(Kyiv) « Ce n’est pas le moment pour des élections » : le chef de l’État ukrainien Volodymyr Zelensky a fermé lundi la porte à un scrutin présidentiel dans le pays et tenté de clore un débat grandissant parmi les dirigeants après plus d’un an et demi d’invasion russe.

« L’heure est à la défense, à la bataille, dont dépend le sort de l’État et du peuple, et non à la farce, que seule la Russie attend de l’Ukraine. Je pense que ce n’est pas le moment pour des élections », a-t-il tranché dans son allocution quotidienne.

« Nous devons nous rassembler, ne pas nous diviser, ne pas nous disperser dans des querelles ou d’autres priorités », a-t-il encore exhorté.

Vendredi encore pourtant, son ministre des Affaires étrangères Dmytro Kouleba avait indiqué que le président ukrainien « pes [ait] le pour et le contre » sur le sujet.

Car si la Russie n’avait pas lancé son invasion en février 2022, les législatives en Ukraine auraient dû avoir lieu en octobre de cette année et la présidentielle, en mars 2024.

La situation actuelle place toutefois Kyiv devant un dilemme, ses alliés occidentaux, notamment les États-Unis, pressant l’Ukraine d’organiser des scrutins démocratiques alors même que près de 20 % de son territoire est occupé par la Russie et que des millions d’Ukrainiens sont réfugiés à l’étranger.

Autre obstacle de taille : il faudrait modifier la loi pour permettre l’organisation de scrutins sous la loi martiale, actuellement en vigueur.

« Il n’y a pas de place pour les conflits », a justifié lundi soir Volodymyr Zelensky qui prône quotidiennement « l’unité » de son peuple.

« Nous comprenons tous qu’aujourd’hui, en temps de guerre, alors que les défis sont nombreux, il est absolument irresponsable de lancer le sujet des élections dans la société de manière légère et enjouée », a encore appuyé le président ukrainien.

Navire « détruit »

L’annonce de Volodymyr Zelensky intervient alors que la Russie continue de mener quotidiennement des frappes lourdes sur la quasi-totalité du territoire ukrainien, ce qui poserait un problème sécuritaire majeur en cas de scrutin.

Kyiv a ainsi accusé lundi Moscou d’avoir tiré dans la nuit quatre missiles et lancé des drones d’attaque depuis les territoires ukrainiens occupés par la Russie dans le sud du pays.

L’Ukraine redoute particulièrement de voir Moscou lancer des attaques systématiques sur ses infrastructures énergétiques, comme l’hiver dernier, imposant des coupures de chauffage et de courant à des millions de personnes.

Pour se préparer, elle réclame depuis plusieurs mois à ses alliés occidentaux de renforcer ses défenses aériennes.

Sur le terrain, l’Ukraine a admis ces derniers jours l’échec de sa contre-offensive lancée en juin et qui n’a permis de reprendre que quelques villages, mais son armée cherche toujours à diminuer la force de frappe russe.

Volodymyr Zelensky s’est ainsi félicité lundi de « la destruction » de l’Askold, un important navire russe, sur le chantier naval de Kertch, en Crimée ukrainienne annexée, deux jours après que son armée eut dit avoir mené « avec succès » des frappes dans cette zone.

Dans une rare confirmation, les autorités russes avaient, de leur côté, indiqué que des tirs avaient endommagé un navire et entraîné la chute de débris sur un quai.

Explosion

Le ministre ukrainien de l’Intérieur, Igor Klymenko, a par ailleurs annoncé lundi soir la mort d’un des proches conseillers du commandant de l’armée ukrainienne, tué dans l’explosion d’une grenade qu’il avait reçu comme cadeau d’anniversaire de la part d’un de ses hommes.

Le major Guénnadiï Tchastiakov « est rentré chez lui après le travail avec des cadeaux offerts par ses collègues, qu’il a commencé à montrer à sa famille », a expliqué M. Kymenko sur Telegram.

« Il a pris un paquet cadeau avec des grenades à l’intérieur et a commencé à montrer l’une des munitions à son fils. Il s’agissait de grenades du nouveau modèle occidental », a-t-il poursuivi.

« Au début, son fils a pris la munition dans ses mains et a commencé à tourner la goupille. Le soldat a alors repris la grenade des mains de l’enfant et a tiré la goupille, provoquant une explosion tragique », a ajouté le ministre.

M. Klymenko a précisé que cinq autres grenades non explosées du même type ont été retrouvées dans l’appartement. « La police a retrouvé le militaire qui avait offert le cadeau fatal. Son bureau a été fouillé et deux autres grenades similaires ont été saisies », a ajouté le ministre.

Il a annoncé qu’une enquête est en cours.

Le commandant en chef Valery Zaloujny a dit pour sa part ressentir « une douleur indescriptible » après le décès de son conseiller.

Des frappes russes touchent un musée à Odessa, huit blessés

Des frappes russes sur Odessa, grande ville du sud de l’Ukraine, ont fait au moins huit blessés et endommagé notamment un musée d’art dans la nuit de dimanche à lundi, selon des responsables ukrainiens.

Des images publiées par les autorités de la ville et le musée montrent des débris et des éclats de verre sur le sol du Musée des Beaux-Arts d’Odessa, dont certaines vitres ont explosé.

Des murs sont fissurés et quelques tableaux semblent avoir été projetés au sol par la force de l’explosion.

