(Amsterdam) Des centaines de travailleuses du sexe et résidents du nord au sud d’Amsterdam ont manifesté jeudi contre un projet de la mairie de déplacer la prostitution du célèbre Quartier rouge vers un « centre érotique » en banlieue.

La foule a défilé dans les rues en direction de l’hôtel de ville, des dizaines de manifestantes portant un masque pour cacher leur identité, certaines brandissant des panneaux tels que « Sauvez le Quartier rouge » et scandant « ne nous sauvez pas nous, sauvez nos fenêtres ».

La mairie doit définir d’ici la fin de l’année une location pour ce « centre érotique » très controversé, qu’elle justifie par le besoin de faire diminuer les nuisances et la criminalité liées au tourisme de masse et aux fêtards.

Vent debout contre la perspective de voir une « énorme maison close » à deux pas de chez eux, les résidents vivant à proximité des lieux à proximité des trois emplacements possibles pour le centre dans le nord et dans le sud de la ville ont inopinément rejoint la contestation des travailleuses du sexe, qui souhaitent rester derrière leurs vitrines aux néons écarlates près des canaux du centre historique.

PHOTO JASPER JUINEN, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

« Cela fait en réalité 16 ans que nous protestons contre la disparition des fenêtres », explique Mariska Majoor, une ancienne travailleuse du sexe qui défend le secteur.

« En 2007, la raison (invoquée par la municipalité, NDLR) était la lutte contre le trafic d’êtres humains et les abus et actuellement c’est la lutte contre le tourisme de masse », soupire-t-elle.

« Plus grand bordel d’Europe »

Une travailleuse du sexe qui s’est identifiée uniquement comme Lucie considère pour sa part que ces plans cachent « un grand projet d’embourgeoisement ».

« Il s’agit principalement de lutter contre la foule à De Wallen, mais ce n’est pas la faute des travailleuses du sexe, donc je ne vois pas pourquoi nous devrions être punis pour cela », a-t-elle ajouté à l’AFP.

Au total, plusieurs centaines d’Amstellodamois ont défilé jusqu’à l’hôtel de ville, a estimé l’agence de presse néerlandaise ANP..  

« Nous ne voulons pas du plus grand bordel d’Europe dans notre quartier », a martelé à l’AFP Cynthia Cournuejouls, une mère âgée de 42 ans, vivant dans le sud de la ville.  

La querelle a même impliqué l’Agence européenne des médicaments (EMA), fermement opposée au fait que deux des sites proposés se trouvent à proximité de son nouveau siège au sud d’Amsterdam.

La capitale néerlandaise, qui tente de se débarrasser de son image de « ville du péché », a également lancé une campagne en ligne pour décourager les jeunes européens d’organiser des enterrements de vie de garçon ou d’autres virées fêtardes dans la ville.

Après la levée de boucliers suscitée par la sélection en février de trois locations potentielles pour héberger le centre, la maire Femke Halsema a légèrement ajusté son plan en juin, promettant de réduire les espaces de restauration dans le bâtiment. Le bâtiment doit toujours héberger une centaine d’emplacements destinés aux travailleuses du sexe.

Une concession loin de rassurer : des pétitions s’opposant à ce projet ont rassemblé près de 22 000 signatures en septembre. Selon un sondage du quotidien amstellodamois Het Parool en juin, à peine une personne sur 5 soutient ce « centre érotique ».