effort de guerre de la Russie en Ukraine, permettant à Moscou de lancer des attaques depuis son territoire, abritant des armes nucléaires russes et des membres du groupe paramilitaire russe Wagner.

Prisonniers politiques

« C’est aussi une menace pour la sécurité régionale, une menace pour nos voisins avec le déploiement d’armes nucléaires, le déploiement de forces militaires russes dans notre pays », a déclaré Svetlana Tikhanovskaïa.  

« Sans une Biélorussie démocratique et libre, il n’y aura ni paix ni sécurité dans toute la région », a-t-elle lancé, soulignant que les Biélorusses étaient « importants ».

Elle a aussi appelé la Cour internationale de Justice à ouvrir une enquête sur les violations des droits de la personne commises par Loukachenko et ses alliés et exhorté à un rôle plus actif des organisations humanitaires internationales en Biélorussie, qui souffre, selon elle, d’une épidémie de détentions pour des motifs politiques.  

« Il y a de nombreux prisonniers politiques qui sont dans un très mauvais état physique, atteints de cancer, de crises cardiaques, de diabète », et qui se voient refuser des soins, a-t-elle poursuivi.

« La Croix-Rouge […] doit demander tous les jours pour avoir accès à tous les prisonniers. Nous devons agir de manière plus efficace », a-t-elle souligné.

Un certain nombre de leaders d’opposition sont retenus en prison, dont le mari de Tikhanovskaïa, Sergeï, dont elle n’a plus de nouvelles depuis six mois.  

L’opposante s’efforce de rester forte même si la souffrance endurée par ses enfants rend la situation particulièrement éprouvante.

« Je pleure sur mon oreiller »

« J’ai bien sûr conscience de la situation », confie-t-elle. « Je pleure sur mon oreiller, mais personne n’en sera témoin ».

« En revanche, voir mes enfants dans la souffrance tous les jours, les voir écrire des lettres à leur papa et ne recevoir aucune réponse en retour » est difficile à vivre, dit-elle.

Et d’ajouter : « je sais que je dois travailler dur jour après jour… car sans ce travail, sans persévérance, nos êtres aimés, nos amis, nos proches, ne seront pas libérés ».

Plus tôt ce mois-ci, les autorités biélorusses ont annoncé que leurs ambassades à l’étranger cesseraient de délivrer des passeports, un coup dur pour des milliers de Biélorusses opposants vivant en exil et qui a été dénoncée par l’ONU.  

« Cette décision est une vengeance [contre] tous ces gens qui ont fui à cause des oppressions », a déploré l’opposante.  

Mais son équipe ne baisse pas les bras et travaille à la délivrance de papiers d’identité spéciaux pour ses compatriotes vivant à l’étranger, qui, espère-t-elle, seront reconnus par les gouvernements européens comme documents de voyage valides. « J’espère bien sûr qu’un jour ce seront les passeports de tous les Biélorusses », a-t-elle déclaré.