(Moscou) Kyiv a revendiqué vendredi une « frappe réussie » sur le siège de la flotte russe de la mer Noire, en Crimée annexée, qui a fait au moins un disparu, au moment où l’Ukraine s’efforce de porter le combat jusque dans cette péninsule stratégique.

Ce qu’il faut savoir

  • La flotte russe de la mer Noire est basée dans le port de Sébastopol. Une frappe ukrainienne a eu lieu sur le quartier général.
  • L’armée ukrainienne tente des percées dans l’Est occupé ;
  • Le Kremlin a estimé qu’une augmentation des tensions entre l’Ukraine et ses alliés européens était « inévitable », en réagissant à la vive dispute en cours entre Kyiv et la Pologne concernant les exportations ukrainiennes de céréales ;
  • La Russie a recommencé sa « terreur énergétique » en attaquant des infrastructures essentielles en Ukraine à l’approche de l’hiver, a dénoncé le premier ministre ukrainien Denys Chmygal.
  • Un navire chargé de blé a quitté un port ukrainien à destination de l’Égypte, ont annoncé les autorités ukrainiennes, soulignant que c’est la deuxième fois cette semaine qu’un bateau emprunte un corridor maritime mis en place par Kyiv pour contourner blocus et menaces russes.

Cette région ukrainienne annexée par Moscou en 2014 et la ville de Sébastopol, où se situe le quartier général de la marine visé, sont au cœur du dispositif militaire russe pour son invasion de l’Ukraine, à la fois pour approvisionner les troupes occupant le Sud ukrainien et pour mener des frappes de missiles depuis la mer.

« L’ennemi a mené une attaque de missile contre le quartier général de la flotte », a écrit sur Telegram le gouverneur de Sébastopol, Mikhaïl Razvojaïev.

Le ministère russe de la Défense, qui avait dans un premier temps annoncé la mort d’un militaire, a ensuite précisé que celui-ci était porté disparu.

L’armée ukrainienne s’est félicitée de cette « frappe réussie contre le quartier général du commandement de la flotte russe de la mer Noire dans la ville temporairement occupée de Sébastopol ».

L’étendue exacte des dégâts n’est pas encore connue, mais les autorités russes ont admis que le bâtiment était « endommagé ».

Le gouverneur Razvojaïev a affirmé en début d’après-midi qu’il était en flammes et que la « lutte contre l’incendie » se poursuivait.

L’onde de choc a également brisé les vitres de dix immeubles résidentiels du centre-ville, mais « personne n’a été blessé », a-t-il ajouté plus tard.

Autour du siège, des débris étaient visibles sur plusieurs centaines de mètres et de nombreuses ambulances étaient présentes, d’après l’agence russe TASS.

Cinq missiles ont par ailleurs été abattus au-dessus de la Crimée, selon l’armée russe.

Perturber la logistique

Oleg Krioutchko, un conseiller du dirigeant installé par la Russie dans la péninsule, a également annoncé quelques heures après la frappe que la Crimée était touchée par une cyberattaque « sans précédent » contre les fournisseurs d’accès à l’internet, qui a provoqué des coupures.

Mais il n’a pas indiqué si cette attaque informatique était directement liée aux frappes.

L’Ukraine a multiplié ces dernières semaines les frappes de drones et de missiles en Crimée, revendiquant la destruction notamment de systèmes de défense antiaérienne, d’un chantier naval et de deux navires s’y trouvant.

Les forces armées ukrainiennes veulent à la fois perturber la chaîne logistique russe et mettre fin à la mainmise militaire de la Russie sur la mer Noire.

Ces réussites témoignent des difficultés de la défense antiaérienne russe, alors que l’Ukraine, en pleine contre-offensive pour libérer ses territoires, essaye de désorganiser la défense russe en attaquant ses voies d’approvisionnement et centres de commandement loin derrière la ligne de front.

Plus tôt vendredi, les autorités russes avaient annoncé sans explication que tout le transport maritime passager était suspendu sine die, et ce jusqu’à nouvel ordre, depuis Sébastopol.

Le ministère russe de la Défense avait ensuite assuré avoir déjoué une attaque ukrainienne en détruisant un missile guidé et deux drones visant la Crimée.

Le quartier général de la flotte russe de la mer Noire avait déjà été la cible d’une attaque au drone en août 2022, qui avait fait six blessés.

Pression sur le front est

Les autorités d’occupation russe à Donetsk ont également déclaré vendredi que l’Ukraine avait mené la veille de multiples assauts dans la région, augmentant la pression sur le front est.

Le chef de l’occupation russe de la région de Donetsk, Denis Pouchiline, a estimé que la situation à Bakhmout, ville dévastée par un an de combats et cible d’une contre-offensive ukrainienne, restait « brûlante », la zone étant soumise à des « bombardements chaotiques ».