La vice-ministre ukrainienne des Affaires étrangères, Eminé Djeppar, s’est dite « profondément indignée » par cette frappe.

« La destruction délibérée de sites culturels est un crime contre le patrimoine ukrainien », a-t-elle dénoncé, demandant « une réponse internationale forte et une action immédiate de l’UNESCO ».

Peu après, l’UNESCO a dit « condamner fermement » l’attaque, rappelant que « les sites culturels doivent être protégés ».

La directrice par intérim du musée, Kateryna Koulaï, a pour sa part indiqué à l’AFP qu’une évaluation « des dégâts [potentiels] invisibles à l’œil nu » était en cours.

La plupart des œuvres exposées avaient été « évacuées », a indiqué Oleg Kiper, un responsable des autorités régionales.

« Les dessins et les peintures des expositions en cours n’ont pas été endommagés », a-t-il dit sur Telegram.

Le Musée des Beaux-Arts d’Odessa, un élégant bâtiment rose, a été inauguré à la fin du XIXsiècle, selon son site internet.

PHOTO OLEKSANDR GIMANOV, AGENCE FRANCE-PRESSE

Vue sur le devant du Musée des Beaux-Arts d’Odessa,

19 soldats tués

Kyiv a accusé Moscou d’avoir tiré quatre missiles et lancé des drones d’attaque depuis les territoires ukrainiens occupés par la Russie.

Dans la région d’Odessa, huit personnes ont été blessées, a annoncé le ministre ukrainien de l’Intérieur Igor Klimenko.

Les frappes ont également atteint une vingtaine d’immeubles et des infrastructures dont la nature n’a pas été précisée.

L’Ukraine redoute en outre de voir Moscou lancer des attaques systématiques sur ses infrastructures d’énergie, comme l’hiver dernier, imposant des coupures de chauffage et de courant à des millions de personnes.

Le chef de l’administration de la présidence ukrainienne Andriï Iermak a rappelé lundi que l’hiver serait « très difficile ». « La Russie se prépare, donc nous devons nous préparer aussi », a-t-il dit.

Kyiv a réclamé à ses alliés occidentaux de renforcer ses défenses aériennes pour parer une intensification redoutée des frappes russes durant l’hiver.

Dans la région de Kherson, également située dans le Sud, des immeubles ont été touchés par un missile, selon Oleksandre Prokoudine, le gouverneur.

L’un de ces immeubles « a été frappé pour la troisième fois par l’ennemi », a-t-il indiqué, ajoutant que la frappe avait blessé une habitante.

L’armée de l’air ukrainienne a de son côté affirmé que « quinze [drones] Shahed et un missile aérien guidé Kh-59 [avaient] été abattus ».

Enfin, l’Ukraine a confirmé qu’un missile russe avait causé la mort de 19 de ses soldats vendredi.

Selon des médias locaux, les soldats étaient réunis pour une cérémonie de remise de décorations près de la ligne de front, dans la région de Zaporijjia.

L’armée ukrainienne avait confirmé que des soldats étaient décédés, sans jusqu’ici préciser leur nombre.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a annoncé dimanche qu’une enquête serait menée sur les circonstances de cette « tragédie qui aurait pu être évitée », selon lui.

Une procédure judiciaire a été engagée pour « attitude négligente d’un responsable militaire en service », ont annoncé lundi les services de sécurité ukrainiens.

Par ailleurs, dans le sud de la Russie, deux drones ukrainiens ont été abattus dans la région de Voronej sans faire ni victime ni dégât, selon le gouverneur régional Alexandre Goussev.

Les Russes tentent de reprendre le village de Robotyné

L’armée ukrainienne a affirmé lundi que les forces russes tentaient de reprendre Robotyné, village du sud dont la libération fin août avait laissé entrevoir à l’Ukraine une percée de sa contre-offensive, un espoir qui n’a pas abouti.

Dans le Sud, « l’ennemi a tenté de retrouver ses positions près de Robotyné, sans succès », a annoncé, Andriï Kovaliov, un porte-parole de l’armée ukrainienne.

Dans l’est du pays, les troupes de Moscou « continuent » également d’attaquer Avdiïvka, cité industrielle qu’elles essaient d’encercler depuis plusieurs semaines, a-t-il ajouté.

L’armée ukrainienne mène depuis juin une contre-offensive très difficile dans l’Est et le Sud, sans réussir à percer les lignes russes. Et ces dernières semaines, ce sont les Russes qui repassent à l’attaque, menant des assauts dans plusieurs zones.

De facto, le front n’a plus connu d’évolution significative depuis un an environ et la reprise de la ville de Kherson par l’armée ukrainienne.

Le blocage est tel que le commandant en chef de l’armée ukrainienne, Valery Zaloujny, a récemment estimé que la guerre se trouvait « dans une impasse ». Des propos d’une rare franchise, mais fermement rejetés par le Kremlin comme par le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

Récapitulant les combats de la semaine passée, Andriï Kovaliov n’a évoqué qu’une zone où les forces ukrainiennes sont à l’offensive : Bakhmout (Est), ville dont le nom évoque désormais la bataille la plus sanglante de la guerre.

Mais même là, elles ont aussi repoussé « 60 tentatives » des Russes de reprendre du terrain autour d’Andriïvka et de Klichtchiïvka, a-t-il précisé.