(Paris) Elles seraient partout : dans les hôpitaux, les transports en commun, les cinémas… Mais que se passe-t-il en France avec les punaises de lit ? Depuis quelques jours, ces insectes sèment un vent de panique et mettent le gouvernement sous pression.

« Punaises de lit : de vampire en pire ? », « Punaises ! Quelle psychose ! »… De Libération au Parisien, aujourd’hui en France, les nuisibles occupent désormais les gros titres de la presse nationale. Plus alarmiste encore, la chaîne américaine CNN évoque même une « épidémie généralisée de punaises de lit » en France à moins d’un an des Jeux olympiques.

Face à l’angoisse croissante que suscite ce fléau, le gouvernement, interpellé de toutes parts, a programmé une réunion interministérielle sur le sujet vendredi, qui débouchera sur « des décisions et des orientations », a assuré mercredi son porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, soucieux de « répondre à l’angoisse légitime des Français ».

Disparus de la vie quotidienne dans les années 1950, ces insectes qui se nourrissent de sang humain ont fait leur retour voici une trentaine d’années dans les pays développés, à la faveur d’un mode de vie plus nomade, de consommations favorisant l’achat de seconde main et d’une résistance croissante aux insecticides.

Selon les chiffres dévoilés en juillet par les autorités sanitaires françaises, plus d’un foyer sur dix dans le pays a été touché par les punaises de lit ces cinq dernières années.

« Je n’arrête pas de me gratter »

En cette rentrée, elles semblent s’être immiscées dans le quotidien des Français. Dans les discussions en terrasse comme dans le métro parisien, où plus personne ne s’étonne de voir ses voisins inspecter leur siège avant de s’asseoir. « Les punaises vont nous rendre fous, je n’arrête pas de me gratter en ce moment, j’ai l’impression d’en avoir partout », glisse une passagère du métro à son amie qui s’esclaffe.

Au moins deux établissements scolaires infectés dans le sud du pays ont dû fermer temporairement. Dans le nord, un service d’urgence hospitalier a été délocalisé une journée après la découverte de foyers de punaises de lit.

Photos et vidéos amateurs signalant leur présence inondent les réseaux sociaux depuis mi-septembre, mais tous les cas ne sont pas avérés. On y voit des étudiants évacuer un amphithéâtre d’Aix-en-Provence (sud) après une « suspicion », une influenceuse coréenne aux deux millions d’abonnés affichant ses bras couverts de piqûres après avoir pris le métro parisien, des petites bêtes mal identifiées se baladant sur des sièges de trains…

Le groupe ferroviaire SNCF et la régie des transports parisiens (RATP) ont dû à plusieurs reprises faire expertiser leurs rames.

« Ces dernières semaines, une dizaine de cas ont été signalés à la RATP […] tous ont été vérifiés » et il y avait « zéro cas avéré ». À la SNCF, il y a eu « 37 cas » signalés « ces dernières semaines » et, là aussi, « tous vérifiés, zéro avéré », a assuré le ministre délégué aux Transports Clément Beaune.

« Il n’y a pas de recrudescence des cas, pas de psychose, pas d’angoisse à avoir », a-t-il aussi dit.

Entreprises débordées

Contactées par l’AFP, deux sociétés d’intervention contre les nuisibles confirment que les sollicitations ont récemment augmenté en flèche de la part de particuliers comme de professionnels du tourisme, inquiets de cette mauvaise publicité à moins d’un an des Jeux olympiques.

« Plus des trois quarts des appels qu’on reçoit en ce moment concernent les punaises de lit, on sent que les gens paniquent », explique Sylvain, opérateur chez Hygiène Services solutions. En ce moment « les gens nous appellent dès qu’ils se font piquer par un insecte. Or ça peut être n’importe quoi, un moustique ou une araignée… », abonde Sam, chef de secteur à Expert Hygiène.

Si ces nuisibles suscitent une telle inquiétude, « c’est parce que le problème concerne tout le monde, quel que soit l’âge ou le statut social, les riches comme les pauvres », estime Pascal Delaunay, parasitologue et entomologiste médical au CHU de Nice (sud-est). « Certes la punaise de lit n’est pas vectrice de maladies, mais c’est épuisant physiquement et nerveusement ».

Quant à sa prolifération en France, « c’est une réalité devenue difficile à nier. Depuis cinq à sept ans, on assiste à une augmentation exponentielle des foyers d’infestation », poursuit le spécialiste.

Premiers touchés par cette recrudescence, les pays anglo-saxons comme l’Australie, alors qu’elle accueillait les Jeux de Sydney en 2000, et les États-Unis depuis une quinzaine d’années, ont « déployé d’importants efforts pour contenir leur propagation ».

En comparaison, « nous manquons cruellement de données précises sur l’évolution des populations de punaises de lit », selon Pascal Delaunay, qui regrette le retard pris sur le sujet.