L’armée ukrainienne a repris ces derniers jours deux localités — Andriïvka et Klichtchiïvka — et dit même avoir « percé » la ligne de défense russe dans ce secteur.

PHOTO SERGEI SUPINSKY, AGENCE FRANCE-PRESSE

Un expert de la police examine les dégâts causés dans une zone industrielle de Kyiv après une attaque massive de missiles contre l’Ukraine, le 21 septembre.

Dans le reste de l’Ukraine, un tir de roquettes sur la ville de Krementchouk, dans le centre du pays, a fait un mort et 15 blessés, dont un enfant, a annoncé le gouverneur de la région sur Telegram.

« L’ennemi a tiré des roquettes sur Krementchouk. Une roquette a été abattue par les forces de défense aérienne. Malheureusement, des infrastructures civiles ont été touchées », a indiqué Dmytro Lounine, gouverneur de la région de Poltava.

Pendant ce temps, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a continué vendredi au Canada sa tournée nord-américaine. Il y a rencontré le premier ministre canadien Justin Trudeau et demandé à ce pays qui compte une importante diaspora ukrainienne de rester aux côtés de l’Ukraine « jusqu’à [sa] victoire ».

M. Trudeau a annoncé, à cette occasion, un nouvel ensemble d’aides à l’Ukraine d’un montant de 650 millions de dollars canadiens.

Ces mesures d’aide, sur trois ans, vont inclure la livraison à Kyiv de quelque 50 véhicules blindés et l’entraînement de pilotes ukrainiens aux avions de combat F-16.

Le Kremlin juge « inévitable » la croissance des tensions entre Kyiv et ses alliés européens

Le Kremlin a estimé vendredi qu’une augmentation des tensions entre l’Ukraine et ses alliés européens était « inévitable », en réagissant à la vive dispute en cours entre Kyiv et la Pologne concernant les exportations ukrainiennes de céréales.

« Nous prédisons que ces frictions entre Varsovie et Kyiv vont s’accroître », a déclaré à la presse le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, interrogé sur l’annonce de la Pologne de ne plus livrer d’armes à l’Ukraine.

« Nous comprenons qu’entre Kyiv et d’autres capitales européennes les tensions vont également croître avec le temps, c’est inévitable. Et nous poursuivons pendant ce temps notre “ opération militaire spéciale ” [en Ukraine, NDLR], pour remplir les objectifs que nous nous sommes fixés », a-t-il ajouté.

La Pologne a prolongé la semaine dernière son embargo sur les céréales ukrainiennes pour protéger, selon elle, les intérêts de ses agriculteurs, suscitant une crise ouverte avec Kyiv, pourtant un partenaire proche.

En riposte, l’Ukraine a porté plainte à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) contre la Pologne, la Slovaquie et la Hongrie, qui ont elles aussi maintenu leurs restrictions sur les céréales ukrainiennes, pourtant levées par Bruxelles.

La Pologne a ensuite annoncé qu’elle ne livrerait plus de nouvelles armes à Kyiv, en se contentant d’assurer seulement les livraisons convenues antérieurement et en disant vouloir désormais se concentrer sur la modernisation de son armée.

Varsovie est l’un des principaux alliés de Kyiv dans son conflit armé contre la Russie et l’aide militaire occidentale transite principalement par son territoire.

La Russie a recommencé sa « terreur énergétique » à l’approche de l’hiver, dénonce Kyiv.

La Russie a recommencé sa « terreur énergétique » en attaquant des infrastructures essentielles en Ukraine à l’approche de l’hiver, a dénoncé vendredi le premier ministre ukrainien Denys Chmygal.

« La phase de la terreur énergétique a déjà commencé », a déclaré M. Chmygal lors d’un forum économique à Kyiv, cité par l’agence de presse Interfax-Ukraine.

« Nous le voyons à travers la destruction d’infrastructures » liées à la production et le stockage de combustibles et « des premières frappes » contre des postes électriques « ces deux dernières semaines », a-t-il ajouté.

Le chef du gouvernement a toutefois estimé que l’Ukraine était mieux préparée que l’hiver précédent, quand des frappes de Moscou sur des infrastructures énergétiques plongeaient régulièrement des millions de personnes dans le noir et le froid.

« Nous sommes bien mieux préparés et plus forts qu’on ne l’était l’an dernier » notamment en raison des fournitures de systèmes de défense aérienne occidentales, a-t-il souligné. « L’hiver sera certainement dur, certainement pas plus facile que le précédent » mais « nous savons ce que l’ennemi prépare et quels défis sont devant nous », a ajouté M. Chmygal.

La Russie bombarde quasiment chaque nuit des villes ukrainiennes à l’aide de missiles et drones kamikaze.