(Washington) La journaliste russo-américaine Alsu Kurmasheva a été arrêtée dans la ville russe de Kazan, a annoncé mercredi son employeur Radio Free Europe/Radio Liberty, devenant la deuxième journaliste américaine détenue en Russie en 2023 après le reporter du Wall Street Journal Evan Gershkovich.

Alsu Kurmasheva a été inculpée pour ne pas s’être déclarée « en tant qu’agent de l’étranger », chef d’accusation pour lequel elle encourt jusqu’à cinq ans de prison, précise dans un communiqué ce média privé financé par le Congrès américain.

La journaliste qui habite habituellement à Prague avec son mari et ses enfants, avait dû se rendre en Russie pour une « urgence familiale » le 20 mai, puis avait été arrêtée temporairement le 2 juin en amont de son vol retour à Kazan, explique RFE/RL.

Ses passeports américain et russe confisqués, elle s’est trouvée dans l’incapacité de quitter la Russie, avant que finalement son inculpation soit annoncée mercredi.

Dans un communiqué, le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), basé à New York, indique que Mme Kurmasheva se trouvait mercredi soir dans un centre de détention temporaire, selon des informations de l’agence de presse officielle Tatar-Inform.

Les autorités accusent la journaliste d’avoir « délibérément mené une collecte d’informations militaires sur les activités russes via internet afin de transmettre ces informations à des sources étrangères » en septembre 2022 ainsi que d’avoir « mené des campagnes d’informations discréditant la Russie », précise Tatar-Inform.  

« Journaliste aguerrie »

Le CPJ appelle la Russie à « libérer immédiatement » la journaliste et à « abandonner toutes les poursuites » à son encontre.

« Le journalisme n’est pas un crime, et la détention de Kurmasheva est une nouvelle preuve de la détermination de la Russie à étouffer le journalisme indépendant », déclare l’organisation dans un communiqué.

Selon RFE/RL, Alsu « Kurmasheva est une journaliste aguerrie qui a longtemps couvert les minorités ethniques du Tatarstan et le Bashkortostan, dans la région de la Volga et de l’Oural en Russie ».

« Elle doit être libérée pour qu’elle puisse retourner auprès de sa famille immédiatement », a abondé le président par intérim de RFE/RL, Jeffrey Gedmin.

Un représentant de l’ONG OVD-Info a indiqué au CPJ que Mme Kurmasheva sera « très probablement » transférée prochainement en détention provisoire.

« Elle a été arrêtée simplement parce qu’elle est une employée de Radio Liberty. En fait, aujourd’hui, tout journaliste indépendant en Russie risque la même chose », a affirmé un collègue de Mme Kurmasheva, cité par le CPJ, sous couvert d’anonymat par crainte de représailles.  

Selon le CPJ, sept journalistes de RFE/RL ont vu leur domicile être perquisitionné par la police du Tatarstan en 2022.

Mme Kurmasheva est la seconde journaliste américaine à être arrêtée en Russie en 2023, après Evan Gershkovich.

Ce journaliste au Wall Street Journal avait été arrêté par les services de sécurité russes lors d’un reportage à Ekaterinbourg, dans l’Oural, le 29 mars dernier. Il est depuis détenu dans la prison de Lefortovo à Moscou.

Mme Gershkovich, qui a aussi travaillé pour l’AFP à Moscou par le passé, est accusée d’espionnage, un crime passible de 20 ans de prison, mais il rejette ces accusations, tout comme Washington, son journal, ses proches et sa famille.

La Russie n’a jamais étayé ses accusations ni apporté publiquement d’éléments de preuve, et l’ensemble de la procédure a été classée secrète. Aucune date pour son procès n’a été avancée pour l’heure.

La semaine dernière, un tribunal de Moscou a rejeté l’appel du journaliste, qui contestait la prolongation de sa détention provisoire.

Ces dernières années, plusieurs citoyens américains ont été arrêtés et condamnés à de lourdes peines en Russie, Washington accusant Moscou de vouloir les échanger contre des Russes détenus aux États-Unis.